Echec d'un rassemblement contre l'islamophobie




A l'appel du Mouvement pour la Justice et la Dignité, une centaine de personnes se sont rassemblées devant les locaux de France 2 à Paris le samedi 22 janvier. L'objet du courroux du mouvement était "l'islamophobie médiatique", entendre par là que, selon le MJD, l'islam est systématiquement traité de façon négative par les médias. Le MJD n'en était d'ailleurs pas à son coup d'essai puisqu'en février 2004 il avait participé au fiasco retentissant d'une manifestation contre l'islamophobie à Paris.

Ce samedi, de même qu'un an auparavant, aucun orateur du rassemblement n'a envisagé le fait que, peut-être, l'islam prête effectivement le flanc à la critique par un déchaînement continu d'actes violents et d'oppression des femmes dans le monde entier. Au prétexte de "Service public, intérêts privés", le MJD dit "Non aux médias de la haine". Dans l'attente des discours, il fait patienter le maigre public par un choix de chansons assez révélateur de la mode à récupérer les valeurs humanistes, rebelles, progressistes à des fins communautaristes et identitaires. On a ainsi pu entendre Léo Ferré (dont "Les anarchistes", c'est le monde à l'envers !), Serge Reggiani et Georges Brassens, tous convoqués pour la cause de l'interdiction de la critique de l'islam.

Les interventions ont été un règlement de compte systématique contre toute opinion émise à la télévision qui n'aurait pas été islamiquement correcte. C'est Jack-Alain Léger, auteur de "Tartuffe fait ramadan", qui est sifflé pour des propos tenus sur France 3, c'est Chahdortt Djavan qui est attaquée pour avoir dit que "le port du voile est une maltraitance physique comme l'excision" et que "le voile fait de la femme une sous humaine". Pour le MJD, relève de l'islamophobie toute dénonciation de l'islam et des pratiques archaïques qu'il impose. De même, Samira Cadasse, de Ni putes ni soumises, est huée dès son nom prononcé tant la haine de NPNS est grande chez les femmes en foulard dont une dizaine étaient présentes ce jour-là. Martine Gozlan, journaliste à Marianne, et Hanifa Chérifi sont elles aussi l'objet des sifflets du public.

Signe de la stratégie islamiste et communautariste adoptée par le MJD, le mouvement ose placer parmi les victimes de l'islamophobie médiatique la chaîne de télévision Al Manar et va jusqu'à estimer que "ceux qui ont donné les adresses des juifs à la Gestapo sont les mêmes que ceux qui nous stigmatisent". L'abjection est à son comble mais ce rapprochement avec le génocide juif n'est pas nouveau et avait été observé dans les manifestations du début 2004 pour le port du voile à l'école. La France est aussi décrite comme une terre de censure en matière de production cinématographique, le film "Un racisme à peine voilé" n'est pas nommément cité mais l'allusion est sans ambiguïté.

Parmi les intervenants, Guy Guioubly tenta de revigorer un auditoire transi par le froid. En tant que président du Comité de soutien à Dieudonné, le bouillant martiniquais a annoncé que l'Association France Plurielle, dont il est le président, allait avoir son propre candidat aux prochaines élections de 2007. Le jeu électoral lui est déjà familier puisqu'il a participé aux dernières élections européennes avec Europalestine.

En plaçant sous la même problématique la critique de l'islam et le traitement biaisé de l'information par la télévision (qui s'exerce à l'encontre de toutes les opinions mais le MJD n'a pas la lucidité de l'admettre), le MJD a subi un échec logique. La lutte nécessaire contre les discriminations doit impérativement se séparer de la phobie de l'islamophobie, celle-ci n'étant que la tentation inavouée de réinstaurer le délit de blasphème. Le rejet des discriminations à l'embauche, au logement, des contrôles au faciès, etc., doit se faire de pair avec la réaffirmation d'une complète liberté d'expression vis-à-vis des religions. La charge d'un des intervenants contre les citoyens d'"origine maghrébine" (expression utilisée par lui alors que l'orateur précédent avait fustigé son emploi...) qui ne font pas l'effort de se mobiliser aux côtés du MJD montre le décalage entre une organisation aveuglée par son islamophilie et les préoccupations de la population concernée qui, elle, ne se reconnaît pas dans cette indulgence envers l'islam. Le MJD travestit le combat antiraciste en une arme d'intimidation contre toute critique des religions. Cette stratégie fait partie d'un mouvement plus général, dont le MRAP est l'un des principaux acteurs, qui consiste à enfermer les arabo-musulmans dans une logique communautariste où l'individu s'efface devant l'appartenance au groupe et se soumet à ses lois.


25 janvier 2005


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