Numéro hors série de Science et Vie sur les miracles : imprimé par les presses du Vatican ?
A une époque où les médias s'abreuvent à la source papale, où les élus se ruent dans les mosquées pour le Ramadan et où la religion est vue comme un paisible auxiliaire de maintien de la paix sociale, on attend que la science incarne le dernier bastion de résistance aux supercheries religieuses. Hélas, il n'en est rien, c'est du moins la position de la revue Science et Vie. Dans un numéro hors série consacré aux miracles (septembre 2006), le magazine autrefois scientifique semble avoir été imprimé par les presses du Vatican tant l'usage du conditionnel y est inconnu et les analyses critiques absentes.
Les superstitions chrétiennes occupent la plus grande part du numéro mais il n'y a pas à craindre d'analyses trop critiques ou d'enquêtes trop indiscrètes sur les manipulations mentales opérées par deux mille ans de catholicisme. Ainsi, le mot "inexpliqué" cède fréquemment la place à "inexplicable", les apparitions de la figure de Marie à Lourdes sont présentées sans l'usage du conditionnel (page 29), et les miracles chrétiens sont décrits sans analyse sceptique. Le dossier sur Lourdes se limite aux informations rapides habituellement distillées dans la littérature catholique et n'évoque à aucun moment de façon détaillée les travaux critiques déjà produits (par exemple ceux des médecins Valot). Quant aux hallucinations de trois enfants à Fatima en 1917, elles ne sont jamais présentées comme telles et les manœuvres de l'évêque local dans la confection du témoignage de Lucia sont occultées.
On chercherait en vain, dans ce numéro spécial, une ébauche de ce rationalisme qui, pourtant, devrait constituer la matière première de toute revue de vulgarisation scientifique. Certes, quelques articles sortent de ce magma obscurantiste. L'entretien avec Ian Hacking, philosophe des sciences, rappelle utilement l'argument de David Hume sur l'absence de crédibilité à accorder aux miracles bibliques : il est plus probable que le témoignage biblique soit erroné plutôt que d'accepter la réalité des phénomènes décrits. Et le psychiatre Edouard Zarifian apporte un éclairage sur les relations, difficiles à formaliser mais réelles, entre le psychisme et l'état physique, la relation humaine du médecin au patient étant un facteur à ne pas négliger dans un processus de guérison sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir quelque cause mystique.
L'ensemble du numéro laisse la vague impression d'une publication qui s'abandonne à flatter le goût pour l'étrange ou l'inconnu (au lieu de cultiver la soif de connaissance et d'investigation rationnelle) d'un lectorat qui n'est pas le sien.
4 novembre 2006
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