Dans le débat sur la burka et le niqab, on a souvent entendu que ces accoutrements dénatureraient l'islam et n'en constitueraient pas l'essence. Il s'agirait soit de l'expression du machisme extrême de certains fanatiques, soit d'une mode de puritaines, plutôt que de la réactualisation de pratiques archaïques. Pourtant, la consultation de journaux contemporains de la Troisième République permet de se documenter sur les pratiques vestimentaires anciennes en terre musulmane et, ainsi, de contredire ces affirmations hâtives. Les guerres coloniales et la vie dans les colonies y sont assez souvent représentées et en Une du Rire du 14 mars 1896, le caricaturiste Caran d'Ache représente une musulmane dont on ne voit que les yeux. Cette femme est en retrait par rapport à son mari; elle est placée à côté de son dromadaire et porte une grande cruche sur l'épaule, elle n'a pas de chaussures contrairement à l'homme qui en est pourvu. Hormis ses yeux, ses mains et ses pieds, tout son corps est masqué par deux morceaux d'étoffe : l'un, vert pâle, couvre l'ensemble du corps et l'autre, blanc et rectangulaire, couvre la partie inférieure du visage et descend jusqu'au sol. La musulmane est donc autant couverte qu'avec un niqab d'une seule pièce. Sous le titre "Les bizarreries du langage", l'homme au visage disgracieux déclare : "C'est pas pour dire... mais c'est un rude chameau"; mais la compréhension demeure incertaine. Parle-t-il de l'animal, de sa femme ? Le dessin joue-t-il sur cette ambiguïté ?
Plus d'un siècle après sa réalisation, malgré l'existence d'une presse évidemment très colonialiste, l'intérêt du dessin réside d'abord dans son caractère documentaire avec la représentation vestimentaire de la musulmane : l'ensevelissement de la femme pour occulter les phobies masculines ne date pas d'aujourd'hui et est consubstantiel à l'histoire de l'islam.
A lire sur le même sujet sur atheisme.org :
- pèlerinage sanglant à Kerbala, Le Petit Journal, 11 avril 1909 ;
- thèmes et cibles de la caricature de l'islam (colloque de l'EIRIS à Brest, mai 2008).
24 août 2010
|