Les responsabilités de l'Eglise dans le génocide rwandais
de 1994
Acquittement de l'évêque Misago malgré les nombreux témoignages sur
sa participation au génocide
Le Rwanda a arrêté, le 21 avril 1999, l'évêque
Mgr Misago accusé d'avoir participé au génocide de 1994.
Le pape a aussitôt fait part de ses "regrets", de sa "douleur" et de son "chagrin"
à propos de cette arrestation (Yahoo Actualités, 21
avril 1999). On ne peut demander plus de
sensibilité à l'égard des victimes à l'ami de
Pinochet
et au béatificateur du cardinal croate
Stepinac.
L'évêque a rejeté, le 14 septembre 1999, les accusations
selon lesquelles il serait responsable de la mort de 30 enfants et de
trois prêtres.
Mais le coup de théâtre final est intervenu le 15 juin 2000
quand le tribunal a acquitté l'évêque, jugeant que les preuves n'étaient pas
convaincantes. La clique vaticane est satisfaite et l'a fait savoir par
le cardinal Jozef Tomko, préfet de la congrégation vaticane pour
l'évangélisation:
"L'absolution du prélat est un événement heureux pour l'Eglise, non seulement
en Afrique, mais au niveau universel" (Yahoo Actualités, 15 juin
2000). Le Vatican montre qu'il
dispose encore d'une très forte influence au Rwanda en ayant publié,
quelques heures avant que le verdict soit rendu, un dossier plaidant
l'innocence de l'évêque. Un blanchiment de plus à
mettre à l'actif d'un palmarès bien rempli depuis 60 ans.
J'ai été le témoin direct de cette satisfaction de l'Eglise catholique le 20
juin 2000. J'ai en effet assisté ce jour-là à un office religieux à la
Chapelle de la Médaille Miraculeuse, 140 rue du Bac, à Paris au cours duquel
une des oratrices s'est félicitée de cet acquittement, insistant sur
les 14 mois de prison endurés par l'évêque. A noter que cette chapelle n'est pas
une banale église de quartier désertée par les fidèles mais un centre
superstitieux très actif du Renouveau Charismatique.
Les responsabilités du religieux avait été
dénoncées par le président rwandais M. Bizimungu
au début du mois d'avril 1999, lors de la cérémonie de
commémoration du génocide. Le président y avait
sommé l'Eglise catholique de mettre fin à son silence sur
les accusations portées contre elle par de nombreux rescapés.
Le Vatican avait, de plus,
refusé la transformation de l'église de Kibeho (où officiait
Mgr Misago) en un mémorial du génocide. Selon le président
rwandais, l'Eglise catholique a pris une part active dans la division de
la société depuis plusieurs décennies en favorisant
les Tutsis puis les Hutus selon l'époque.
Par ailleurs, la justice rwandaise a condamné à mort un
religieux, Dominique Savio Rwesero, en octobre 1998 (Les Dernières
Nouvelles d'Alsace, 30 octobre 1998). Celui-ci était
accusé d'avoir fait tuer certains de ses collègues ainsi que
des fidèles réfugiés dans un évêché
de la région de Gitarama.
Des religieuses comparaissent devant un tribunal belge (Yahoo actualités avril 2001)
C'est un évènement historique que la Belgique, ancienne puissance coloniale au Rwanda, voit se dérouler sur son sol: des acteurs du génocide rwandais y sont jugés bien que n'étant pas de nationalité belge et que les faits ne se soient pas produits en Belgique. En vertu d'une loi votée en 1993, la justice belge est désormais habilitée à inculper et juger des criminels de guerre quels que soient leur nationalité, leur lieu de résidence, le théâtre macabre des opérations et la nationalité des victimes.
Le procès à la Cour d'assises de Bruxelles des quatre rwandais a débuté le 17 avril 2001 pour une durée de six semaines. Les charges accablant les tortionnaires dépassent l'horreur:
- Vincent Ntezimana est un universitaire de Butare et peut être considéré comme l'un des idéologues du génocide. Il a rédigé les dix commandements des tueurs, un texte dont la résonnace biblique du titre n'est pas pour surprendre. Cet "appel des Bahutus" ne réclame qu'une chose: l'extermination des Tutsis, un Mein Kampf rwandais. Mais sa participation n'est pas limitée à des appels écrits au meurtre, Vincent Ntezimana a dressé des listes de Tutsis, professeurs et étudiants, et est impliqué directement dans l'assassinat de sept personnes dont sa femme! La folie collective est à l'image de ses instigateurs.
