A la cathédrale de Tolède,
une messe à la mémoire des curés franquistes béatifiés






Les curés de Tolède, béatifiés le 28 octobre 2007 à Rome,
affichés sur un mur de la cathédrale.

Comment organiser un rassemblement de franquistes sans prononcer une fois le nom du général ? L'Eglise espagnole, experte en manipulation, connaît l'astuce : une messe à la mémoire des 498 curés franquistes béatifiés le 28 octobre a été célébrée en la cathédrale de Tolède le 4 novembre. Dirigée par le cardinal Cañizares, la messe a été précédée par une procession qui sentait bon le formol d'un catholicisme médiéval : un cortège de deux cents curés de tous âges a déambulé dans ce temple de la superstition et du fanatisme avant de prendre place aux premiers rangs. Quelques religieuses couleur corbeau, reléguées dans l'assistance, se pressent pour ne rien manquer du grand jour. Parmi ces ombres tristes, l'une arbore une tenue qui rendrait jalouse la plus prude des adeptes du hidjab : seul le visage émerge de sa tenue de camouflage en noir et blanc. Tout masquer, tout nier, le corps comme l'histoire, le catholicisme tout entier réside dans cette négation.


Deux cents curés et apprentis curés en procession
Le sermon fut simple et répétitif : les curés fascistes seraient des "martyrs", d'eux seuls émanerait "la véritable révolution, le changement décisif du monde" (El Dia, 5 novembre 2007, le genre de torchon dont les presses du Vatican pourraient être jalouses), et les antifranquistes seraient des "présumés révolutionnaires" mais aussi des "agresseurs" de Jésus, pas moins, ce qui, honnêtement, est un titre fort enviable. Sans oublier de mettre en garde contre le danger suprême : "l'athéisme est le drame et le problème le plus important de notre temps" (Europa Press 4 novembre 2007). L'organisation d'un congrès athée à Tolède du 7 au 9 décembre n'est probablement pas étranger à cette sentence désolée et désespérée...

Comme une messe n'en serait pas une sans ces moments soporifiques dont les rituels catholiques ont le secret, lecture a été faite de la liste des cinquante cinq noms des ensoutanés de Tolède figurant parmi les 498 béatifiés. Pour ajouter au tragique, un parent de l'un d'entre eux lit la Bible. Bien sûr, pas un mot sur les victimes du franquisme, le soutien de l'Eglise espagnole apporté à Franco, et pas plus sur l'oppression pratiquée par la secte catholique depuis toujours.

Alors, contre la bénédiction du fascisme par l'Eglise, contre l'impunité des franquistes dans la société espagnole, contre la pollution visuelle exercée par leurs symboles encore très présents, contre l'oubli des combattants antifranquistes que la passion de la liberté et de l'émancipation a poussé à la mort, une note rageuse est collée à l'entrée de la cathédrale par une femme dont le grand père, socialiste et humaniste, et l'oncle, anarchiste, font partie des innombrables victimes des amis de l'Eglise : "Et les victimes du franquisme ?"

Dans cette atmosphère puante où les christicoles n'ont cependant pas rempli la cathédrale (les derniers rangs sont vides), détacher son attention de l'apologie du franquisme n'est pas pour autant la reposer : au fond de la cathédrale une inscription, restaurée en 1992, se réjouit encore aujourd'hui de l'expulsion des juifs d'Espagne en 1492 ! Oui, on en est là. Le catholicisme s'affiche ici sans fard, sans artifice qui tenterait d'en faire une idéologie moderne et tolérante comme pratiqué frauduleusement ailleurs : haine des juifs, haine des défenseurs de la liberté et célébration des fascistes sont le cœur d'une doctrine qui, en deux millénaires, a contaminé tous les continents.


27 novembre 2007


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