Le nationalisme hindou
L'Inde qui rassemble un cinquième de l'humanité (970 millions
d'habitants) est en proie à un fléau incontrôlé,
les émeutes communautaires opposant hindous, musulmans et
chrétiens. En 1947, l'Angleterre quitte la région en laissant
derrière elle deux nouveaux états, l'Inde et le Pakistan. La
définition des limites engendre un exode de 15 à 55 millions de
personnes et 500000 morts dans les mois qui suivent. Les musulmans
émigrent vers le nord, vers le Pakistan musulman alors que les
hindous cherchent refuge en Inde. Le Cachemire qui fut le principal
théâtre de l'exode reste un thème de conflit entre les deux
voisins dont le dernier épisode eut lieu en été 1999. Sa forte
proportion de musulmans incite le Pakistan à
réclamer un référendum sur l'autodétermination.
Une guérilla musulmane séparatiste s'est
organisée, faisant 20000 morts depuis 1989. Des conflits armés
qui en sont résultés entre l'Inde et le Pakistan, le
troisième aboutit, en 1971, à la partition du Pakistan avec
la création du Bangladesh. Cet état, à la constitution
initialement laïque, est peu à peu gagné par les
fondamentalistes musulmans.
L'Inde compte actuellement 80% d'hindous, 15% de musulmans et 2.5% de
chrétiens. Cette diversité va à l'encontre des
aspirations nationalistes de partis politiques tels que le Bharatiya Janata
Party (BJP, Parti du peuple indien) ou le Rashtriya Swayamsevak Sangh
(RSS, Association des volontaires nationaux). Les origines du nationalisme
hindou peuvent être trouvées dans les années 20. Ce
fanatisme prône la suprématie des hindous sur les autres
peuples, en vertu d'une civilisation plus
ancienne qui eut ensuite à subir l'envahissement musulman. Le RSS
est maintenant un mouvement fort, aux allures paramilitaires, qui dirige
des écoles et s'inscrit dans le tissu social. Le BJP, parti de
droite né en 1980 et au pouvoir depuis mars 1998 (malgré
une éclipse de quelques mois entre avril et octobre 1999), comporte de
nombreux liens avec le RSS. Le premier ministre, bien que voulant
apparaître comme un modéré, reste membre du RSS.
Cet extrémisme hindou s'illustra de façon dramatique
en 1992 lors de la destruction
de la mosquée d'Ayodhya, en Uttar Pradesh (nord de l'Inde). La
Vishwa Hindu Parishad (VHP, Association hindoue universelle) avait
commencé à l'appeler de ses voeux dès 1984. Cette
mosquée, bâtie au 16ème siècle, était
supposée être située à l'emplacement exact
d'un ancien temple dédié au dieu de la guerre Rama. Entre
1984 et 1989, une campagne anti-musulmane produisit de nombreuses
émeutes finissant en massacres et ces agressions
bénéficiaient en outre de la complicité des
autorités. La destruction de la mosquée le 6 décembre
1992 par les extrémistes hindous entraîna des affrontements
inter-communautaires faisant 2000 morts. Le Bangladesh voisin connut, en
réaction, une vague de vengeance de la part de la population
musulmane majoritaire (voir
Lajja de Taslima Nasreen).
Sept ans après, le problème posé par la destruction
de la mosquée demeure. En effet, les extrémistes
prévoient la construction d'un temple hindou au même
emplacement. Ce projet faisait même partie du programme
électoral du BJP en 1998.
Les musulmans ne sont pas les seules cibles de l'extrémisme hindou,
la minorité chrétienne souffre elle aussi de
persécutions depuis l'arrivée des nationalistes au pouvoir.
Une centaine d'agressions (exécutions, viols, destructions de
bâtiments) ont été commises entre mars et décembre
1998 conduisant à des manifestations chrétiennes le 4
décembre 1998. Des affrontements entre chrétiens et hindous
ont eu lieu dans l'état du Gujarat (nord ouest de l'Inde) en
décembre 1998, avec pour point de départ des chrétiens
accusés de prosélytisme par les hindous du VHP. Quelques
semaines plus tard un missionnaire chrétien et ses deux fils
périrent brûlés dans leur voiture. L'inquiétude va
aussi grandissante chez les chrétiens pakistanais qui redoutent
l'application de la loi coranique.
La situation explosive indienne ne semble pas près de s'apaiser
avec l'existence de multiples formations extrémistes. Ces mouvements
exaltent l'idéal d'une nation hindoue suprême et dominatrice.
La possession de l'arme nucléaire par l'Inde et le Pakistan ne peut
qu'accroître le sentiment d'insécurité attisé par
les religions hindoue et musulmane.
Chronologie de
l'Inde depuis 1947 établie par Le Monde Diplomatique (juillet 1997).
Carte des religions en Inde
1999
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