Les huit mosquées de Réthymnon en 1700, d'après le voyageur français Joseph Pitton Tournefort
|
L'impérialisme religieux n'a pas seulement pratiqué la politique de la terre brûlée pour éradiquer les cultes précédents. Comme il fut parfois plus judicieux de récupérer les lieux de cultes anciens pour les adapter à la religion nouvelle, les conquérants ont parfois construit leurs propres temples à l'emplacement des anciens ou, plus simplement, transformé les bâtiments existants.
En Crète, le passé ottoman demeure douloureux et les cicatrices sont nombreuses (grotte de Melidoni, monastère d'Arkadi). Après une première occupation musulmane de 825 à 961, les Turcs s'installent en Crète de façon durable pendant plus de deux siècles, du milieu du XVIIe siècle à 1897 : bien que des innovations architecturales s'ajoutent au style vénitien antérieur (maisons, linteaux avec incriptions en arabe, fontaines), le déclin intellectuel est réel. Dans l'ouest de l'île, à Réthymnon, le colonialisme musulman en terre chrétienne orthodoxe s'est traduit par la destruction d'églises ou leur transformation en mosquées dès la prise de la ville aux Vénitiens. Réthymnon comporte ainsi actuellement cinq mosquées dont aucune n'occupe plus de fonction cultuelle : musée, salle de concert, conservatoire, les reconversions sont variées. On a même vu, fin juillet 2009, une immense banderole des anarchistes flotter au minaret de la mosquée Neratzes en souvenir du jeune manifestant assassiné par la police à Athènes le 6 décembre 2008. Située en plein centre de Réthymnon, cette mosquée, la plus grande de la ville, était l'église Sainte Marie du monastère des Augustiniens pendant l'époque vénitienne. C'est en 1657 que le temple chrétien est devenu musulman et l'imposant minaret a été ajouté en 1890. Aujourd'hui, la mosquée est un conservatoire.
Autre mosquée du centre ville, celle de Kara Musa Pasha est aussi une transformation d'un bâtiment chrétien, le monastère de Sainte Barbara construit pendant l'époque vénitienne. Le lieu était en travaux en 2009.
Un peu à l'extérieur du centre ville, la mosquée de Veli Pasha abrite aujourd'hui le Musée Goulandris d'Histoire Naturelle avec une collection de paléontologie. On pense qu'elle est construite sur l'église Saint Onophrius datant de l'époque vénitienne (source).
La mosquée Ibrahim Khan dans la Fortezza
|
Enfin, la forteresse (Fortezza) qui domine la ville comporte inévitablement un lieu de culte en raison de la consubstantialité entre religion et domination : lors de la prise de la Fortezza par les Ottomans, la cathédrale Saint Nicolas située en son sommet est ainsi devenue la mosquée Ibrahim Khan, du nom du sultan. Le mihrab qui indique la direction de La Mecque est visible à l'intérieur et, actuellement, la mosquée est une salle de spectacle. A la fin du XIXe siècle, le christianisme grec a réinvesti la Fortezza en édifiant à proximité la petite église Sainte Catherine.
De la cinquième mosquée (dédiée à la mère du sultan Mehmet IV), on ne perçoit que le minaret, près de la Porte Guora dans le centre ville. Située dans des ruelles étroites et mêlée aux habitations, elle n'offre aucune vue dégagée.
Pour en savoir plus :
- http://www.rethymno.gr ;
- sur explorecrete.com : la Fortezza et le centre de Rethymnon.
12 mars 2010
|