Une messe de requiem pour Marie-Antoinette

Eglise Sainte Rita, rue François Bonvin, Paris




Sainte Rita est la patronne des cas désespérés. Tout, et plus encore, peut lui être demandé, ça ne coûte rien et, si ça ne fait pas bien, ça ne fait pas de mal non plus. Au nombre des causes perdues le retour à la monarchie figure en bonne place et les paroissiens de ce quartier du 15ème arrondissement l'ont bien compris : ils se sont pressés tristement en l'église Sainte Rita le 16 octobre 2003 pour une messe de requiem à la mémoire de Marie-Antoinette. La reine avait été raccourcie 210 ans auparavant, le 16 octobre 1793, en application d'une décision du Tribunal Révolutionnaire. Le droit divin dont se réclamaient les souverains n'étant qu'imposture, la justice populaire leur était applicable.

Comme pour Louis XVI en janvier, des ancêtres archaïques et inutiles immergés dans le formol du catholicisme ont usé de cet anniversaire pour s'offrir une tribune antirévolutionnaire. Persistant dans la nostalgie de l'Ancien Régime, l'archevêque catholique gallican Dominique Philippe a vitupéré contre les Lumières. Le rite de Saint Pie V a la faveur du pittoresque archevêque et tout fut dit en latin sauf une charge en français contre la Révolution, cette "bête immonde". Un décor de circonstance avait été installé : un portrait de Marie-Antoinette devant l'autel, un drapeau avec des lys dorés et un fond bleu ciel sur lequel reposait une gerbe de fleurs de lys.

Le rite de Saint Pie V demeure un peu obsolète mais nul ne saurait en faire grief à l'archevêque : ses borborygmes en latin le dos tourné à l'assistance, l'attention de ses assistants dévoués qui veillaient à ajuster scrupuleusement sa calotte rouge ou sa mitre, le préposé à l'encensoir qui le balançait consciencieusement derrière son auguste postérieur, tout conférait à la scène l'atmosphère poussiéreuse des monastères d'antan, remplis de moines autant obscurs qu'ignorants dont la spiritualité n'était qu'une suite de rituels ridicules et idiots.

La cérémonie s'est achevée par la bénédiction du portrait de la reine qui fit un peu tousser l'assistance âgée tant la diffusion d'encens fut généreuse. On aura noté la présence de deux invités d'honneur dont l'un, Jean-Paul Chayrigues, affalé dans le regret d'une célébrité incomprise, aime à se faire désigner comme Son Excellence le Marquis d'Olmetta, Chancelier de l'Eglise catholique Gallicane. Quant à l'autre, c'est certain, du sang bleu coule dans ses veines. Et tout cela sous les regards des statues de Padre Pio et Sainte Rita, encadrée par deux drapeaux tricolores.

Mais l'église Sainte Rita n'offre pas seulement asile aux royalistes désuets, elle se mue aussi en arche de Noé une fois l'an. Le 2 novembre 2003, au nom de la "solennité de Saint François d'Assise, l'ami des animaux", Mgr Dominique Philippe procèdera à une messe célébrée en latin, toujours selon le rite de Saint Pie V, pour les fidèles et leurs animaux. À l'issue de la célébration, les bêtes recevront une bénédiction qui vaudra certainement son pesant de fourrage.


16 octobre 2003


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