Pinochet : plus près de toi Saigneur
Dans l'irrationnel chrétien, le mythe du Paradis a pour fonction d'éloigner le croyant de la quête du bonheur terrestre pour l'enfermer dans la résignation et l'attente stérile d'un au-delà imaginaire. La fascination que le Paradis est censé produire peut cependant être nuancée, étant un club privé qui rassemble d'innombrables crapules absoutes par le catholicisme (la cohorte de conquistadores, d'inquisiteurs, de croisés et de papes). Aujourd'hui, le rejet de cette faune que les légendes chrétiennes nous y feraient côtoyer se trouve accru par l'admission d'un nouveau résident : le croisé Pinochet s'est, enfin, décidé à débarrasser la terre chilienne de sa carcasse le 10 décembre 2006.
Au Paradis, Pinochet a rejoint son vieil ami Karol Wojtyla, aussi connu sous le pseudonyme de Jean Paul II. On se souvient qu'en 1987 le galonné avait accueilli l'ensoutané au balcon de la Moneda, le palais présidentiel que Pinochet avait bombardé en septembre 1973. A aucun moment de cette visite chilienne Jean Paul II n'avait paru incommodé par le souvenir des flammes et des fumées du bombardement, les pleurs et les peurs des personnes séquestrées dans le stade de Santiago, les cris des torturés et assassinés de la Casa Londres ou de la Villa Grimaldi, ou les "detenidos desaparecidos" de la DINA. L'amitié entre les deux hommes ne relevant pas de la simple diplomatie, le gourou romain n'avait pas oublié d'adresser ses meilleurs vœux au dictateur pour ses noces d'or en 1993. Et il était aussi intervenu en faveur du général après son arrestation en Angleterre en 1998. Rien de plus normal de la part de celui qui a béatifié l'archevêque croate pro-nazi Stepinac et le pape antisémite Pie IX, et exfiltré des prêtres rwandais, acteurs du génocide de 1994...
Au Chili, les catholiques progressistes avaient rapidement disparu après le coup d'Etat et la dictature a permis à la composante fascisante de l'Église de s'exprimer pleinement. Pinochet n'a pas économisé les amabilités envers l'Eglise catholique pour justifier sa mission de reconquête du Chili chrétien. L'année 2006 se termine donc positivement par la mort de Pinochet, bien que jamais condamné car jamais jugé par défaut de volonté politique, au Chili comme en Angleterre et ailleurs.
6 janvier 2007
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