La laïcité aux Pays Bas
La séparation de l'Eglise et de l'état n'a pas connu aux
Pays Bas de transition aussi brusque qu'en France mais s'est
opérée de façon plus progressive. Son contenu se
distingue aussi beaucoup du modèle français.
Les bâtiments religieux sont la propriété des paroisses
pour les protestants et des évêchés pour les catholiques.
La conséquence immédiate est que l'état se soustrait
ainsi à de trop forts coûts pour leur entretien.
La conservation et la réparation des églises repose donc
essentiellement sur des fonds privés. Devant les frais
élevés et la baisse de la pratique religieuse, les
églises peuvent devenir la propriété d'associations ou
de groupes privés qui les transforment en salles de concert,
d'expositions ou encore en restaurants. Une autre issue adoptée
parfois est la fermeture pure et simple. Mais dans le cas de monuments
classés, l'état est tenu d'assurer la conservation du
bâtiment. Les querelles de chapelle proprement dites entre
protestants et catholiques peuvent être sujettes à de cruels
dilemme lorsque le partage d'une église est la meilleure solution devant
les coûts d'exploitation. La séparation de l'Eglise adopté
par l'état n'a pas été suivie par la monarchie pour
laquelle l'appartenance au protestantisme reste une condition
nécessaire à l'accession au trône. La reine n'a cependant
aucune autorité sur l'Eglise réformée.
Le protestantisme se rencontre plutôt dans le nord (provinces de
Drenthe, Friesland, Groningen...) alors que le catholicisme est plus
représenté dans le sud (provinces de Brabant, Limburg...)
Si le statut privé des lieux de cultes permet à l'état
de réaliser de réelles économies, la législation
en matière d'éducation conduit à la situation contraire.
En effet, à tout niveau, du primaire jusqu'à l'enseignement
supérieur, trois groupes d'établissements sont
présents aux Pays Bas: les établissements d'état
aconfessionnels, les établissements d'état confessionnels et
les établissements privés confessionnels. En vertu d'une loi
qui stipule qu'un établissement doit être créé par
l'état si un nombre suffisant de citoyens en fait la demande,
l'état voit à sa charge la construction, le fonctionnement et
le paiement des salaires des enseignants des écoles et
universités confessionnelles. Système similaire aux
facultés de théologie d'Alsace Lorraine qui sont à
la charge de l'état français. Récemment, une
université musulmane a été créée à
Rotterdam (voir Europe et Laïcité numéro 156) sur des
fonds publics et privés. Ces derniers sont originaires d'Arabie
Saoudite et de Turquie où la composante intégriste est bien
présente.
La théologie peut aussi être enseignée dans les
universités d'état aconfessionnelles. Les étudiants
suivant ces filières se destinent soit au culte (nécessité
dans ce cas de prêtres comme intervenants), soit à des
métiers dans le domaine social, dans divers organismes d'état
ou dans la médecine. Les hôpitaux disposent ainsi dans leurs murs
d'une assistance religieuse pour les malades! Un exemple qui n'est pas
unique puisque déjà existant aux Etats Unis où certaines
salles d'opérations acceptent divers gourous pour assister les malades.
Avant l'université, le
catéchisme est inculqué dans les établissement publics par
des enseignants et non des prêtres, avec pour conséquence
insidieuse de ranger les récits bibliques au même niveau de
respectabilité que les enseignements classiques. Toutefois, des
établissements purement laïques sans enseignement religieux
existent et ils rencontrent de plus en plus la faveur des parents
d'élèves, l'emprise du calvinisme diminuant. La situation
religieuse néerlandaise peut être comparée à un
communautarisme pacifique qui s'atténue peu à peu. La
préférence des école laïques en est un signe,
les fusions d'écoles protestantes et catholiques en sont une autre
illustration. Cette partition religieuse s'étend aussi aux hôpitaux
dans certains cas. Mais le large financement par l'état des
écoles de toutes confessions assure une paix scolaire entre
catholiques et protestants.
Le militantisme laïc est faible, la population
se satisfaisant de ce système. Cependant, les limites de cette
conception des relations école - religions ont entraîné
l'inquiétude des milieux laïques dans les années 80 lors
de réductions budgétaires imposées à
l'éducation. Des deux formes d'établissements d'état,
seul ceux aconfessionnels eurent à subir ces économies alors
que le régime auquel obéissent les établissements
confessionnels les en a dispensé. On comprend ainsi bien la forte
activité des mouvements chrétiens visant à conserver ce
système qui assure un financement aisé à leurs
écoles et universités.
Enfin, les établissements
purement privés, gérés entièrement par des
prêtres, sont très minoritaires. Mais il faut noter que les Pays
Bas n'ont pas d'équivalent de la loi Falloux française qui
limite les subventions des collectivités publiques aux institutions
religieuses.
La présence religieuse ne se limite pas à au monde
de l'éducation mais s'étend aussi aux chaînes de
télévisions publiques. Les temps d'antenne sont partagés
entre divers courants d'idées dont la plupart sont religieux. Les
émissions proposées sont donc naturellement fidèles
à la doctrine de chaque groupe. La télévision comme
instrument de propagande, discret mais bien réel, mais aussi comme
instrument du diable pour quelques protestants extrémistes. Ce
fondamentalisme religieux, bien qu'ultra minoritaire aux Pays Bas, n'en est
pas moins tenace. On peut ainsi trouver quelques villages ou la
modernité est repoussée au profit d'un conservatisme à
couper le souffle: télévision interdite, vaccinations
refusées, assurances non souscrites (auto, domicile...),
églises bondées le dimanche de paroissiens en habit
traditionnel. Comme ces groupuscules ne font pas preuve d'un véritable
prosélytisme, ces archaïsmes pourraient prêter à
sourire s'ils ne mettaient pas des vies en danger par le refus des
vaccinations. Toutefois, les Pays Bas ne comptent pas de censeurs religieux
comme la très officielle association "Croyances et
Libertés" de l'épiscopat français ou l'AGRIF, bien
représentative de l'extrême droite catholique française.
Le modèle de laïcité adopté par les Pays Bas opte
donc pour un large financement du système éducatif à
composante religieuse. L'absence de "guerre scolaire" est en partie due
à un clergé, aussi bien protestant que catholique, moins
réactionnaire que son homologue français qui ainsi parvient
à s'attirer les faveurs du plus grand nombre. Ce système
confère aux religions plus de présence dans la
société avec les affiliations religieuses de chaînes de
télévision, d'hôpitaux, et de partis politiques et ne va
pas dans le sens de la promotion des idées laïques
réclamant une stricte séparation du politique et du religieux.
22 juin 1999
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