Contestation interne au MRAP
Communiqué diffusé sur internet après le Conseil national du MRAP du 15 janvier 2005
"COMMUNIQUE INTERNE DESTINE A TOUS LES ADHERENTS DU MRAP
Communiqué suite au dernier CN
Durant le congrès national du MRAP des 3, 4 et 5 décembre 2005, une
forte contestation de certaines positions de la direction nationale
s'est fait entendre. Elle s'est poursuivie lors du Conseil National du
15 janvier 2005, qui a élu les nouvelles instances de direction.
Aujourd'hui de nombreux militants, responsables, et dirigeants du MRAP
tiennent à affirmer que certaines déclarations du secrétaire général
telles qu'elles sont perçues dans les médias ne reflètent pas la
sensibilité dominante des adhérents. Certes, il est difficile de réagir
à chaud sur ces questions
complexes relevant d'une laïcité qui respecte des personnes de
traditions ou de cultures religieuses diverses, et garantit à tous à la
fois le droit à la différence et la nécessaire intégration républicaine.
Dans ce contexte, les récentes prises de position de la direction
nationale sur l'introduction de plateaux repas différenciés dans les
cantines scolaires ou sur la revendication d'une éventuelle condamnation
de la liberté de blasphème, ne reflètent ni les orientations de notre
dernier congrès, ni les convictions profondes de très nombreux
adhérents. Nous refusons cette image communautariste donnée à l'opinion
publique, qui désoriente militants et sympathisants.
L'entêtement dans ce positionnement ne peut qu'affaiblir notre combat
contre le racisme.
Contre une telle dérive, les nouveaux élus dans les instances de
direction s'engagent à tout faire pour recentrer le MRAP sur les valeurs
universelles fondamentales qu'il a toujours défendues et sur les
priorités de son action contre le racisme et les discriminations.
Signatures :
Nadia KURYS : Membre élu à la Présidence Nationale
Maurice CARREL : Membre élu au Bureau National
Gérard KERFORN : Membre élu au Bureau National
Horiya MEKRELOUF : Membre élu au Bureau National
René MEYER : Membre élu au Bureau National
Isabelle SIROT : Membre élu au Bureau National
Anne SAVIGNIEUX : Membre élu au Bureau National
Thierry BLAISOT : Membre élu au Conseil National
Jean Marc BOURQUIN : Membre élu au Conseil National
Yves LORIETTE : Membre élu au Conseil National
Didier POUPARDIN : Membre élu au Conseil National
Danielle POUPARDIN : Membre élu au Conseil National
Vincent MAZZONE : Membre sortant du Bureau National
NOTE EXPLICATIVE
1/ Le congrès et l'islamophobie :
Répondant au profond malaise ressenti depuis plusieurs mois au sein du
mouvement autour du concept d'islamophobie, il fut décidé par le
congrès, à une écrasante majorité , que le MRAP ne combattrait
l'islamophobie que dans le cadre légal de l'incitation à la haine
raciale. Toute autre intervention sortant de
ce cadre légal et s'inscrivant dans les revendications religieuses
n'entrait donc pas dans le champ du MRAP.
Or, le congrès à peine terminé, la direction nationale, au lieu de
donner l'exemple, a, par la voix de son secrétaire général à deux
reprises, enfreint cette expression majoritaire et introduit la
confusion et la division là où l'esprit de responsabilité des
congressistes avait permis un large accord sur cette définition
restreinte de l'islamophobie. Les considérations religieuses étaient
réintroduites dans le discours du MRAP au mépris des votes.
2/ Rappel pour mémoire de la loi de 1972 :
Ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des
lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins,
gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit,
de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés
dans des lieux ou réunions
publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du
public, soit par tout moyen de communication audiovisuelle (...) auront
provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard
d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou
de leur appartenance ou de leur
non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une
amende de 2000 F à 300 000 F, ou de l'une de ces deux peines seulement
(Art. 23, alinéas 1 et 24, alinéas 5 et 6, de la Loi du 29.7.1881,
modifiés par la Loi du 1.7.1972).
3/ Cantines scolaires et viande halal :
Sur Antenne 2, le secrétaire général s'est fâcheusement prêté, ces
derniers jours, à une nouvelle opération de diversion médiatique suite à
l'exclusion inacceptable des enfants d'une cantine scolaire par la
Mairie de Villefranche-sur-Saône au motif que ces enfants ne mangeaient
pas de viande non halal .
Rappel : les parents des enfants concernés ne demandaient pas de repas
spécifique répondant à leur choix religieux, mais simplement que leurs
enfants ne soient pas exclus. Ils affirmaient respecter les menus, se
réservant dans la sphère privée, le soir , l'introduction de la viande
rituelle dans les repas de
leurs enfants.
