Canonisation du père Pio: le miracle des stigmates, une bonne affaire pour le Vatican
300000 à 500000 gogos ont assisté à la canonisation du père Pio par le pape le 16 juin 2002. Padre Pio c'est le supermarché de la superstition, l'Eglise catholique dans ses grands moments de manipulation mentale. Il avait été béatifié le 2 mai 1999 avec le même fanatisme obscurantiste.
Contestant la vision simpliste et complaisante de la plupart des médias qui ont oublié l'usage du conditionnel à cette occasion, l'excellente lettre électronique d'American Atheists a révélé une personnalité du "saint" très distincte de celle affichée par la propagande du Vatican: personnage hystérique, rapports sexuels avec des femmes dans les confessionnaux, fraudeur, réalisation de "faux" miracles (dixit l'Eglise), psychopathe pratiquant l'automutilation, adepte du paranormal... A tel point que l'Eglise lui avait interdit de parler à des femmes seules.
Cette canonisation est un exemple parfait de la construction d'un mythe pour mieux assurer la pérennité d'un système archaïque refusant toute modernité, une attitude protectionniste assez logique pour conserver au Vatican son autorité sur les croyants. Comme une telle supercherie est observée actuellement, il n'y a pas lieu de douter que l'histoire de l'Eglise catholique est une suite ininterrompue d'innombrables autres impostures qui ont parsemé 2000 ans de fabrication de saints.
Traduction de la lettre électronique d'American Atheists, 17 juin 2002
Le pape canonise un moine profiteur et échappe à un scandale sexuel
Revirement de la position du Vatican à l'égard de Padre Pio
Face à une des plus importantes foules rassemblées au Vatican, le pape Jean Paul II a, hier, officiellement proclamé saint le moine capucin controversé connu sous le nom de Padre Pio.
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Le jour de dévotion qui lui correspondra sera le 23 septembre.
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Malgré l'atmosphère festive et l'enthousiasme du culte autour de Padre Pio, il s'avère en fait que l'Eglise a ordonné un nouveau saint patron de la Sainte Réhabilitation. La réputation de Pio depuis des décennies a, y compris dans les milieux officiels de l'Eglise, été celle d'un coureur de jupons, un fraudeur et un malade mental profiteur qui revendiqua des pouvoirs paranormaux extraordinaires. Une douzaine d'enquêtes a été faite par le Saint Siège et le père s'est vu interdire de célébrer la messe en public, de recevoir des visiteurs ou de parler à des femmes seules. John Allen, correspondant du journal National Catholic Reporter écrivit: "Le consensus secret sur Padre Pio dans les couloirs du Vatican était qu'il était au mieux un hystérique naïf, au pire un escroc."
Pourquoi toute cette affaire?
Padre Pio, de son vrai nom Francesco Forgione, est né le 25 mai 1887 dans une petite ville au nord de Naples. Il développa très tôt une fixation sur la foi catholique et à l'âge de 11 ans déclara qu'il voulait rejoindre l'ordre des moines capucins. Il a été ordonné en 1910 et rapidement, d'après Allen, "acquit la réputation d'avoir des dons spirituels spéciaux."
Il entrait dans des états de transe pendant la messe. A l'âge de 31 ans, il commença à montrer des "stigmates", des lésions sur ses mains, ses pieds et sur le flanc qui ressemblaient aux blessures attribuées au Christ dans la fable biblique de la crucifixion. Des miracles, ou du moins des prétendus miracles, ont bientôt suivi. Padre Pio, selon la rumeur, pouvait donner la vue aux aveugles et même prédire le futur à ceux dont il recevait les confessions.
L'Eglise commença rapidement les premières enquêtes officielles sur les activités et les proclamations de Padre Pio. Un évêque accusa l'ordre des Capucins d'utiliser ce genre de prouesses pour gagner de l'argent. Les papes Benoit XV et Pie XI ont demandé de nouvelles enquêtes. Quand Pie XI essaya de muter le prêtre charismatique dans un autre couvent, il était déjà l'objet d'un véritable culte, 5000 supporters de Padre Pio protestèrent et Rome dû abandonner ce projet.
La question des stigmates est considérée comme la plus sérieuse par les autorités de l'Eglise. Les marques sur le flanc, les mains et les pieds rappellent les blessures infligées à Jésus d'après la Bible. Saint François d'Assise (1182 - 1226) est considéré par l'Eglise comme étant le premier cas authentique de stigmates, bien qu'un homme d'Oxford en Angleterre affirma qu'il en montrait de similaires deux ans auparavant. Une histoire dit que François et quelques disciples ont gravi le Mont Alverno dans les Appenins et qu'après quarante jours de prières et de jeûne ils furent récompensés par une vision du Christ sur la croix. Saint François reçu alors les stigmates.
