Iglesia y dictadura

Emilio F. Mignone

Ediciones del pensamiento nacional, Buenos Aires, 2006



"Les membres de la junte militaire seront glorifiés par les générations futures",
Monseigneur Bonamin, 3 novembre 1981

"Parfois la répression physique est nécessaire, obligatoire et, en tant que telle, licite",
Monseigneur Medina, avril 1982


En Argentine, de 1976 à 1983, l'armée impose un régime barbare et 30 000 personnes "disparaissent". 30 000 assassinats perpétrés après les tortures les plus sauvages. Quel fut alors le rôle de l'Eglise catholique argentine ? Un nombre résume l'ensemble de l'ouvrage d'Emilio Mignone : sur les quatre-vingt membres du corps épiscopal argentin, seuls quatre évêques ont protesté contre les militaires. Soit un soutien à 95 % de la hiérarchie catholique aux milicos ! Les familles des disparus ont eu beau frapper à la porte des églises, la porte est demeurée close ou, quand elle s'ouvrait, aucune réponse utile, aucun réconfort n'en émanait.

Réquisitoire implacable et très documenté contre l'Eglise argentine et ses compromissions fascistes, Iglesia y dictadura ne saurait être classé dans la rubrique des ouvrages antireligieux : son auteur fut un militant catholique très engagé tout au long de sa vie, évoluant d'un catholicisme national à un catholicisme social. La colère d'Emilio Mignone contre ses représentants spirituels est d'autant plus poignante que sa fille a été assassinée par les sbires de Videla. En contact fréquent avec les autorités religieuses, l'auteur accumule ici les déclarations, et les silences, des religieux complices des fascistes. On y découvre des prélats qui justifient les tortures, s'affichent aux côtés des militaires, et sont même parfois présents dans les centres de détention clandestins où était pratiquée la torture.

Pourtant, et l'auteur y raccroche sa foi catholique, des religieux et des chrétiens ont aussi été victimes de ce "Processus de réorganisation nationale", une appellation inventée par une armée soucieuse de masquer ses crimes par une astuce de vocabulaire. Mignone dénombre ainsi une centaine de religieux assassinés pour avoir choisi le camp des victimes. Nombreux furent aussi les chrétiens disparus, torturés et assassinés par ceux qui, du haut de leurs casernes, clamaient agir au nom de cette même religion.

Le site des disparus desaparecidos.org consacre plusieurs pages à "l'Eglise complice et l'Eglise du peuple". Mais, comme cela apparaît à la lecture du livre d'Emilio Mignone, cette dernière pèse peu face à la première. De nombreuses citations d'ecclésiastiques favorables aux militaires sont disponibles sur le site des disparus.


7 juin 2007


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