Béatification de l'archevêque Stepinac par Jean Paul II
Le pape Jean Paul II a effectué un voyage en Croatie du 2
au 4 octobre 1998. Cette visite a eu pour objectif la
béatification du cardinal croate Alojzije Stepinac.
En 1941, la Yougoslavie est découpée par l'Allemagne et
l'Italie et on voit apparaître un nouvel état
indépendant: la Croatie. Cette nation à majorité
catholique sera un satellite des états fascistes avec à
sa tête Ante Pavelitch qui visera à éliminer la
minorité serbe
orthodoxe. Trois options s'offrent aux serbes vivant sur le sol croate:
la fuite, la conversion au catholicisme, la mort. Le gouvernement croate
procéda donc à des massacres d'une horreur similaire
à celle des nazis, massacres qui n'ont pu se réaliser que sous
la bienveillance de l'Eglise catholique, avec parfois sa participation
active.
Le plus haut dignitaire de l'Eglise croate était alors
Mgr Stepinac
qui faisait aussi partie du Parlement oustachi, ses
parades aux cotés des fascistes étaient donc fréquentes.
Son ambition d'une Croatie indépendante et catholique trouve
donc tout naturellement un allié de premier plan en la personne
du bourreau Pavelitch. Pendant les quatre années d'existence de
cet état croate, l'horreur sera quotidienne: des villages
détruits, des centaines de milliers d'orthodoxes massacrés
pour assurer la suprématie de la Croatie catholique. Jamais
Mgr Stepinac ne protesta contre cette barbarie, les nombreuses
conversions d'orthodoxes étant plutôt synonymes de
l'efficacité de cette politique. Une efficacité qui
n'était pas inconnue au Vatican, la complaisance de
Pie XII
étant assurée. La pape ne manquait pas d'adresser des messages
d'estime à Pavelitch en 1941-1943, les exactions croates étaient
pourtant bien connues.
Lorsque l'état croate sentit venir sa fin, Mgr Stepinac cacha dans
sa résidence les archives du gouvernement ainsi qu'une
précieuse cargaison d'or, résultat des pillages des
possessions serbes. Après la fin de la guerre, Pavelitch trouva refuge dans divers couvents pendant que Stepinac ne reniait rien de son passé
et donnait asile aux tortionnaires. En septembre 1946, il fut
arrêté par le gouvernement communiste (qui n'a pas plus de
leçons à donner en matière de démocratie) et
condamné à 16 ans de travaux forcés. En 1953 Mgr Stepinac se
voit récompensé du titre de cardinal par Pie XII qui continuait de
l'assurer de son soutien. Il décéda en résidence
surveillée en 1960.
Le pape Jean Paul II a béatifié le cardinal le 3
octobre 1998, au sanctuaire de Marija Bistria, près de Zagreb.
Jean Paul II a décrit le cardinal comme un martyr "qui a souffert
des atrocités du communisme dans sa chair et son esprit" se
référant à son emprisonnement par Tito.
Célébrée devant 400000 personnes, cette
béatification consolida ainsi le nationalisme croate,
incarné par le président Franjo Tudjman, dont la religion
catholique en est inséparable. Dans un régime où la
liberté de la presse est malmenée, des éclaircissements
sur le rôle de l'Eglise catholique croate pendant les
années 1941-1943 auraient été les bienvenus mais le
pape n'a pas cru bon de s'exprimer sur ce point. Son souhait a
plutôt été que le peuple croate se tourne
résolument vers l'avenir et se guérisse des haines
passées (=la guerre en Yougoslavie des années 1990). Mais
aucune demande de pardon envers les juifs, les tziganes et les serbes
orthodoxes persécutés sous le régime de Pavelic n'a
été entendue dans le discours papal. Stepinac reste donc un
héros de l'anticommunisme dans un passé
fasciste que le pape s'est efforcé d'ignorer.
La béatification de Mgr Stepinac montre donc bien que les pseudos
déclarations de repentance de l'Eglise catholique sur ses
activités lors de la seconde guerre ne sont que des leurres.
Le passé ne peut s'effacer ainsi. Cette béatification est
une suite logique à celle prononcée en mai 1996 pour le
cardinal Schuster qui constitua un réel soutien à Mussolini
dans les années 30.
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