Le Tartuffe ou L'Imposteur
Molière
"Une comédie très dangereuse", c'est ainsi que l'archevêque de Paris avait mis en garde ses brebis dociles contre la pièce de Molière alors dénommée L'Imposteur en 1667. Les dévots, ou plus exactement les faux dévots, y sont arrangés de belle manière et leur hypocrisie dénoncée avec délice dans une pièce incisive et franche. Le pieux et rigoriste Tartuffe a, par son habileté à abuser les bigots, conquis les cœurs de Madame Pernelle et de son fils Orgon en y apposant le sceau de la religion. Il règne sur toute la maisonnée qui l'héberge et l'engraisse et ses vertus très chrétiennes s'affichent aux yeux de tous : il est "gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille", déclare exécrer les tentations de la chair ("Couvrez ce sein que je ne saurais voir", suivi d'une subtile réponse de la servante Dorine, chantre de la liberté d'esprit et de l'émancipation des cœurs) et ne manque pas de prier à l'heure précise dans des prosternations que d'autres bigots, soumis à Mahomet, perpétuent encore trois siècles après avec l'inséparable cortège de mortification, d'hypocrisie et d'asservissement des cœurs et des individus. Pourtant, la supercherie va éclater et la raison l'emporter puisqu'il importe "du faux avec le vrai faire la différence" : c'est l'attrait de la chair qui confondra le saint homme ("pour être dévot, je n'en suis pas moins homme").
On rit beaucoup de la crédulité d'Orgon et des dévots ridiculisés mais l'affaire n'en reste pas moins grave car, en affaire de religion, rien ne saurait être traité avec légèreté ou désinvolture. La religion est ici moquée et attaquée en raison de la subordination qu'elle inflige à tous et de l'hypocrisie de ses plus ardents zélateurs qui sont autant d'imposteurs.
La pièce, magnifiquement servie par le verbe de Molière, n'a pas pris une ride tant les caractères humains semblent intemporels dans leur fourberie et leurs traits les plus bas. Tartuffe, lui, vit toujours; il fait aujourd'hui le ramadan, guette sa montre pour les cinq gesticulations quotidiennes et se prosterne plus vers La Mecque qu'il ne s'agenouille au son de l'angélus.
A voir à la Comédie Française (et ailleurs) où Tartuffe est entré au Répertoire le 31 août 1680 soit 3053 représentations à la date du 17 juillet 2005.
Le texte intégral de la pièce
28 juillet 2005
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