Motion laïcité

de Sud Education Haute Normandie







L'enlèvement des crucifix dans les écoles de Paris,
dessin de Gerlier paru dans la presse illustrée le 20 février 1881.
Maison Pour Tous, Calais, exposition Histoire et actualité de la laïcité, mars 2008.



Motion laïcité

Les attaques contre l’école publique.

De plus en plus souvent, école publique et école privée confessionnelle font l’objet d’un traitement identique :

- formation des professeurs du second degré en IUFM, secteurs public et privé confondus depuis les accords Lang-Cloupet.

- crédits de fonctionnement des écoles financés par les communes à quasi égalité entre le public et le privé.

- alignement du niveau des pensions de retraite des enseignants du privé avec celui du public (30 millions d’euros par an pour l’état et autant d’économies pour l’employeur privé).

- enseignement du fait religieux dans le public, enseignement confessionnel dans le privé. (95% de l’enseignement privé est confessionnel)

- assouplissement de la carte scolaire pour aller vers sa disparition malgré des effets désastreux lors de son contournement massif comme c’est le cas dans certains quartiers en faisant encore régresser la mixité sociale.

- avec les EPEP (Etablissements Publics d’Enseignement Primaire), contrôle par les hiérarchies locales des attributions de postes comme dans le privé. 

- projets d’école et d’établissement avec obligation d’y adhérer qui rappellent le caractère   " propre " du privé.

Le fonctionnement de l’enseignement privé est devenu un modèle pour réformer l’enseignement public.

Ce traitement, loin de réduire les inégalités rencontrées au sein même de l’école publique favorise maintenant l’enseignement privé. Par exemple, la suppression des postes est proportionnellement plus importante dans le public.

A présent, s’ajoute une nouvelle forme d’oppression qui prétend asseoir son emprise irrationnelle sur les cerveaux, se présentant comme aussi indiscutable – au sens propre – que la religion : la marchandisation. Les dévots de Saint Nike et de Sainte Cocacola sont aujourd’hui plus nombreux dans les écoles que les adeptes d’autres religions, anciennes ou nouvelles. Cela n’empêche pas, bien sûr, les anciennes religions de chercher sans cesse à revenir sur les conquêtes laïques. C’est donc sur ces deux fronts que nous devons défendre la laïcité.

Les entorses à la laïcité et à la loi de 1905 ne sont pas nouvelles (cette liste est non exhaustive):

- 1918 : maintien du concordat (1801) après le retour de l’Alsace Lorraine sur le territoire français (avec, entre autre, la rétribution des ministres du culte par l’état et l’enseignement religieux dans les écoles publiques).

- 1940 – 1941 : loi Vichy : autorisation d’enseigner pour les congrégations religieuses et enseignement du catéchisme dans les programmes des écoles publiques.

- 1951 : lois Marie-Barangé octroyant des bourses d’état aux élèves du privé.

- 1959 : loi Debré instituant les contrats simples (les enseignants sont payés par l’état) ou d’association avec les établissements privés (subventions et contrôle des programmes en plus).

- 1966 :loi d’orientation sur la formation professionnelle : convention entreprise-école

- 1967 :Fouchet : création des IUT et choix des enseignants selon leurs compétences par le patronat.

- 1977 : loi Guermeur : les établissements privés gardent leur caractère propre, c'est-à-dire leur spécificité religieuse ; les dépenses de fonctionnement du privé sont prises en charge selon les mêmes critères que celles du public.

Toutes ces aides n’empêchent pas l’enseignement privé de faire participer financièrement les familles ni de continuer à trier ses élèves.

Ces concessions faites à l’enseignement privé ne sont pas un signe d’ " ouverture " (on a parlé de laïcité ouverte), mais au contraire, un retour au passé avec l’enseignement congrégationiste.

Les ministres successifs ne cessent de reconnaître à l’enseignement privé " une mission de service public ", ce qui n’empêche pas celui-ci de tenir à conserver son caractère " propre ".

Dans le même temps, des établissements de toute confession profitent de ces opportunités pour se développer.

Les dangers du communautarisme.

Notre société évolue ainsi vers le communautarisme dont, pourtant, on commence à voir les effets pernicieux, liberticides et parfois barbares en Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada, Pays Bas, France aussi.

