Les versets sataniques
Salman Rushdie
Plon, 1999
Fascinant, extraordinaire, envoûtant,
déroutant, bouillonnant, surprenant mais aussi, et surtout, très blasphémateur!
Néanmoins, le livre étant d'un abord assez difficile, il est conseillé d'avoir
un minimum de connaissance sur le Coran et la vie de Mahomet pour goûter
pleinement tous les assauts de Rushdie contre le fondateur de l'islam. Car les
situations dans lesquelles est placé Mahomet ne pouvaient que susciter le
courroux de la communauté musulmane: dans le chapitre II Mahomet se fait berner
et prononce des injonctions sataniques au peuple qu'il tente d'amener à sa
suite, dans le chapitre VI le bordel local dispose de prostituées qui
choisissent chacune un des noms de ses épouses, seul moyen pour les clients de
manifester pour quelques instants un peu d'irrespect envers le nouveau tyran et
la religion imposée, et dans le chapitre VIII des pèlerins musulmans se noient
dans une mer dont ils croyaient, dans leur folie, qu'elle allait s'ouvrir pour
les amener à La Mecque. Piteuse défaite d'un homme adulé par plus d'un milliard
de croyants, méprisable aussi sa vie faite d'intolérance et de bêtise, absurde
hallucination collective du pèlerinage à La Mecque. Salman Rushdie ridiculise
le personnage de Mahomet ce qui lui vaudra l'appel au meurtre proféré par
l'ayatollah Khomeiny en 1989. Les religions sont dénoncées comme des sources
d'oppression. Le talent immense de l'auteur incarne l'ange Gabriel, Satan,
Mahomet et ses femmes dans des personnages multiples par le jeu de prénoms
proches phonétiquement. Le lecteur est alors entraîné dans un vertige où
l'imaginaire, les rêves, les délires et la réalité (londonienne ou indienne) se
côtoient sans cesse, la frontière étant extrêmement ténue ou même absente. Mais
Les versets sataniques ne se limite pas à un réquisitoire contre
Mahomet, l'ouvrage est si vaste qu'il englobe aussi les multiples
préoccupations et expériences de l'auteur: la colonisation anglaise en Inde, la
capitale Londres, sa grandeur et ses déceptions, les problèmes communautaires,
le cinéma indien avec sa profusion de films et ses intérêts consuméristes, les
rencontres de personnages improbables, l'amour, un mirage lui aussi. Un livre
imprévisible, unique, où la surprise attend et déroute le lecteur à chaque
page.
18 novembre 2002
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