Ce fut aussi la position d'Ahmed Khenniche, responsable régional du
MRAP qui s'opposait à une exclusion des élèves tout en refusant la
multiplication des repas confessionnels.
C'était là le rappel des fondamentaux du MRAP : « pas d'exclusion
discriminatoire contre les enfants musulmans mais réaffirmation des
principes de l'école laïque. »
Le secrétaire général du MRAP est sorti de ces fondamentaux en
proposant des plateaux repas différenciés. A la question de la
journaliste lui disant que cela signifiait l'introduction de la viande
halal dans les menus, le secrétaire général s'est refusé à répondre
clairement en réaffirmant sa demande de
menus différenciés. (ce qui implicitement cautionnait l'introduction de
la viande halal, sinon quel intérêt à formuler cette revendication alors
que les parents ne la formulaient pas ?).
Le MRAP sortait ainsi du champ des discriminations (exclusion
d'enfants musulmans) pour entrer dans une revendication répondant aux
critères religieux de l'islam.
4/ A propos du droit de blasphémer : communiqué du MRAP diffusé sur
les listes du MRAP
Déclaration de Mouloud Aounit à l'AFP suite aux propos de l'UFAL(Union
des Familles Laïques) (voir communiqué intitulé
"Religion-Laïcité-Islam")
Lors d'une interview par France 3 national au sujet des déclarations
de Jean-Marie Le Pen et de la réaction du MRAP, j'ai, en qualité de
secrétaire général, condamné avec la plus grande vigueur le dérapage de
Jean-Marie Le Pen qui est une offense aux victimes du nazisme et un
encouragement aux passages à l'acte. C'est dans cet esprit que le MRAP
a décidé de porter plainte pour contestation de crimes contre
l'humanité.
A la question du journaliste de France 3 concernant la problématique
de notre plainte en regard de la liberté d'expression, j'ai répondu
(citation des propos tels que reproduis sur le site web officiel de
France 3) : "La justice doit être d'une fermeté exemplaire pour éviter
non seulement la récidive, mais aussi pour prévenir. Et de montrer
qu'aujourd'hui, si la liberté d'expression est un bien fondamental et
fait partie des droits de l'homme, la liberté de blasphémer et la
liberté d'ouvrir le champ au racisme doit être condamné avec la plus
grande fermeté."
Il fallait entendre par "blasphème" que le droit de critiquer est un
droit légitime, mais pas au sens religieux du terme. Aussi, pour
enlever toute ambiguïté, le MRAP réaffirme que la critique des
religions, de toutes les religions, y compris l'islam, est légitime.
Quant à notre action sur l'islamophobie, elle s'inscrit uniquement dans
le cadre de la définition légale de la provocation à la haine raciale.
On notera l'affirmation explicite : « « la liberté de blasphémer et la
liberté d'ouvrir le champ au racisme doivent être condamnées avec la
plus grande fermeté."
Les déclarations ultérieures contradictoires et embarrassées, ainsi
que l'affirmation de principe du droit de critiquer les religions
(réaffirmé par notre congrès), ne pourront faire oublier cette
revendication de la sanction du blasphème.
S'il y avait encore un doute sur le sens de ces propos, le dernier
conseil national vient de prouver qu'une tendance existe ouvertement au
sein de la direction nationale qui entend condamner le blasphème
puisque ceci fut explicitement et ouvertement revendiqué au sein de la
direction. Or jamais il ne fut
question d'interdire le droit au blasphème dans les débats du MRAP
notamment lors du congrès, encore moins d'appeler à le sanctionner.
La refus ou l'acceptation du blasphème ne font pas partie du champ
d'intervention des antiracistes et ce genre de déclaration heurte les
convictions individuelles de beaucoup.
Les déclarations du secrétaire général du MRAP conduiraient donc de
fait à l'interdiction de quantités de revues ou d'ouvrages de nature
blasphématoire (Charlie Hebdo ou les Versets Sataniques de S. Rushdie
par exemple..). En ces temps de retour à l'ordre moral des divers
intégrismes contre la liberté
d'expression, n'avons- nous pas mieux à faire sur les priorités de
l'action contre le racisme et les discriminations ?
NB : Blasphème (cf Le Petit Robert) : 1/ Parole qui outrage la
Divinité, la religion 2/ Par ext, propos déplacés et outrageants pour
une personne ou une chose considérée comme quasi sacrée.
Cf Renan : « Le blasphème des grands esprits est plus agréable à Dieu
que la prière intéressée de l'homme vulgaire ». "
Retour à la chronologie de la défense de l'islam pratiquée par le MRAP.
Février 2005
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