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Un bar-tabac royaliste à Paris
Le temps s'est arrêté en 1793 au bar-tabac des Templiers à Paris. La fin de Louis XVI fut aussi le début de l'hibernation des monarchistes français. Situé à proximité de l'Hôtel de Ville, au 35 rue de Rivoli, le café ne sait plus où ranger les reliques du passé royaliste du pays. Les vitrines poussiéreuses regorgent de crucifix et de portraits de Louis XVI, les murs sont couverts de scènes bibliques, de portraits de templiers et d'arbres généalogiques des familles royales françaises sans oublier une publicité pour la bière Jeanne D'Arc ou des cœur chrétiens sanguinolents à l'image du culte du Sacré Cœur.
L'endroit est unique et tient autant d'un musée nostalgique de l'Ancien Régime que du bar PMU, les habitués se rafraîchissent au comptoir en parlant football ou consultent les résultats des diverses loteries, cet opium du peuple dont l'Etat s'engraisse sans scrupule. Peu semblent se soucier d'un tableau immense qui imagine la venue des Rois Mages, le football captive plus que la profusion de statuettes ou autres représentations de Jeanne D'Arc.
Dès l'extérieur du café, la Révolution de 1789 apparaît comme la cible d'un endroit voué à la mortification perpétuelle et au ressassement infini des temps anciens : les testaments de Louis XVI et Marie-Antoinette sont lisibles depuis la rue sous les portraits des despotes et accompagnés de gerbes de fleurs de lys. Plusieurs représentations de la prison du Temple, où a été enfermée la sainte famille en 1792 et 1793, cultivent la haine de la Révolution. Quelques chefs vendéens (Lescure, D'Elbée) accompagnés du cœur vengeur ornent les murs de leur opposition farouche à une société égalitaire. Cadoudal a lui aussi l'honneur de figurer dans cette galerie d'une France archaïque et oppressive. Son rôle essentiel dans la révolte des Chouans et sa tentative d'assassinat de l'"imposteur" Napoléon en 1800 ne pouvaient que le rendre sympathique auprès des monarchistes. Participant du même esprit de croisade, de nombreux dessins et statuettes exhibent fièrement un "Dieu le veut" qui, dans l'histoire chrétienne, justifia et encouragea tant de massacres
Mais le patron du bar sait vivre avec son temps et n'oublie pas de célébrer quelques héros plus contemporains. Le portrait, à des âges différents, d'un des héritiers autoproclamés du trône est accroché en maints endroits. À défaut d'un réceptacle à la hauteur de sa gloire passée, celui qui est appelé Louis XX dispose ici d'une cour fidèle embrumée dans des odeurs de café et de cigarette. L'étonnement, et la stupeur, ne sont pas moindres quand le visiteur fait face à deux photographies du colonel Bastien-Thiry, l'auteur de la tentative d'assassinat contre De Gaulle en 1962. Il sera fusillé l'année suivante. Et un portrait de Mgr Lefebvre, derrière le bar, veille sur les bouteilles de whisky.
27 février 2004
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