Voici quelques exemples parmi beaucoup :

- au Québec, le principe d’ " accommodement raisonnable " qui permet à une personne d’échapper à la règle si elle se sent discriminée par celle-ci. Une école interdit les armes blanches dans ses locaux et refuse à un jeune sikh de porter le kirpan (couteau) ; au terme de quatre années de procès, la famille obtient gain de cause : le couteau sera porté mais cousu dans ses vêtements.

- aux USA, des états imposent l’enseignement du créationnisme.

- en France et ailleurs, des professeurs se heurtent au refus par des élèves de suivre certains enseignements : sport, sciences naturelles ; à tel point que des professeurs finissent par s’autocensurer.

Ces exemples concernant l’éducation s’inscrivent dans une offensive généralisée de la censure et de l’oppression : interdiction de spectacles, remise en question du droit à l’avortement, acceptation des mutilations sexuelles, refus d’interventions médicales, violences faites aux femmes qui s’émancipent, ségrégation sexuelle…

Sans réaction de notre part, notre société va évoluer vers une juxtaposition de communautés religieuses, chacune avec ses règles, organisant une société cloisonnée.

Or, le communautarisme impose l’appartenance à un groupe. Sitôt né, l’enfant est la " chose " du clan ou de la famille. Il lui est souvent imposé une religion, des rituels, parfois des mutilations, cela au mépris total des droits humains. Aussi, quelle liberté pour l’individu de s’en émanciper ?

Les exemples précédents nous montrent que c’est parfois impossible.

Par ailleurs, nos arguments sont toujours très respectueux des croyances mais, en revanche quelle place le communautarisme fait-il à tous ceux et celles qui sont convaincus que le ciel est vide et qu’il n’y a pas d’au-delà ?

Logique de ces attaques.

Ces attaques contre la laïcité appartiennent à une logique dont le but est d’imposer un projet de société tout acquis au bon fonctionnement du capitalisme : réalisation de profits immédiats pour quelques uns au détriment de tous les autres.

L’école publique, qui a pour origine au XIXe siècle, la transmission des idées républicaines et la formation des futurs contremaîtres de l’industrie en développement, se révèle trop coûteuse et dangereuse pour ces profits. La livrer aux pouvoirs locaux politiques et économiques et, dans le même temps continuer à ouvrir les mannes financières à l’école privée (les religieux sont aussi de bons comptables), et voilà parachevée sa destruction. Ajoutons à cela des programmes réduits à " un socle commun de connaissances ", des cours de religion s’appuyant sur l’ignorance et la croyance en un monde meilleur initié par la misère. Il a toujours été utile aux puissants que le peuple croie dans l’irrationnel, que celui-ci soit religieux ou donne l’illusion du bonheur par l’emploi de telle marque de produit, pour le soumettre aisément à toutes les formes d’autorité, déclarée ou pernicieuse.

Pour cela, certains politiciens font alliance avec les religieux réactionnaires pour cloisonner la société et nous faire oublier que nous avons plus de raisons de nous rassembler que de nous diviser : lutter pour l’égalité, pour l’emploi, pour les services publics, pour les droits des femmes et des enfants…

Une fois le combat social éteint, les rouages de la société libérale pourront tourner tranquillement.

L’histoire nous apprend qu’à chaque fois que les mouvements sociaux sont en recul, les possédants s’attachent au démantèlement de l’école publique.

C’est le cas aujourd’hui.

Les attaques contre les services publics.

Les attaques contre l’école s’inscrivent dans la destruction généralisée des services publics.

  • services postaux privatisés : distribution des colis, gestion des comptes.
  • prestataires privés de distribution de l’électricité, du gaz et de l’eau.
  • partage du " marché " de la santé entre le secteur public et le secteur privé attribuant à ce dernier les actes rentables et sans risques.
  • suppression du secteur bancaire du trésor public livré sur un plateau aux banques privées.
  • les prix du TGV qui n’ont plus rien à voir avec un service de transport s’adressant à tous car mis en concurrence avec l’avion pour être préféré par les hommes d’affaires.
  • abandon du fret au profit de sociétés privées.

Partout, nous devons refuser les privatisations.

Spécificité de l’école.

