Compte rendu d'un colloque à Montreuil contre l'intégrisme religieux, principalement islamique




Les 10 et 11 février 2007 un important colloque s'est tenu à la Mairie de Montreuil, près de Paris, organisé par l'Union des Familles Laïques et Algérie Ensemble. Cette rencontre internationale, dans laquelle de nombreux pays ont été représentés à la tribune, visait à fédérer l'ensemble des participants contre l'intégrisme religieux, ennemi de la laïcité et des femmes. La rage s'est souvent mêlée à l'émotion quand prenaient la parole ces algériennes ou ces polonaises victimes, par le sang et la loi, du fanatisme islamique ou de l'Eglise catholique. Cinq tables rondes ont permis de dresser un dramatique état des lieux, non seulement de l'oppression exercée par les religions mais aussi de la traîtrise d'une part importante de la gauche française, qui s'est trop souvent couchée ou tue face au fascisme islamique.

1/ Samedi 10 février, après midi

Samedi après midi, le premier débat a porté sur "L'intégrisme contre les libertés de conscience et d'expression". Michèle Dessenne, militante féministe et altermondialiste, organisait les discussions et n'a pas ménagé ses critiques envers certains responsables d'ATTAC qui se sont précipités aveuglément dans la collaboration avec le communautarisme musulman. Antoine Spire, ancien dirigeant de la Ligue des Droits de l'Homme, a fait le même constat désespéré en décrivant le sombre plongeon de la LDH vers le communautarisme et la compromission envers les islamistes. Une immersion dont l'organisation n'est toujours pas sortie. Dans le même registre, Ester Fouchié, présidente du Forum femmes méditerranée, a évoqué la situation alarmante qu'elle connaît bien dans les quartiers nord de Marseille et les combats qu'elle mène. La compromission de l'extrême gauche lui est bien connue. Dans une intervention brillante, Alain Seksig, au nom de la LICRA, s'est attaché à dénoncer les innombrables atteintes à la laïcité dans les établissements publics d'enseignement, citant le rapport Obin qui en fait un constat effrayant. Fatou Sow, militante sénégalaise, a expliqué comment les islamistes progressent en Afrique contre les droits des femmes. Quant à Jeanne Favret-Saada, elle a gratifié l'Eglise catholique d'un aller simple vers la case obscurantiste... Mohamed Abdi, secrétaire général de Ni putes ni soumises, terminait cette table ronde par un appel à une union générale des défenseurs de la laïcité.

Si les interventions ont toutes été remarquables car émanant de personnes directement concernées par les faits évoqués, le mot "intégrisme" a certainement été le plus prononcé. Les prises de paroles du public, dont il faut noter le niveau particulièrement riche et constructif, ont usé d'un vocabulaire quelque peu différent. Qu'il s'agisse d'athées déclarés ou de femmes algériennes refusant d'être classées a priori comme musulmanes, plusieurs personnes ont affiché un discours clairement antireligieux. Ces interventions ont toujours été largement saluées par un public acquis à une critique franche des religions dans leurs fondements.

La table ronde suivante a confirmé cette tendance observée dans les mots d'une partie du public. Spécifiquement dirigée contre l'opposition au droit des femmes et à l'égalité hommes-femmes, elle a vu l'affirmation, courageuse pour certaines oratrices, de la nocivité de doctrines religieuses à l'encontre de la moitié de l'humanité. Ainsi, deux iraniennes résidant en Angleterre n'ont pas craint d'attaquer l'islam pour ce qu'il est, la bannière de l'islam politique. Il s'agit, pour Maryam Namazie, d'une "bataille aussi bien contre l'islam que contre l'islam politique" car "l'islam et la religion n'ont rien de progressiste". Azar Majedi a vécu sous la loi de l'islam, elle en sait la brutalité : "l'islam est bien connu pour son oppression envers les femmes". Contrairement à la propagande de pureté et de respectabilité de l'islam, "la religion se comporte comme une institution de type mafieux". La conclusion est sans appel : il faut combattre la République Islamique d'Iran. Theresa Jakubowska, porte parole du Parti Anticlérical polonais La Raison, a sensibilisé l'auditoire à la tragique régression observée dans son pays depuis 1989 : le droit à l'IVG a été perdu par la faute du travail de sape de l'Eglise catholique. Avec finesse, l'oratrice glisse que "la conscience catholique ne permet pas de pratiquer l'avortement gratuitement mais, contre de l'argent, pas de problème..." Après l'Iran et la Pologne, Michèle Vianès débute son propos en citant Jules Ferry pour lui opposer les barbares du FIS. Le pur et l'impur, toute la misogynie des religions réside dans cette infamie, sans oublier le bouddhisme et l'hindouisme. La présidente de l'association Regards de femmes énonce ensuite la terrible litanie de l'oppression machiste pratiquée en France contre des jeunes filles d'origine maghrébine ou turque : polygamie, mariage sous contrainte, coups et blessures, pressions psychologiques, etc. Le relativisme culturel, qui autorise certains à détourner leurs yeux, "est du racisme puisqu'il permet d'interdire à certaines de jouir des droits fondamentaux universels". Contre cela, c'est aux femmes et aux hommes d'agir ensemble pour "abattre le mur de la phallocratie". Mais Michèle Vianès avait aussi un grande victoire à annoncer : Hani Ramadan a annulé ses cours à Lyon suite à la mobilisation impulsée par Regards de femmes. Un grand bravo aux militantes lyonnaises pour ce combat réussi !

