Une manifestation contre le machisme religieux
Pour le droit des femmes, la laïcité, l'égalité, la mixité
Paris 6 mars 2004
Ce fut l'aboutissement de plusieurs mois d'efforts : la manifestation parisienne pour les droits des femmes du 6 mars 2004 s'est inscrite avec éclat dans la défense de la laïcité et contre les oppressions religieuses à l'endroit de la condition féminine. Le prix de cette fermeté a été la scission nécessaire du cortège en deux parties. La première était conduite par le Collectif national pour les droits des femmes et la seconde répondait à l'appel de la Coordination Féministe et Laïque et Ni putes ni soumises. Environ 10000 personnes ont donc défilé de la place de la République à la place de la Nation pour dire non à une société qui n'en finit pas d'être dirigée par et pour des mâles, les femmes demeurant trop souvent réduites à des ventres en vertu de conservatismes religieux toujours machistes.
Pourtant, si tout le monde s'accordait à dénoncer avec la même rage les discriminations subies par les femmes (salaires, retraites, répartition des tâches ménagères, publicités sexistes), la question du voile islamiste n'est, de façon ahurissante, pas apparue avec la même urgence aux yeux de tous les mouvements présents. C'est ainsi avec stupeur que le CNDF a refusé de considérer comme une priorité les drames recensés par les membres de Ni putes ni soumises au motif que la cause féministe actuelle ne s'y résumerait pas. Si personne n'oserait en effet le prétendre, on ne peut toutefois pas considérer le fanatisme des certaines femmes voilées comme un phénomène marginal. Le CNDF, visiblement très gêné par la question, a parié sur la minimisation du problème. Un pari perdu au vu de la comparaison des deux cortèges.
La présence, en première ligne du CNDF, de personnalités de la politique telles que Dominique Voynet et Alain Krivine n'a pas été suffisante pour conférer au défilé l'énergie nécessaire à une défense porteuse et efficace des droits des femmes. Fidèle aux déclarations antilaïques de sa secrétaire générale, le Parti communiste suivait, trop content de ne pas côtoyer les partisans d'une loi contre les signes religieux à l'école. De même que la FSU, les Verts, le MRAP... Le Parti socialiste, ainsi que le Mouvement des Jeunes Socialistes, semblait par contre s'être trompé de cortège : favorable à une loi, sa place aurait plus logiquement été dans le second cortège.
Mais un des enjeux majeurs de la journée, la véritable inconnue de l'évènement, ce que le cortège craignait, dans son début, ou avait prédit, dans sa deuxième partie, fit l'effet d'une bombe : un groupe d'une vingtaine de femmes voilées s'était joint au CNDF ! Joint et accepté... Bien que reléguées en fin du premier cortège, les militantes aux voiles greffés sur leur cuir chevelu n'en étaient pas moins présentes et actives. Avançant derrière une banderole du "Collectif une école pour tous-tes, contre les lois d'exclusion", des femmes réduites à la conception sexiste de la pudeur musulmane, ont crié, hurlé désespérément que le voile peut être un signe d'émancipation. Et la burka est, à n'en pas douter, l'achèvement ultime de la soumission à "dieu". Les mêmes manifestantes, aux visages obstrués par de pieux torchons, ont été vues maintes fois au cours des diverses manifestations islamistes hallucinantes organisées depuis le 21 décembre 2003.
Après une séparation prophylactique de quelques mètres, la Coordination Féministe et Laïque et Ni putes ni soumises arrivaient enfin. Et quel choc ! Au premier défilé dépourvu d'unité et trop calme, au puritanisme des obsédées de la phobie capillaire, a succédé la fougue, le dynamisme, l'enthousiasme d'une population plus jeune, plus prête à crier sa révolte contre les souffrances, physiques comme morales, imposées aux femmes. Et pour cause : les membres de Ni putes ni soumises observent et vivent au plus près le drame des femmes subissant le machisme musulman. Le torchon islamiste qui, dans le début de la manifestation, n'était qu'un grief parmi d'autres, est ici le point d'orgue de la révolte. Les sonorisations de NPNS, de SOS Racisme et de la FIDL se déchaînent, les décibels pleuvent, les pancartes s'agitent, on bouge, on chante, la manifestation gagne en vigueur et indique où doit être puisée l'énergie pour que cessent la barbarie dénoncée par Ni putes ni soumises. La jeunesse prévient : "Touche pas à ma pote" ! L'implication des politiques est, là aussi, plus engagée, plus démonstrative : aux côtés de Fadela Amara se pressent Jack Lang, Arlette Laguiller, Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice et ancienne membre de la commission Stasi, ainsi que Georges Sarre, maire du 11ème arrondissement. Tous contre les discriminations et, surtout, tous contre ce voile infâme qui occulte les femmes derrières une "pudeur" castratrice. C'est l'UFAL, d'ailleurs, qui apporte la caution laïque et gratifie les timides comme les partisans de la main tendue de quelques vérités assurément peu appréciées du côté de la place Beauvau : "Latrèche, Le Pen, UOIF, tout ça c'est des racistes, tout ça c'est des sexistes, à bas, à bas, à bas tous les fascistes !" Ce que le premier cortège a préféré taire, dans une gêne au silence assourdissant, les laïques osent l'affirmer : le voile musulman est une honte et doit être combattu avec la plus grande fermeté. Tout en rappelant que la stratégie vaticane participe elle aussi d'un œcuménisme antiféministe : "Non à l'Europe chrétienne, oui à la laïcité".
La Coordination Féministe et Laïque et Ni putes ni soumises auront réussi un beau pari pour cette journée du 6 mars : convaincre que la défense des droits des femmes, de la mixité et de l'égalité fait cause commune avec le développement de la laïcité. Le message est passé, et bien passé, et l'avenir du féminisme est désormais assuré par un nouveau militantisme fait d'une population jeune et dynamique.
16 mars 2004
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