Ce qui différencie l’école des autres services publics, c’est sa fonction d’éducation et de formation de la jeunesse. Adulte, je peux choisir entre hôpital public ou clinique privée, si

j’en ai les moyens. Enfant, je ne peux pas choisir mon école. C’est à la société des adultes de permettre aux jeunes de se développer à l’abri des influences idéologiques, d’exercer sa réflexion, de choisir librement ses convictions.

L’école est une nécessité pour une société qui veut se développer conformément aux droits humains universels : ce doit être le lieu de l’émancipation des jeunes, de leur rencontre et de leur confrontation entre eux et avec d’autres adultes que ceux du milieu de naissance.

C’est aussi le lieu des apprentissages, des découvertes qui ne peuvent se concevoir sans l’indépendance totale vis-à-vis des pressions et tutelles idéologiques et en dehors de toute compétition. C’est dans ces conditions que ces élèves devenus adultes pourront s’insérer de manière active et devenir des êtres libres à même de maîtriser leur avenir tout en sachant qu’il n’est pas indépendant des choix collectifs.

Seule l’école publique peut garantir ces droits.

Enseigner dans les établissements privés confessionnels relève d’un choix. Le candidat doit d’abord demander l’accord de la direction de l’enseignement catholique avant de s’inscrire à l’IUFM..

Tout syndicat se réclamant de la laïcité, tout syndicat membre de Solidaires doit revendiquer un service public unifié d’éducation.

Certes, nous ne nous satisfaisons pas du système scolaire actuel qui reproduit les inégalités sociales.

Mais nous ne devons pas nous résigner et nous devons lutter pour l’améliorer et combattre la pauvreté sociale et culturelle sur laquelle s’appuient les cléricaux et les marchands.

Nous devons combattre aussi le catéchisme libéral. La décentralisation accentue l’intrusion des entreprises privées dans l’école par la financement de matériel et de projets, faisant ainsi entrer dans l’école des valeurs marchandes contraires à l’esprit d’égalité dans le service public. Déjà, de plus en plus d’entreprises développent leurs propres centres de formation, au détriment de l’école publique et du respect de l’égalité d’accueil sur le territoire.

L’éducation nationale elle-même, s’appuyant sur le prétendu " Code de bonne conduite en milieu scolaire " introduit par J.Lang en 2001, officialise l’intrusion des financements privés dans l’école, justifiant et encourageant ainsi les coupes budgétaires.

La laïcité : une nécessité.

Des services publics remplissant leur mission de solidarité et d’égalité ne sauraient se passer du principe de laïcité.

La laïcité n’est pas un combat d’arrière garde.

Seule une société inscrivant dans ses principes fondateurs, la laïcité, peut assurer la liberté de conscience, affirmer le droit à la solidarité et à la démocratie, mener le combat pour l’intégration et la justice sociale, mettre fin aux actes barbares et à la soumission des individus à des règles non choisies.

La laïcité seule permet le respect mutuel, réservant à la sphère privée croyances et convictions afin que tous et toutes puissent agir dans la sphère publique à l’intérêt général sans tutelle aucune. Ne pouvant se concevoir sans la démocratie, elle accorde à tous les membres de la société le droit d’exercer cette gestion.

Elle combat l’oppression et préserve les droits fondamentaux des personnes, y compris celui de pratiquer une religion.

Elle garantit l’indépendance de ceux qui ont à mener une mission de service public.

Il nous faut imposer la laïcité de l’école et la défendre avec constance car elle est malmenée par ceux-là mêmes qui ont charge de la défendre. L’actualité nous montre que rien n’est jamais acquis définitivement (légalisation de l’avortement, protection sociale,…)

La laïcité prend toute sa part dans le combat social.

On ne peut pas mettre au même niveau un enseignement dispensé par des personnes dont on requiert avant leur formation leur adhésion aux valeurs religieuses (propres) de l’établissement et un enseignement fondé uniquement sur des valeurs universelles.

C’est pourquoi nous réclamons la nationalisation de l’enseignement privé et l’intégration dans l’éducation nationale des personnels et des locaux privés sans indemnité ni rachat.

Une seule école, l’école publique.

Sud Education Haute Normandie (octobre 2007)




28 octobre 2007

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