La lutte contre les sectes du gouvernement français



C'est en 1985 qu'un premier rapport sur la dangerosité des sectes a été établi par le député Alain Vivien mais c'est à partir de 1995 que le gouvernement français s'est préoccupé régulièrement de limiter la nocivité des sectes. La Mission Interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) est créée en 1998 et présidée par Alain Vivien. En 1996 est publié un nouveau rapport classant 173 sectes comme dangereuses ce qui a valu aux USA d'y voir une atteinte à la liberté religieuse (voir mes commentaires). Mais l'unanimité des députés sur cette question ne peut faire oublier la présence scandaleuse dans la loge des invités de la porte parole de l'Eglise de Scientologie lors d'une séance parlementaire sur les sectes ni les vols d'archives dans les tribunaux de Paris et Marseille. Le 22 juin 2000 un nouveau pas a été franchi avec le vote à l'unanimité (mais un député Témoin de Jéhovah ou autre aurait-il ouvertement osé voter contre?) d'une loi répondant au projet du sénateur UDF Nicolas About.

Cette loi prévoit:
- la dissolution judiciaire des sectes condamnées deux fois
- la possibilité pour les maires de refuser des permis de construire à des sectes déjà condamnées deux fois
- la réglementation de la promotion des sectes, pas d'implantation à moins de 200 mètres des lieux comportant des victimes possibles (écoles, hôpitaux)
- une répression accrue de l'exercice illégal de la médecine
- la création d'un délit de manipulation mentale
Si les quatre premières proposition sont d'une nécessité incontestable, la cinquième a suscité un débat sur la notion de "manipulation mentale". La ministre de la justice Elizabeth Guigou a demandé une plus grande réflexion sur cette notion avant la mise en application de la loi pour éviter toute dérive. La définition de "manipulation mentale" doit amener la plus grande prudence mais la lutte contre les sectes ne peut se contenter de recourir uniquement aux autres aspects évoqués plus haut et à ceux utilisés par le passé. Leur efficacité est très faible et rares sont les condamnations prononcées (voir le jugement de Lyon). La justice se heurte à l'astuce d'avocats experts dans l'exploitation des moindres failles du droit mais aussi et surtout au fait que les victimes sont consentantes. De plus, les menaces courantes envers les plaignants les font parfois renoncer à une action en justice. Instaurer un délit un délit d'ordre psychologique me semble donc justifié et n'est en rien liberticide (un délit d'abus de faiblesse existait déjà). Mais il est vrai qu'il y a débat sur ce point chez les laïques et libre penseurs.

L'Eglise ne s'est pas montrée muette. Elle est convaincue de la nécessité de lutter contre la concurrence des sectes (le député Jean Tiberi, RPR, a formulé une proposition de loi et l'Eglise de Scientologie est interdite en Bavière, région allemande très chrétienne) mais elle proteste devant ce nouveau délit de "manipulation mentale". J'y vois donc là une raison supplémentaire d'y être favorable: c'est la reconnaissance implicite par l'Eglise que le prosélytisme religieux est une manipulation des esprits et que certaines communautés religieuses assez fermées sont directement concernées.

Le Sénat a organisé le 8 novembre 2000 une audition des représentants des principales religions, ou ceux qui se prétendent tels, sur la lutte contre les sectes et en particulier sur cette notion de manipulation des esprits. Islam, judaïsme, protestantisme et catholicisme ont ainsi donné un bel exemple d'œcuménisme: quand il y a péril en la demeure les divergences et la compétition s'effacent. Les forces cléricales savent se rassembler. Mgr Jean Vernette, représentant de la conférence des évêques de France, s'est alors laissé aller, dans un instant d'égarement, à reconnaître que ce délit de manipulation mentale pourrait signifier que "toute conviction religieuse serait la manifestation d'une déficience de l'individu" (Libération 25 janvier 2001). On ne peut qu'acquiescer devant pareil éclair de lucidité. L'examen de la nouvelle loi par le Sénat devait avoir lieu le 25 janvier 2001 mais a été repoussé à une date ultérieure.


Les documents du Parlement:

Rapport de la commission d'enquête sur les sectes, n° 2468, décembre 1995

Les sectes et l'argent, rapport N° 1687, juin 1999

Le dossier complet sur la loi n°2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales


27 juin 2000
mis à jour le 4 février 2001

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