Essoufflement des manifestations islamistes
Le miracle n'a pas eu lieu. Malgré les appels de José Bové et Tariq Ramadan, les musulmans n'ont pas pu rassembler plus de 2000 manifestants à Paris le samedi 14 février 2004 dans le défilé qui les a menés de la place de la République à la place de la Nation. Un échec supplémentaire pour les opposants à la loi contre les signes religieux à l'école. Après les fiascos précédents du 4 février (devant l'Assemblée nationale) et du 7 février (contre l'islamophobie), les fous d'Allah se sont eux-mêmes infligés une leçon nécessaire. La mobilisation de masse n'est pas un art à la portée des néophytes, le Coran étant muet sur les mouvements pacifiques de contestation. Mais, cette fois, maigre consolation, les musulmans n'ont pas été seuls dans leur traversée du désert, quelques égarés d'extrême gauche les ont rejoints dans une alliance trouble.
À l'appel du collectif "Une école pour tous-tes, contre les lois d'exclusion", le bitume parisien a supporté les pas des barbus et des femmes voilées désormais classiques, mais aussi de la Ligue Communiste Révolutionnaire, la Jeunesse Communiste Révolutionnaire, la Ligue Trotskyste de France, la Jeunesse Spartaciste et d'autres. Très visibles dans le cortège avec force banderoles et autocollants, les militants d'extrême gauche, en quête d'un nouveau prolétariat bigot et conservateur, demeuraient pourtant peu nombreux et accueillaient donc avec joie la compagnie de quelques femmes voilées s'égosillant sous les bannières rouges. Étonnante collusion entre les héritiers de l'"opium du peuple" et le fanatisme religieux. Certains révolutionnaires doublés d'un talent d'exégète parvenaient même à renverser la fameuse formule de Marx. Les religions offrent l'immense avantage que tout et son contraire peut être dit en leur nom.
Le Mouvement Immigration et Banlieue, quelques membres des Verts et du MRAP arborant fièrement leur appartenance, ainsi que le Collectif des citoyens musulmans de Strasbourg, étaient aussi de la fête. La groupusculaire, et omniprésente, Union Française pour la Cohésion Nationale de Mustapha Lounes distribuait aussi ses tracts par l'entremise d'un militant barbu avec calotte et longue tunique blanche...
Mais l'affirmation du caractère collectif et unitaire de la manifestation a bien vite cédé la place à une réalité moins œcuménique : l'immense majorité des manifestants étaient des fondamentalistes pour qui le port de la barbe et du voile carcéral est la divine marque d'une spiritualité élevée. À ce titre, c'est dans les tréfonds de la psychologie que doivent être recherchées les raisons, ou les peurs, qui incitaient telle jeune femme à maintenir systématiquement, avec sa main, une partie de son hidjab devant sa bouche ou telle autre à masquer la moitié inférieure de son visage par un voile bleu-blanc-rouge. Coquetterie, spiritualité, névrose ? De leur côté, les militants communistes ont-ils rencontré, à moins qu'ils ne les aient évitées, ces deux jeunes (?) femmes (?) complètement voilées ? Complètement. La phobie du corps intimée par l'islam exhorte à la plus oppressive des tenues vestimentaires pour laquelle la burka afghane devient synonyme de début d'émancipation : ces deux fantômes vivants ne montraient pas même un centimètre carré de leur peau, les yeux étant recouverts par un voile léger d'un noir toujours aussi terrifiant. À-t-on le droit de s'emmurer vivante pour plaire à un dieu imaginaire ? Ce fut aussi la vision glaciale d'une autre démente entièrement couverte du drapeau tricolore, probablement la même personne que celle remarquée devant l'Assemble Nationale et lors de la manifestation contre l'"islamophobie". Là encore, pas un morceau de peau ne paraissait aux yeux du monde. À quoi il faut ajouter que, malgré cette dissimulation absolue, le spectre veillait à plaquer son visage derrière une pancarte qui exprimait assez fidèlement les amalgames odieux des manifestants : "1941 : instauration de la loi NAZIE, 2004 : instauration de la loi STASI". Les laïques sont des nazis et les musulmans défilant ce jour-là des artisans de la paix universelle, c'est bien connu. De même, on pouvait lire ailleurs : "Pas de loi raciste". Et quoi de mieux qu'une grève de la faim pour convaincre de la perversité des laïques ? Deux jeunes filles en ont décidé ainsi le 4 février et ont défilé en fauteuil roulant, escortées par l'inévitable Ginette Skandrani (Les Verts).