- Alphonse Higaniro a été ministre et dirigeait, à l'époque du génocide, la Société Rwandaise des Alumettes. Il est accusé d'avoir organisé des massacres en collaboration avec les milices Interhahamwe (voir leur description par l'armée des Etats Unis d'Amérique) et en incitant ses employés à en faire de même. Ses projets génocidaires ont aussi été exprimés dans divers écrits.
- Julienne Makubutera (sœur Maria Kisito), 36 ans, est religieuse bénédictine au couvent de Sovu en tant qu'intendante en 1994. Elle a fourni, selon plusieurs témoignages, de l'essence pour incendier un garage près du couvent le 22 avril 1994 où 500 Tutsis s'étaient réfugiés. Tous sont décédés.
- Consolata Mukangango (sœur Gertrude), 42 ans, sert, elle aussi, un dieu imaginaire, génocidaire et raciste dans le même couvent où elle officie comme mère supérieure. Elle a forcé 600 Tutsis à quitter le couvent en sachant parfaitement qu'ils seraient massacrés au dehors, ce qui fut fait. Et le 5 mai, montrant une véritable constance dans ses fins exterminatrices, la religieuse abandonne 30 personnes supplémentaires aux Hutus.
En fait le nombre total de Tutsis livrés par les religeuses aux Hutus ce 22 avril 1994 s'élève à entre 5000 et 7000. Croyant trouver protection au couvent, donnant foi aux mensonges d'une Eglise habile dans la manipulation des esprits, ces condamnés ont été voués à une mort certaine et atroce par arme à feu et machette. Le dégoût qu'inspire les Tutsis aux sœurs a été révélé à maintes reprises dans l'élaboration du procès où ceux-ci étaient cités comme "saleté".
Ce procès historique n'est pas seulement celui quatre fascistes, il est aussi celui de l'Eglise catholique dans ses aspirations universalistes: l'institution rwandaise certes mais aussi la micro dictature du Vatican et ses satellites en France et en Belgique. Car le seul lien entre les accusées et la Belgique réside dans leur lieu de domicile actuel: les religieuses sont protégées dans le couvent de Madreret près de Namur. La meilleure agence de voyage au monde est bien le Vatican, expert en exfiltration de criminels de guerre (voir Touvier et le palmarès de
l'après 2ème guerre mondiale), qui outrepasse toute frontière et toute loi. Christian Terras, directeur de la revue catholique contestataire Golias, explique (interview Radio France Internationale le 21 avril 2001):"Elles [les deux religieuses] sont arrivées par un circuit d’exfiltration, par des communautés religieuses, notamment en France, par les pères blancs et les organismes de l’Eglise en place. Elles ont profité des camions de l’opération militaire française «Turquoise» (en juillet 1994), pour se réfugier au Zaïre. Elles y ont été accueillies notamment par des religieux des congrégations espagnoles. De là, elles ont été exfiltrées vers l’Est de l’Afrique, au Kenya. Ensuite, elles ont pu s’envoler, après avoir fait une étape en France, vers la Belgique. Donc il y a eu une complicité - sous réserve que les gens qui les ont exfiltré ont eu connaissance des faits - de congrégations religieuses très présentes en Afrique et dans cette région des Grands Lacs."
Verdict du 8 juin 2001, nombre d'années de prison:
Vincent Ntezimana: 12
Alphonse Higaniro: 20
Julienne Makubutera (sœur Maria Kisito): 12
Consolata Mukangango (sœur Gertrude): 15
L'implication de l'Eglise est donc hors de doute dans le processus d'expatriation des meurtrières. Il serait faux prétendre qu'elle ne perd que les congrégations africaines, les pressions multiples exercées à l'occasion de l'élaboration de l'enquête belge pour disculper les religieuses sont une preuve que l'Eglise chrétienne en Europe reste l'hydre qu'elle a toujours été, un réseau de corruption et d'oppression dont la seule finalité est le pouvoir.