Il y a eu une vague de prétendues apparitions de stigmates au 13ème siècle et, cent ans après la mort de Saint François, on comptait vingt cas. En 1908, le nombre s'élevait à 321 dont un tiers en Italie et le reste en France, en Espagne et au Portugal. Les années suivantes, le phénomène des stigmates traversa les océans pour arriver aux Etats Unis d'Amérique, en Australie et en Angleterre. La plupart provenait de catholiques.
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Mais l'imitation des blessures du Christ ne fut pas le seul fait surnaturel clamé par le Padre Pio. En plus du phénomène de voyance, on attribuait à Padre Pio la possibilité de se téléporter ailleurs par "ubiquité". Des témoignages sont ainsi parvenus de Gènes, Rome, Uruguay et même du Milwaukee (Etats Unis d'Amérique). Il a aussi été prétendu que le moine pouvait réparer des vitres cassées par le seul geste de sa main.
Padre Pio était aussi un pénitent très enthousiaste pratiquant l'autoflagellation, une pratique qui, parait-il, entraîne dans un état second.
Années après années, les enquêtes de l'Eglise aboutirent à la conclusion que Padre Pio réalisa de faux miracles et eu des relations sexuelles avec des paroissiennes dans les confessionnaux. Beaucoup pensèrent que le moine réalisa ses stigmates en brûlant sa peau avec de l'acide nitrique et utilisa du parfum pour créer ce que ses adorateurs crédules décrivent comme une "odeur de sainteté" qui, d'après eux, environnait Padre Pio. Un article du journaliste Paul Vallely du New Zealand Herald dit que le pape Jean XXIII, sceptique sur la popularité du culte autour de Padre Pio, autorisa l'installation de micros dans son confessionnal. Le fondateur de l'Hôpital Universitaire Catholique à Rome conclut que le moine était "un psychopathe ignorant qui pratiquait l'automutilation et exploitait la crédulité des gens."
En 1960, Mgr Carlo Maccari conclut une enquête demandée par le pape Jean XXIII. "Le rapport de 200 pages réalisé" écrit le National Catholic Reporter, "bien que jamais publié dans son ensemble, est décrit comme étant une critique dévastatrice. Les potins du Vatican disaient que le dossier de Maccari constituait un obstacle insurmontable à la canonisation de Padre Pio."
Une des informations du dossier précisait que Padre Pio avait des relations sexuelles deux fois par semaine avec ses paroissiennes, "his in hebdomada
copulabat cum muliere..."
En 1992, le physicien et théologien Agostino Gemelli, spécialisé dans les enquêtes sur les stigmates pour le Vatican, déclara que Padre Pio était un "hystérique" qui créait lui-même ses blessures.
Le succès nouveau de Padre Pio semble reposer sur deux facteurs: la vénération populaire de plus en plus importante dont il est l'objet et le pape actuel Jean Paul II.
La ville où est vénéré Padre Pio, San Giovanni Rotondo, draine 8 millions de visiteurs chaque année, un nombre plus important que Lourdes et deuxième derrière l'église de la Vierge de Guadalupe au Mexique. Les adorateurs de Pio se comptent par millions. En 1968, 100000 croyants ont assisté à ses funérailles, et en 1999 sa béatification attira 300000 personnes. La canonisation d'hier rassembla une foule encore plus importante comme 500000 personnes se sont entassées sur la place du Vatican.
San Giovanni a su tirer profit de la popularité de son moine préféré. La ville a moins de 30000 résidents mais compte 87000 chambres d'hôtels qui sont régulièrement réservées. Le National Catholic Reporter estime que les produits dérivés rapportent 2 millions de dollars et que les bars et hôtels récoltent 60 millions de dollars. Chaque année, les donations génèrent environ 100 millions de dollars.
La réhabilitation de Padre Pio est principalement l'œuvre de Jean Paul II alors qu'il était encore considéré il y a quelques années comme un charlatan adroit pour gagner de l'agent. Ironiquement, Jean Paul II reçoit ses soins médicaux à l'hôpital Gemelli de Rome fondé par l'enquêteur du Vatican qui accusa Padre Pio de fraude. Les deux hommes se sont rencontrés en 1947, le futur pape n'était alors qu'un jeune prêtre polonais. Karol Wojtyla avait demandé à Pio de prier pour un ami atteint du cancer. L'homme survécut.
La béatification et la canonisation de Padre Pio, et l'acceptation tacite des évènements miraculeux et paranormaux associés au moine controversé, vient à un moment où le Vatican se trouve en compétition avec des pentecôtiste énergiques et des protestants évangélistes. Les prouesses paranormales de Pio s'apparentent plus à du fondamentalisme qu'à un catholicisme mesuré. La stratégie de "l'usine à saints" consistant à canoniser un nombre record de personnes s'avère être un moyen astucieux pour encourager et entretenir une crédulité populaire croissante.
30 juin 2002
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