Le télévangéliste Pat Robertson, les dictateurs africains et l'argent d'Al Qaeda
American Atheists 2 janvier 2003 (extraits) :
Il est maintenant confirmé que les terroristes d'Al Qaeda se financent avec l'aide de dirigeants africains impliqués l'exploitation des mines d'or et des ressources naturelles ainsi que le lucratif commerce de diamants.
Le Washington Post a affirmé récemment que les agents d'Oussama Ben Laden "surveillaient un commerce exorbitant de diamants pour un montant de 20 millions de dollars qui leur permettait d'accaparer le marché de la région en pierres précieuses."
On sait en outre que le dirigeant du Libéria, Charles Taylor, a reçu au moins un million de dollars pour fournir un refuge aux complices de Ben Laden après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York et Washington. Les hommes pouvaient se déplacer librement dans une "zone protégée" au Libéria et au Burkina Faso voisin.
Mais ni le Washington Post ni les rapports des services de renseignement n'ont cependant mentionné les liens qu'entretient Charles Taylor avec les Etats Unis d'Amérique, à savoir des membres du gouvernement Clinton, le chef de la Rainbow Coalition le révérend Jesse Jackson et des associés en affaire tels que Pat Robertson qui est un des principaux activistes chrétiens et le fondateur de la Christian Coalition (voir quelques citations de Pat Robertson).
Pat Robertson avait conclu un accord spécial avec le gouvernement de Charles Taylor pour exploiter les ressources minières du pays avec sa société Freedom Gold (L'or de la liberté). Taylor, qui dirigeait un mouvement insurrectionnel et devint Président du Libéria après une guerre civile sanglante, lui a rendu la politesse en aidant les acolytes de Robertson à organiser de gigantesques prières. Il ordonna en particulier de fermer toutes les églises et les entreprises afin que la population assiste aux offices.
En 1999, Pat Robertson a constitué la société Freedom Gold, l'a basée dans les Iles Cayman et a signé un accord avec le régime Taylor pour exploiter les mines d'une région du sud est du Libéria. De nombreux documents attestent que Robertson profitait d'un intérêt de 10% dans le pays. Mais les liens curieux qui unissent Al Qaeda, Taylor et Robertson - une association basée sur le pur attrait du profit - ont vite donné lieu à controverse. Le Washington Post relata deux exemples typiques des relations amicales entre Robertson et Taylor, ce qui fit dire à un des responsables de Freedom Gold que : "Freedom Gold a été créé en réponse au besoin du Libéria d'une reprise économique après cette longue et dévastatrice guerre civile. Le Dr. Robertson est resté un ami du Libéria et travaille à alléger les souffrances du peuple libérien. Le premier et principal objectif du Dr. Robertson est de répandre la parole de Jésus Christ dans toutes les nations."
Néanmoins, avant de diffuser la parole divine au Libéria, Robertson y avait déjà prospecté pour exploiter son or. Une fois au pouvoir, Taylor prend contact avec Robertson, connaissant déjà ses expéditions au Congo quand le télévangéliste avait créé la African Development Corporation. Robertson était ainsi devenu un fervent supporter de l'homme fort du Zaïre, Mobutu Sese Seko. Comme Taylor, Mobutu avait un lourd passé en matière de crimes et des missionnaires religieux avaient été consternés par la proche collaboration entre Robertson et le dictateur. En 1989, par exemple, le gouvernement de Mobutu avait pris des mesures sévères à l'encontre de groupes religieux "non reconnus". Les Eglises Baptistes Américaines avaient protesté contre la première visite de Robertson au Zaïre comme étant une "adhésion à ces mesures et un exemple du soutien apporté par les USA à un dictateur infâme."
Robertson et son épouse avaient été conduits au Zaïre dans l'avion privé de Mobutu, et reçus sur son yacht personnel ainsi que dans la somptueuse demeure de Mobutu. Au cours de cette soirée, Robertson avait obtenu une extension de ses concessions pour sa société African Development Corporation. Un observateur ayant assisté à des rencontres au siège de CBN (Christian Broadcasting Network, la télévision de Pat Robertson) parle à ce propos d'une somme potentielle d'un milliard de dollars.