L'Algérie, partie essentielle de ce colloque, fut présente en cette table ronde en la personne de Marienne Hélie Lucas. En réaction probable aux interventions précédentes, la militante féministe s'engagea dans une précision liminaire ahurissante trahissant l'imprécision du terme "intégrisme" : l'intégrisme n'aurait, selon elle, rien à voir avec la religion ! Pour se contredire peu après en reconnaissant que l'objectif des dits "intégristes" est bien la théocratie, dont on voit mal comment elle pourrait procéder d'un mouvement non religieux. Par la suite, Marienne Hélie Lucas a insisté justement sur le fait que les maghrébins ne sont pas tous musulmans et que des athées existent dans les pays dominés par l'islam. Dernier orateur de cette session, Philippe Namias, des Verts et de Laïcité Ecologie Association, apporta une contribution fort bienvenue au féminisme par une formule astucieuse : "le relativisme culturel, c'est la directive Bolkenstein des droits humains". Succès assuré.

Comme précédemment, plusieurs interventions du public, toujours aussi instructives, n'ont pas jugé utile d'opérer de distinction entre intégrisme et... on ne sait trop quoi d'autre. Ainsi, Salvatore Pertutti, qui avait auparavant informé de son dépôt de plainte contre des éditeurs de la Bible et du Coran pour les propos meurtriers qui y sont contenus, a cité le verset 34 de la sourate 4 du Coran qui appelle les maris à frapper leurs femmes quand elles sont désobéissantes. Applaudissements très nourris. Quant à Marta, torturée en Argentine, elle a dénoncé la collaboration active de l'Eglise catholique avec la dictature qui a asservi son pays. Et le Vatican savait, naturellement; inutile d'invoquer quelque intégrisme que ce soit.

Après des discussions d'une telle richesse, la conclusion du journaliste algérien Mohammed Sifaoui était fort attendue. Elle marquera longtemps les esprits par son intensité, son émotion. Sa cible : le fascisme islamique bien sûr mais pas seulement. Une autre existe, plus insidieuse, une honte dont les racines s'enfoncent dans l'Hexagone, dans cette "gauche mitterrandienne" qui n'a pas été aux côtés des démocrates algériens. Solennel, grave, meurtri, Sifaoui assène les accusations : les Algériens ont été trahis par le pouvoir de Bouteflika qui se réconcilie avec les islamistes, et les musulmans de France, dont il est, ont été trahis par la Mosquée de Paris qui s'est alliée à l'UOIF lors du procès de Charlie Hebdo. Son projet est alors un plan de combat : "je ferai tout ce que je pourrai pour casser le CFCM"; le Conseil Français du Culte Musulman est cette monstruosité antilaïque que Nicolas Sarkozy a mis entre les mains des fanatiques. Sachant que pour Mohammed Sifaoui, l'actualité est chargée, après le procès de Charlie Hebdo auquel il a apporté son témoignage : le lendemain du colloque, le lundi 12 février, a eu lieu à Paris le procès d'un islamiste qui lui avait adressé des menaces de mort.

