La christianisation des mégalithes





L'imposition du catholicisme en France n'a été ni immédiate ni complète. Des poches d'hérésie ont, de tout temps, constitué des résistances à l'hégémonie papale, qu'il s'agisse de la concurrence cathare, vaudoise ou huguenote, de la survivance de superstitions locales ou de la permanence dissimulée de l'athéisme. Le crime et la force brute qui ont tant servi contre les premiers (bûcher de Montségur en 1244, massacre de la Saint-Barthélémy en 1572) ont pu s'avérer moins efficaces pour extirper les croyances non chrétiennes et réorienter certaines formes de religiosité vers l'adoration du légendaire Jésus. Il ne restait plus alors que la récupération des lieux et objets de culte dans un syncrétisme opportuniste pour conquérir les âmes manquantes. L'Eglise a ainsi détourné à son profit les croyances et les lieux d'adoration associés, et de très nombreux dolmens et menhirs ont été christianisés par l'adjonction, la sculpture ou la gravure de croix.

Le dolmen d'Ymare, en Seine-Maritime, fait partie de ces éléments réquisitionnés par le catholicisme. De petite taille (sa table de 1,35 m par 0,80 m ne s'élève qu'à 80 cm de hauteur), son inscription dans le christianisme est triple :
- gravure d'une croix (50 cm x 40 cm) dans la partie gauche de la dalle horizontale ;
- christianisation de sa dénomination : il est aussi appelé "Croix de Rouville" ;
- inclusion dans des pèlerinages pour obtenir des guérisons diverses.

Le christianisme est, parfois, allé plus loin dans la récupération des cultes anciens. A Guitrancourt (Yvelines), une croix en pierre blanche est actuellement plantée devant l'église. De facture grossière, la croix, qui provient d'un autre lieu, a en fait été creusée dans un menhir.


Sources :
- Le domen d'Ymare, par M. Legrain, Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, séance du 7 mai 1891, IVe série, Tome 2, page 304 ;
- Les pierres d'attente des morts en France et en particulier les pierres des morts de l'Île-d'Yeu, par Marcel Beaudouin, Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VIe série, Tome 6, fascicule 2, 1915, pages 90 à 94
- H. Chapron, Les vieilles croix du Mantois, Bulletin de la société Les Amis du Mantois, n° 3, 1952, référence citée dans Revue d'histoire de l'Église de France, 1953, Volume 39, n° 133, pages 311-341



29 avril 2010







La croix chrétienne gravée dans la partie gauche de la table du dolmen d'Ymare (76).




A Guitrancourt (78), une croix chrétienne taillée dans un menhir.

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