Russie: l'Eglise orthodoxe quasiment religion d'état



La Russie s'égare d'un dogmatisme à l'autre: après des décennies d'un absurde athéisme d'état et les persécutions antireligieuses générées, le pays s'abandonne à une religion de plus en plus omniprésente. C'est l'accession au pouvoir de l'ancien officier des services secrets Vladimir Poutine qui a accéléré le phénomène. A sa demande, son investiture a été saluée par une célébration religieuse officielle le 7 mai 2000, cérémonie dirigée par le patriarche Alexis II. Le chef de l'Eglise orthodoxe, dont la voix est écoutée et sollicitée, a aussi demandé l'introduction de cours de religion dans les lycées sous prétexte de culture. La cléricalisation de l'enseignement prend le même visage de l'Atlantique à l'Oural. Les rencontres entre Vladimir Poutine et Alexis II sont fréquentes en raison du fait que l'Eglise orthodoxe est "gardienne des valeurs spirituelles et morales" selon le chef de l'état. Et les seize années passées au KGB n'empêchent pas celui-ci de recourir aux services d'un confesseur particulier, le père Tikhon Chevkounov.

L'élévation, en pratique à défaut de figurer dans les textes, du christianisme orthodoxe au rang de religion d'état se traduit par la multiplication d'apparitions de ministres du culte dans des cérémonies officielles: bénédictions de la soldatesque partant pour la Tchétchénie, du ministère de la Santé et du futur aéroport Cheremetievo 3. La guerre en Tchétchénie incarne l'ultime croisade d'un empire nostalgique en lutte contre l'islam de cette partie du Caucase.

Mais le président n'est pas isolé dans ce concert de louanges, anciens du KGB et communistes le rejoignent dans un élan qui mêle foi sincère et opportunisme politique. Dans une contorsion remarquable, le Parti Communiste n'a pas hésité à demander que l'Eglise obtienne les privilèges de tout organisme officiel. Une évolution laïque de la Russie est peu probable à courte échéance, la population étant satisfaite d'une Eglise forte dans laquelle elle voit une autorité illusoire qui prétend pallier les carences et la désorganisation du pays.


1er avril 2001


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