2/ Dimanche 11 février, après midi

La dernière table ronde de ces rencontres affichait une ambition nécessaire, dont l'urgence avait été le leitmotiv de ces deux journées : "Pour une mobilisation des forces laïques et féministes à l'échelle mondiale." Héros du moment, Philippe Val, rédacteur en chef de Charlie Hebdo, fut ovationné. Dans le procès qui l'oppose à l'UOIF, la Mosquée de Paris et la Ligue Islamique Mondiale, la salle entière a affiché un soutien bruyant autant qu'enthousiaste à l'hebdomadaire. Il est des valeurs sur lesquelles on ne transige pas face aux obscurantistes. Pour Philippe Val, le fanatisme islamique c'est "le monde archaïque contre le monde moderne". Contre cela que faire ? L'inverse précisément de ce qui a été observé jusqu'à présent puisque, face aux fascistes, "les temps sont obscurs car la peur fait taire le camp d'en face", c'est-à-dire les défenseurs de la laïcité, de la liberté d'expression, du droit des femmes. Lui succède Marc Dolez, député PS, dont le discours débute finement : pour lui, le rassemblement de Montreuil ne sera pas le plus médiatisé de cette fin de semaine mais en sera assurément le plus important. Bien qu'elle n'ait pas été citée, Ségolène Royal qui, ce même jour, dévoilait ses propositions pour l'élection présidentielle, appréciera... Après ce sourire, c'est une leçon de laïcité que délivrera Marc Dolez en dénonçant sans ambiguïté les silences de la gauche sur les crimes commis en Algérie et le communautarisme islamique : "le silence équivaut à un renoncement". Le propos laïque du député est complet et n'oublie rien : le concordat en Alsace Moselle, l'absence d'école publique au profit d'une école privée dans de nombreuses communes ainsi que les atteintes à la laïcité énumérées dans le rapport Obin.

L'horreur du terrorisme islamique aura marqué ces deux journées et Mohammed Sifaoui est le mieux placé pour en parler avec une gravité qui fige l'assistance. Ce dimanche 11 février 2007, jour pour jour et à 5 minutes près, le journaliste s'est exprimé à l'instant précis où, il y a onze ans, éclatait une bombe à Alger au siège de son journal causant de nombreux morts. Que faire alors, question ultime de cette fin de colloque ? Sifaoui rappelle que Jacques Chirac, en 2002, avait refusé de débattre avec Jean-Marie Le Pen arguant qu' "on ne débat pas avec l'extrême droite". Pourquoi alors, ce même Chirac soutient-il, dans leur procès contre Charlie Hebdo, des fanatiques regroupés au sein de cette "supercherie" du CFCM par laquelle "beaucoup de musulmans ne se sentent pas représentés" ? Que faire ? Continuer, continuer toujours : "nous serons encore et encore des chatouilleurs de fatwa", en échos aux propos immondes d'Olivier Roy qui tentaient de rendre Robert Redeker seul responsable de sa situation actuelle. Misère mentale de la collaboration avec l'oppression islamique.

Les discussions parvenant à leur terme, il incombait à Bernard Teper, président de l'UFAL, de lancer un appel international pour un "front de type antifasciste, laïque et féministe". La laïcité est un principe universel et doit être appliquée à l'échelle mondiale. Jean-François Kahn, qui concluait ces rencontres, reprit cet appel et ces principes. Pourtant, paradoxalement, après avoir rappelé que l'immense majorité des guerres sont d'origine religieuse (Irak, Inde, Sri Lanka, Côte d'Ivoire, Bosnie, Tchétchénie, Soudan, Darfour), le directeur de Marianne croit déceler que le problème réside dans "la religion, mais dans sa forme intégriste". Pire, Jean-François Kahn décrète que "le voile n'est pas islamique mais islamiste". Vive contestation dans la salle. Le journaliste passe à un historique utile des attaques de l'Eglise catholique contre la liberté d'expression (Buffon, le Chevalier de la Barre, l'abbé Grégoire) pour les confronter avec l'époque actuelle où la situation s'est inversée : c'est au nom de la liberté d'expression que le fanatisme, islamique cette fois, relève la tête. C'est ainsi que la LCR accepte en ses rangs des militantes voilées lors de la journée des femmes du 8 mars. Terrible régression qui confine au racisme quand, par exemple, l'intervention de Christine Boutin à l'Assemblée Nationale, Bible en main, est qualifiée d'obscurantiste alors que les revendications de certaines musulmanes relatives au voile attirent une étonnante compréhension. Cette tolérance relève du racisme car des attitudes différentes sont manifestées selon la religion ou l'origine géographique. Enfin, Jean-François Kahn déplore l'absence de représentation de la pensée rationnelle ou de la libre pensée, en relevant que sont souvent oubliés, ou ignorés, les incroyants et laïques assassinés dans de nombreux pays où dominent les fureurs religieuses.


11 mars 2007


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