Tariq Ramadan perd son procès en diffamation contre Antoine Sfeir mais le gagne contre Lyon Mag





Difficile de parler de Tariq Ramadan (photo) sans présenter sa famille si unie pour la gloire d'Allah. Petit-fils d'Hassan al Banna, fondateur du mouvement des Frères Musulmans dans les années 1920 dont la doctrine sera suivi par quantité d'organisations terroristes, il est aussi le frère de Hani Ramadan, fasciste avéré et fervent partisan de la charia sur le sol européen. Tous deux sont de nationalité suisse et, selon le mot de Hani Ramadan, ils constituent les deux faces d'une même pièce. Enfin, pour élargir le cercle familial, on ne saurait oublier le journaliste Xavier Ternisien (photo), chroniqueur religieux du quotidien Le Monde et qui officie quasiment comme porte-voix des thèses communautaristes de Tariq Ramadan.

L'universitaire musulman se plaît à sillonner la France avec un enthousiasme sans égal dans sa propagande pour un islam français où la laïcité y perdrait sa liberté, son égalité et sa fraternité. L'homme est habile et en a berné plus d'un, la Ligue de l'Enseignement en premier lieu dont les déclarations de son président font désormais le bonheur de l'UOIF ! Ramadan n'est pas seulement un "savant" de l'islam comme aime à se présenter quiconque connaît le Coran par cœur, c'est une idole, une vedette mais aussi un homme que les jeunes femmes voilées qui assistent à ses conférences vénèrent comme Thérèse de Lisieux adorait le Christ... Non, répètent-elles à l'envi, Tariq Ramadan n'est pas un intégriste, non il n'est pas contre la laïcité, non il n'est pas contre la République. Pourtant, le magazine Lyon Mag et Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l'Orient, ont dressé du gourou des alpages suisses un portrait quelque peu différent.

En octobre 2001, après les attentats du 11 septembre aux Etats Unis d'Amérique, Lyon Mag publie une enquête sur l'islamisme qui mettait en cause Ramadan pour son ascendant intellectuel sur les jeunes musulmans qui, ensuite, pouvaient verser dans le terrorisme. Par son double langage, Ramadan tient des propos modérés devant les non-musulmans alors qu'il se montre plus radical face aux jeunes fous d'Allah. Trois mois plus tard, la revue publie un entretien avec Antoine Sfeir qui développe le même thème du double discours en le désignant comme "un fondamentaliste charmeur spécialiste du double langage". Tariq Ramadan, ayant peu apprécié que le masque soit découvert sans plus de pudeur (islamique), intente deux actions en justice pour diffamation : l'une contre Lyon Mag pour son enquête de 2001 et l'autre contre Antoine Sfeir pour son article de janvier 2002.

La première audience a lieu le 26 septembre 2002 au tribunal correctionnel de Lyon. Ramadan a l'intelligence de solliciter l'aide de personnalités non seulement non-musulmanes mais en plus qui s'affichent laïques : Michel Morineau de la Ligue de l'Enseignement, Françoise Germain-Robin, du quotidien L'Humanité, et Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde diplomatique, autre publication où Ramadan a ses entrées. Curieusement, c'est en face que se trouvent les musulmans : Soheïb Bencheikh, grand mufti de Marseille, Rachid Kaci, apôtre de l'ultra-libéralisme et président de la Droite Libre, et Michel Renard, un converti ancien co-directeur de la défunte revue Islam de France qui avait pourtant exprimé son plaisir à lire Tariq Ramadan dans le numéro 7 d'Islam de France, page 174... Les consciences sont parfois longues à accéder à la lucidité. Mais Antoine Sfeir reçoit aussi le soutien de Michèle Tribalat, co-auteure de l'excellent L'islam et la République, et de Richard Labevière, journaliste à Radio France Internationale et spécialiste du fanatisme musulman. Le verdict, prévu pour le 19 novembre 2002, a été connu le 19 décembre : les deux accusés sont relaxés. Le caractère diffamatoire des deux articles n'est pas reconnu. Jugeant que la justice divine lui a été de peu de secours alors que celle des humains lui offre encore une possibilité de rattraper la situation, le plaignant fait appel de la décision. Mais Ramadan n'est pas isolé dans l'épreuve, toute la cohorte des associations musulmanes, dont l'Union des Jeunes Musulmans, est suspendue à son destin.

L'examen de l'appel a eu lieu devant la Cour d'appel de Lyon le 22 mai 2003. La relaxe a été confirmée pour Antoine Sfeir mais pas pour Lyon Mag qui a été condamné pour diffamation à 2500 euros de dommages-intérêts. Ce jugement est extrêmement regrettable pour une revue qui ose le ton polémiste sur un sujet où la timidité n'est pas de mise. Néanmoins, la confirmation de la relaxe pour Antoine Sfeir est une excellente décision qui, désormais, permet à quiconque de qualifier les propos de Ramadan selon les termes de Sfeir. La Cour a estimé que le directeur des Cahiers de l'Orient "exprimait une opinion critique qui, formulée dans un contexte marqué par de graves attentats terroristes, n'apparaît pas disproportionnée eu égard au but d'information poursuivi". Et sur le comportement du suisse, elle a jugé que "Tariq Ramadan peut porter une responsabilité, peut-être morale, en faisant naître dans certains esprits une vocation terroriste ou en en confortant d'autres dans leur résolution à suivre une telle ligne de conduite ". Liberté est ainsi donnée à l'examen critique des manigances de Tariq Ramadan, une liberté qui ne s'use que si on ne s'en sert pas...


16 août 2003


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