Athéisme et matérialisme aujourd'hui

Yvon Quiniou

Éditions Pleins Feux 2004





Dans ce petit ouvrage de soixante pages, Athéisme et matérialisme aujourd'hui, Yvon Quiniou se donne pour objet de distinguer l'athéisme et le matérialisme en examinant si l'un mène à l'autre, et s'ils peuvent découler de la science moderne. Pour le matérialisme, la filiation est garantie : c'est la biologie, particulièrement l'évolution des espèces, qui assure la validité du matérialisme. Mais une définition est, au préalable, nécessaire : le matérialisme est "l'objectivité ou l'aséité de la matière", c'est-à-dire que la matière ne dépend pas de la conception qu'en a l'être humain mais que, comme celui-ci est d'abord matière, c'est la pensée humaine qui dépend de la matière. La pensée est subordonnée à la matière alors que le spiritualisme affirme l'existence d'une pensée qui ne prendrait pas corps dans la matière. L'auteur le résume simplement : "la pensée humaine est un produit de la matière parvenue à un haut degré de complexité et elle n'en est donc qu'une forme." "Aucun privilège d'extra-territorialité au sein de la matière" pour la pensée.

La question de l'athéisme requiert de plus longs développements. Yvon Quiniou explique tout d'abord que le Dieu interventionniste et créateur de la Bible est "récusé parce que réfuté" par le matérialisme. Le darwinisme suffit. De même, l'hypothèse divine est exclue pour la connaissance plus générale du réel. Mais le professeur de philosophie propose une analyse plus délicate sur une autre forme d'un athéisme qualifié de "métaphysique". Cet athéisme métaphysique "est la position qui nie l'existence d'un éventuel Dieu", ce qui la situe à un degré d'exigence supérieur aux deux précédentes. Pour l'auteur, il ne saurait y avoir d'équivalence entre, d'une part, l'athéisme anti-religieux (qui rejette le Dieu interventionniste) ou l'athéisme méthodologique (qui rejette le besoin de Dieu dans la connaissance du réel) et, d'autre part, l'athéisme dit métaphysique. Yvon Quiniou précise : le matérialisme s'exprime sur la relation de l'Être (la matière) à la pensée mais pas sur l'existence elle-même. En niant l'existence de tout dieu, l'athéisme qu'il qualifie de dogmatique risquerait une incursion hors du champ de la science, à laquelle le matérialisme demeure circonscrit. La thèse étonnament défendue par l'auteur relègue donc l'idée de Dieu à la question des origines. Cette sauvegarde "de l'idée purement philosophique de Dieu" pourrait aisément être appropriée par des croyants perturbés par le recul, régulier depuis plusieurs siècles, du territoire d'intervention de leur divinité. Le refus de l'auteur d'adhérer à un athéisme total réside en fait dans sa conviction que "la question de l'intelligibilité ultime de l'univers" est indissociable de "la question philosophique de Dieu, qu'on y réponde ou pas". Yvon Quiniou ne cache pas que sa position est "plutôt isolée dans le champ du matérialisme" mais l'ouvrage est néanmoins à recommander vivement pour alimenter la réflexion sur le sujet.



29 juillet 2013

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