Hébergement par la France d'un prêtre rwandais ayant
participé au génocide
Le génocide rwandais a causé la mort de 500000 à
1 million de personnes d'avril à juillet 1994. L'extermination des
Tutsis par la majorité hutue a reçu le soutien de l"Eglise
catholique à plusieurs niveaux: participation aux meurtres,
soutien de l'idéologie raciste hutue, non assistance à
personnes en danger. A la fin du conflit, le Vatican et diverses
hiérarchies catholiques ont rappelé que l'aide et la
protection apportées aux criminels de guerre restait autant
d'actualité qu'après la seconde guerre mondiale. Des
prêtres rwandais ont pu ainsi fuir et trouver refuge en Europe.
La France héberge ainsi sur son sol l'abbé
Martin Kabalira qui a été nommé dans la commune de
Saint Béat près de Luchon en Haute Garonne (voir
Golias de mars avril 1999 et
Libération du 2 avril 1999). Devant cette insulte à
la mémoire
des victimes, il est de toute urgence que le gouvernement français
renvoie ce sinistre personnage dans ses foyers afin qu'il y réponde
de son attitude durant le génocide.
Je donne ci-dessous copie de la lettre que j'ai envoyée, le 2 mai 1999,
au maire de
Luchon et au préfet de la Haute Garonne, réclamant l'expulsion du prêtre vers son pays d'origine.
Lettre à recopier et à envoyer à:
Monsieur le Maire
Mairie
Allées d'Etigny
31110 Luchon
et
Monsieur le Préfet
Préfecture la Haute Garonne
Place Saint Etienne
31000 Toulouse
Monsieur,
Le génocide rwandais de 1994 a causé la mort de 500000 à
1 million
de personnes en quatre mois. La majorité hutue a pris pour cible
la communauté tutsie en se livrant à la barbarie la plus odieuse.
La communauté internationale est restée spectatrice de ces
horreurs
sous prétexte de non-ingérence dans les affaires internes
d'un pays souverain.
Mais certains éléments extérieurs au Rwanda ont pris
une part
active, après la fin des tueries, dans la protection et le rapatriement
de certains prêtres tortionnaires. La compromission de l'Eglise catholique
pendant et après le génocide est sans ambiguïté, attitude
qui n'est
que la continuation de sa politique coloniale évangélisatrice.
Plus précisément, la revue Golias (mars avril 1999) et le
journal
Libération (2 avril 1999) révèlent qu'une
soixantaine de prêtres ont pu fuir la justice rwandaise et se
réfugier en Europe via les services du Vatican et des Pères
Blancs. Ainsi, l'abbé Martin Kabalira a pu s'échapper du
Rwanda pour, maintenant, officier dans une paroisse de Luchon, ville
placée sous votre juridiction.
La France accueille, une fois de plus, sur son sol, un personnage au
passé criminel.
Afin que les lois élémentaires de la démocratie et
des droits de
l'Homme soient respectées, j'ai l'honneur de vous demander,
Monsieur, d'engager une procédure d'expulsion à l'encontre de
monsieur
Martin Kabalira pour que ses crimes soient jugés par la justice de son
pays.
Le renvoi dans ses foyers de ce ministre du culte affirmerait, en
outre, que la loi française prime sur celle de l'Eglise catholique.
Notez par ailleurs que le prêtre dispose aussi, dans votre
région, du soutien de l'Association des amis du Rwanda, proche de
l'ex-dictature.
Je vous prie de croire, Monsieur, à l'expression de mes profonds
sentiments républicains.
A lire:
L'Eglise et le génocide au Rwanda, les Pères Blancs et le négationnisme, Jean Damascène Bizimana, L'Harmattan, 2001
Un témoignage poignant sur la folie hutue qui a décimé le pays et une accusation implacable de l'Eglise catholique par un ancien séminariste.
13 août 1999
mises à jour : 27 juin 2000, 23 avril 2001, 22 juin 2001 et 18 septembre 2001
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