Aujourd'hui, Charles Taylor diffuse aussi la parole divine. Le rapport sur la liberté religieuse au Libéria publié l'an dernier par les USA précise que la constitution du Libéria garantit la liberté de religion et ne favorise pas, en théorie, une foi particulière, "les cérémonies gouvernementales débutent et terminent toujours par des prières et peuvent inclure des hymnes. Les prières et les hymnes sont chrétiens mais aussi musulman de façon occasionnelle" !
Un grand rassemblement soutenu par Robertson "Le Libéria pour Jésus" avait été organisé par l'évêque John Gimenez de la Rock Church à Virginia Beach. "Le Libéria pour Jésus" était une opération qui ne fut possible qu'avec l'aide de Charles Taylor. "Je crois que cet évènement est la bombe atomique de la paix" déclara le pasteur Gimenez surexcité.
Les entreprises du pays et les églises avaient été fermées pour ce qui a été décrit par la chaîne de télévision CBN comme "trois jours de prières, de louanges et de repentance." 75000 croyants ont participé à l'évènement et ont rempli le stade de Monrovia. Taylor y a montré ses talents de comédien, en évitant soigneusement de parler de la guerre, des amputations ou de son trafic avec Al Qaeda.
"Je peux voir les anges qui se déplacent au-dessus du stade !" s'est écrié Taylor au micro. "Et ils sont revenus auprès de Dieu et ont dit, 'Seigneur, le Libéria frappe à la porte'. Et je peux l'entendre dire, 'Ouvrez la porte et laissez le Libéria entrer !'" (reportage sur CBN le 8 mars 2002). Taylor est alors demeuré prosterné sur le sol.
"Et je vous le dis : au-dessus de moi réside quelqu'un de plus grand que moi" a ajouté Taylor. "Cette autorité c'est Jésus. Ce n'est pas moi votre président, c'est Jésus."
Ce fut un spectacle extraordinaire, une fausse improvisation de Taylor qui a fortement impressionné les croyants. "Je n'ai jamais vu auparavant de Président dédier son pays à Dieu et s'étendre sur le sol devant un telle foule" a déclaré un évangéliste des USA. Et le réseau de Robertson a naturellement fait les louanges de Taylor.
Mais quelques jours avant l'impressionnante manifestation, quelque chose d'une nature inquiétante avait eu lieu. Ibrahim Bah, un ami proche de Taylor et associé, avait rencontré Ahmed Khalfan Ghailani et Fazul Abdullah Mohammed, des responsables d'Al Qaeda qui voyageaient fréquemment dans la région pour les mines de diamants. Des marchands libanais étaient aussi actifs dans le milieu comme Allie Darwish. Comme Ibrahim Bah, qui est sénégalais, il s'est entrainé en Lybie et a combattu dans les années 80 avec les Moujahedines en Afghanistan ; il a ensuite participé à des opérations du Hezbollah au Liban. Ce n'est qu'après qu'il venu au Libéria et qu'il est devenu un des principaux marchands d'armes et de diamants pour Taylor.
D'autres informations indiquent que le Libéria constitue un refuge pour des chefs de la drogue d'Amérique du Sud, des mafieux d'Ukraine et de Russie, ainsi que des escrocs d'Afrique du Sud. Et pendant ce temps, des églises évangéliques protestantes des USA fournissent un camouflage adroit à Charles Taylor. Il n'est donc pas étonnant que des fanatiques musulmans se soient intéressés au Libéria. Pourtant cela n'a pas dissuadé les révérends Jesse Jackson et Pat Robertson de défendre ce régime de criminels. C'est donc un curieux réseau qui relie ceux qui prétendent servir leur Dieu mais sont aussi capables de traiter avec Mammon, le dieu argent.
5 mars 2003
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