Dans la poursuite de leur stratégie de détournement de l'histoire, les manifestants n'ont pas hésité à récupérer le drame de l'extermination des juifs par un calembour à la mesure de leur pauvreté intellectuelle : "La rafle du voile d'hiv", porté par une adolescente pour qui le voile, on n'en doute pas, c'est son choix, surtout pour faire comme les copines. L'humour musulman est confirmé par une blague éculée où la parole est donnée à la Liberté qui s'écrie : "Stasi m'a tuer".
La manifestation se voulant unitaire, républicaine, moderne, etc., les slogans scandés au micro ont tenté, sans succès, de dévergonder une assistance puritaine. Le classique "Chirac, si tu savais, ta loi où on se la met, au cul, au cul, aucune hésitation" a laissé de glace les femmes voilées aux yeux maquillés. Les injonctions à se trémousser sur la musique de Zebda n'ont pas eu plus de succès auprès des barbus et des gamines en hidjabs, l'émancipation par la musique (activité bien peu islamique) étant limitée aux deux premiers rangs du cortège. Quant à la Ligue Trotskyste de France, elle demeurait bien seule à réclamer la liberté de l'avortement et de la contraception, nul fanatique n'a joint sa voix à ces maigres clameurs. Par sa présence aux côtés des fascistes, l'extrême gauche, sur une autre planète, montre son incapacité à observer la Terre avec la clairvoyance voulue. Cinq sikhs, des hommes surmontés de turbans colorés, ont apporté leur pierre à la manifestation, non pour lapider les impies mais pour témoigner de leur solidarité dans la phobie capillaire qui rassemble les fanatiques religieux du monde entier. Ils ont été admis à défiler dans le carré de tête, une sélection des meilleures militantes bien encadrées par le service d'ordre. Un mot d'ordre tel que "Non à l'exclusion, liberté à toutes les religions" est effectivement de nature à satisfaire les prétentions de toutes les superstitions institutionnalisées. Mais il permet aussi de lâcher les fauves, gare aux infidèles !
Si, ce samedi, tout le monde s'affirmait laïque et républicain, les interprétations différaient cependant quant à la mise en pratique de la laïcité dans l'espace public. Vers 15h40, une vingtaine de jeunes barbus ont témoigné ostentatoirement de leur attachement à la loi de 1905 en sacrifiant à la prière de l'Asr sur le boulevard Richard Lenoir. Ces images habituellement réservées à Kaboul ou Téhéran sont désormais fréquentes sur le trajet des manifestations parisiennes. Paris, nouveau lieu saint de l'islam ? Comme l'évènement attire la prise de photographies, une jeune femme voilée réagit vivement contre l'intrus muni de sa chambre noire : "Vous savez, ça fait partie de la sphère privée". Espace privé, espace public, même confusion antilaïque intentionnelle chez les filles d'Allah.
Enfin, deux mois de manifestations islamistes auront permis cependant quelques sourires : si les slogans s'inscrivent peu à peu dans une routine ennuyeuse, les fautes d'orthographes offre une distraction agréable dans la grisaille des défilés hivernaux. Ainsi, l'enseignement public est devenu "publique" sur une grande banderole et l'injuste interdiction du foulard l'est devenue à plus d'un titre puisque "interdir le foulard est injuste".
16 février 2004
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