Tariq Ramadan berne le mouvement antipub et prône le renouveau de la spiritualité musulmane
La liste des naïfs bernés par Tariq Ramadan s'allonge chaque jour un peu plus. Après son adoubement comme altermondialiste lors de l'édition 2003 du Forum Social Européen et à quelques jours de ses multiples apparitions au FSE de Londres, Tariq Ramadan a participé le 12 octobre à une soirée pour "une rentrée sans marques" à Saint-Ouen, près de Paris. Devant un public très majoritairement masculin composé d'une centaine de personnes, dont une quinzaine de femmes voilées, Tariq Ramadan a délivré la bonne parole : la dictature des marques qui asservit les jeunes, et la logique de consommation qui la crée, ne sera efficacement combattue que par une revivification de la spiritualité musulmane. A côté de lui, moins pour en débattre que pour lui apporter un certificat de respectabilité, Paul Aries, François Dufour, Sophie Divry et un responsable du Collectif des Musulmans de France. Car, en effet, cette soirée était organisée par Casseurs de pub, aux objectifs antipub qui l'honorent, Divercité, association pro-voile, et le Collectif des Musulmans de France... C'est donc sans honte que Casseurs de pub s'allie au prosélytisme musulman pour qui tout est bon pour afficher sa présence. Mais cette belle amitié a un coût : la conférence était payante et il en coûtait 5 euros ! On flaire là la douce odeur de l'oseille, déjà sentie lors du FSE 2003 où l'accès aux conférences ne pouvait se faire que par un racket de 10 euros, y compris pour les chômeurs, étudiants, rmistes, etc. Ce 12 octobre, la zakat (impôt religieux en terre d'islam) était recueillie par une jeune femme voilée.
Paul Aries est le premier intervenant et délivre une conférence de très grande qualité contre l'intoxication publicitaire. "La pub c'est l'anticulture" et il faut "bouter le marché hors de l'école" de la même manière que les curés en ont été rejetés grâce à la laïcité. Il dénonce la nocivité de la télévision comme le recul de l'esprit critique. Pourtant, quand Aries fustige l'intégrisme économique, politique, raciste, sexiste, homophobe, la liste des intégrismes s'arrête là et on attendra en vain la dénonciation de l'intégrisme religieux. L'orateur a-t-il craint de choquer Tariq Ramadan ? La tendance spiritualiste de la soirée s'est confirmée quand Aries déplore la transformation en opérations commerciales de fêtes religieuses comme Noël ou le Ramadan. Tant de flagornerie étonne de la part d'un individu qui manifeste pourtant un sens poussé de la critique.
Le talent de Tariq Ramadan consistera à traiter effectivement le sujet de façon fort correcte pour, en conclusion et dans une progression crescendo, amener le public à un renouveau de la spiritualité musulmane. L'homme est habile et sait abreuver son auditoire des paroles qu'il attend. Ramadan sait que, face à un public qui n'est pas nécessairement entièrement musulman, le meilleur prosélytisme ne réside pas dans une accumulation de termes religieux mais dans l'appropriation de valeurs pour lesquelles rien n'est dû aux sectes monothéistes. Ramadan ne cessera donc d'en appeler à l'éthique, à une certaine idée de l'homme, au développement d'une conscience critique, à la citoyenneté. Jamais ne sera évoqué le fait que ces valeurs ne sont pas des conquêtes religieuses, Ramadan récupère l'humanisme laïque au profit de sa propre chapelle et le message passe sans heurt dans l'assemblée. Quand il évoque l'islam, Ramadan attaque fort adroitement la manie du rituel pour le rituel afin de mieux exhorter à la recherche du sens porté par le rituel. L'orateur s'enflamme alors, il est dans son élément et regrette lui aussi le dévoiement du mois du ramadan qui ne devient qu'agapes et nuits de fête au lieu d'un exercice approfondi de la prière. Contre la marchandisation, contre le libéralisme, contre la dictature des marques, Tariq Ramadan propose un regain de spiritualité. Ce n'est pas dans la lutte syndicale ou le militantisme associatif que réside la clé de l'opposition à un monde marchand, c'est dans la prière. Le frère de Hani s'indigne de même de la "consommation musulmane" (Mecca Cola) qui ne fait que reproduire et confirmer le système de domination. En se méfiant de l'affirmation identitaire, et religieuse en particulier, Ramadan se moque de son auditoire en simulant une critique du communautarisme, un communautarisme qu'il entretient par ses nombreuses exhortations passées à s'affirmer comme musulman, musulman et français ou musulman et européen.
Le discours de Ramadan est en fait une copie de la propagande catholique qui persiste à voir dans la seule prière et l'adoration d'un dieu absent la solution aux problèmes terrestres. Comme l'Eglise catholique, Ramadan en appelle à la quête du sens, un stratagème astucieux qui distrait l'auditoire des aberrations et soumissions religieuses pour l'endormir dans une phraséologie banale et adaptable à toutes les circonstances. La conférence de Tariq Ramadan peut être modulée à l'infini, adaptée à quantité de thèmes qui n'auront rien à voir avec l'agression publicitaire. C'est le talent d'un orateur de proposer un remède unique à des maux tous différents. Face à cette manipulation, c'est au public de manifester un esprit critique suffisant pour décrypter le vide proposé par un gourou dont la seule finalité est la promotion de l'islam, partout et en toute circonstance. La grande faculté d'adaptation de l'enseignant suisse rend son propos fluide et lui donne une apparence d'évidence alors qu'il n'est que la répétition inlassable des mêmes prêches : affirmez-vous en tant que musulmans et cassez la barrière qui vous sépare de la société dans laquelle vous vivez, l'islam recèle les solutions à votre mal de vivre, à vos difficultés. Opposer un antidote unique à des situations variées est la base du populisme et le signe d'une conception extrêmement réductrice de la vie et de la société.
21 octobre 2004
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