Protection du milicien Paul Touvier par l'Eglise catholique
La vie de Paul Touvier permet d'aborder le volet français de
l'attitude fasciste de l'Eglise catholique pendant et après la
seconde guerre mondiale. Paul Touvier naît en 1915 dans une famille
catholique pratiquante des Alpes Maritimes. Après un raté
au séminaire et un poste à la gare de Chambéry, il
s'engage à la Légion Etrangère puis en 1942 au
Service d'Ordre Légionnaire pour finalement faire partie de la
Milice. Ses exactions antijuives seront commises dans la région
Rhône Alpes en véritable chef de bande. Ses premières
expéditions punitives lui valent d'être arrêté
par la Police mais sans être plus inquiété grâce
à l'appui des autorités. Il continue alors son entreprise de
vols et de pillages des biens juifs. Touvier apparaît plus comme un
minable dont le fascisme profondément enraciné permit
d'exprimer la pauvreté de son esprit de façon bestiale que
comme un chef haut placé dans la hiérarchie de Vichy.
Le banditisme organisé par Touvier et son équipe entraîne des
règlements de comptes entre rivaux comme dans toute organisation
soumise à la seule loi du plus fort.
En janvier 1944, le milicien franchit une étape supplémentaire
qui fera de lui un criminel contre l'humanité. Le président
de la Ligue des Droit de l'Homme, Victor Brasch, et son épouse sont
arrêtés puis exécutés, l'accusation d'être
juif et franc maçon servant de justification. En juin, sept juifs sont
assassinés dans la commune de Rilleux, la justification étant,
cette fois, une riposte à l'assassinat par la Résistance de
Philippe Henriot, ministre de la Propagande. A mettre aussi au compte du
bourreau de Lyon: arrestations de réfugiés espagnols et leur
déportation, attentat contre une synagogue lyonnaise en 1943 dont
les responsables, mari et femme, furent déportés à
Auschwitz... Chacun de ces actes est accompagné de pillages avec
partage du butin entre les miliciens.
Après la Libération, Touvier, passé dans la
clandestinité, est condamné à mort en septembre 1945
à Lyon et en mars 1947 à Chambéry. Arrêté en
1947 suite à une tentative de hold up d'une boulangerie, il réussit
à s'échapper et vit caché grâce, en particulier,
à un aumônier de la Justice. Les condamnations sont prescrites en
1967 et le président Pompidou le gracie en 1971! L'argument
paravent de la "réconciliation nationale", ou autre mépris de
l'histoire
maquillé, n'a pas épargné la France. Ces années de
clandestinité n'ont été possibles que grâce à
la complicité de prêtres de la région de Chambéry.
Ce sont d'ailleurs les démarches persistantes du chanoine Duquaire
dès le début des années 60 qui ont préparé
le terrain à la décision de Pompidou. Le premier succès
de ces manœuvres (connues du Vatican) est d'avoir pu maintenir Touvier
dans la clandestinité jusqu'à la prescription des sentences de
mort et le second est l'amnésie de Pompidou. Face aux accusations
d'associations de résistants, Touvier retourne dans la
clandestinité en 1973. Un mandat d'arrêt est lancé en 1981
et ce n'est qu'en 1989 qu'il est retrouvé, sous un faux nom, dans
un couvent de Nice, propriété des partisans de Mgr Lefebvre,
intégristes catholiques. En plus de cette protection intra muros,
Touvier avait aussi été vu à l'extérieur,
habillé en prêtre. Suite à cette arrestation, la
défense du bourreau est confiée à Maître
Trémolet de Villers, personnage omniprésent dans
l'extrême droite catholique française.
En avril 1994, la cour d'assise des Yvelines prononce une condamnation
à la réclusion criminelle à perpétuité
pour "complicité de crimes contre l'humanité",
soit 50 ans après les faits.
Paul Touvier est décédé deux ans plus tard, le 17 juillet
1996 dans la prison de Fresnes.
Le 25 juillet une messe a été célébrée
en son honneur à Paris dans l'église Saint Nicolas du Chardonnet.
Le prêtre Philippe Laguérie y a exprimé son soutien à
l'ancien nazi en fustigeant la IIIème République, les médias,
la partie civile, la Licra... Touvier passe pour une "âme
délicate, sensible et nuancée". Le prêtre a aussi
encensé le jugement de son Dieu qui l'a rappelé à
lui (selon les croyances chrétiennes) pour mieux dénigrer la
justice des hommes qui ne sait pas pardonner.
Dans l'assistance on notait la présence de Pierre Bernard,
député de Seine Saint Denis. La foi de Touvier reste sa
meilleure défense auprès des catholiques intégristes
qui voient dans l'ancien milicien un des leurs à part entière.
L'Eglise catholique n'a donc jamais failli à son soutien envers le
fasciste Touvier. Son éducation catholique, les premiers soutiens dans
l'illégalité dès la Libération, les caches, les
démarches réussies en vue de son pardon présidentiel,
l'hébergement dans un monastère et, finalement, la messe
donnée pour sa mort scellent une durable convergence de vues entre
les autoritarismes religieux et fasciste rassemblés autour de
l'antisémitisme. Rejeter cette collaboration sur les seuls
extrémistes de la Fraternité Saint Pie X (amis de Mgr Lefebvre)
ne serait qu'une échappatoire réductrice car le Vatican a aussi
été partie prenante dans l'affaire et la déclaration de
repentance du clergé catholique français en 1997 à
Drancy ne masquera jamais cette collusion.
Sources: L'Express, L'Alsace, Le Monde, New York Times
La chaîne de télévision Histoire a diffusé en janvier et février 2002 42 heures du procès de Paul Touvier.
|