De la douleur de s'affirmer femme en rupture avec le machisme musulman




Selon certains hauts responsables de la Ligue des Droits de l'Homme, il serait très bienvenu de dialoguer avec l'islam politique (Libération 16 mai 2006) et l'interdiction des signes religieux à l'école constituerait une discrimination envers quelques jeunes musulmanes. Si la LDH est préoccupée par certaines situations qui ne relèvent en rien du racisme, d'autres, bien réelles et beaucoup plus répandues, ne semblent pas l'affecter à leur juste mesure : les insultes, l'oppression quotidienne subie par les femmes originaires d'Afrique du Nord, imposées par ceux-là qui sont censés appartenir à la même "communauté". Et quand l'islam vient légitimer les intimidations machistes, la LDH tourne pudiquement la tête pour, plutôt, exhiber quelques hidjabs contrariés par la résistance laïque au totalitarisme religieux (conférence de Nicole Savy à Paris le 23 octobre 2003).

La femme, on le sait depuis la Genèse, est vouée à être dominée par l'homme (Genèse 3, 16), hiérarchie confirmée par le Nouveau Testament (1 Cor 11, 3) et le Coran (sourate 4, verset 34). Ce schéma antique qui naquit dans le Jardin d'Eden connaît aujourd'hui une renaissance alarmante dans les cités HLM de banlieue, zones où la loi est celle du plus fort, du plus gueulard, du plus arrogant. L'espace y est transformé en territoires où des frontières invisibles pour les personnes qui y sont étrangères ne le sont pas pour les femmes africaines contraintes d'y vivre. Comment expliquer autrement que, par exemple, une femme rentrant chez elle soit contrainte, en été, de couvrir ses épaules avec un gilet pour ne pas donner un prétexte d'agression à des machos, ivres de rap et parfois de Coran, qui traînent en bas de son immeuble ? Le moindre centimètre carré de peau féminine est considéré comme une marque d'impudeur. Comment accepter que dans le domaine restreint délimité par le quartier, une femme divorcée, ou célibataire, soit considérée comme une débauchée car n'ayant pas un homme pour la "tenir" et être garant de sa respectabilité, c'est-à-dire imposer sa soumission totale à l'ordre patriarcal ? Car il est bien connu qu'une femme seule est une salope déchaînée se livrant à toutes les débauches, et pas une personne peut-être affligée par la solitude... Pire, comment supporter qu'une Algérienne ne puisse rentrer chez elle accompagnée par un français blanc sans que des machos racistes qui bavent, boivent et urinent sur le trottoir ne la considèrent comme une traîtresse à sa "race" ? Ces abrutis prétendant naturellement constituer, dans leur fange, des modèles de pureté. Sont-ils tous animés par le rigorisme islamique ? Pas sûr mais l'islam, en imprégnant les cités, les légitime dans leur misogynie délirante et leur haine de l'étranger, ici le français blanc, l'"occidental". L'appartenance à la tribu (déterminé aussi par l'enfermement patronymique) est une réalité et l'exogamie demeure une trahison de la famille, de la communauté, du sang. Le dénoncer serait du racisme ? Le problème ne disparaît pas en s'éloignant d'une HLM pour s'évader à Paris en espérant noyer ces stigmatisations dans la foule cosmopolite. Un comportement amoureux avec un français blanc pourra valoir à la contrevenante, au mieux, une remarque discrète, au pire des insultes en arabe. Eviter les baisers dans le quartier puritain de Barbès.

Où, alors, trouver un espace de paix et ne plus subir l'enfermement communautaire et religieux ? Contrairement à sa mission, l'école publique et laïque ne constitue pas un refuge sûr, trop de laxisme de l'Education Nationale a laissé les enseignants seuls face à de jeunes ignares déjà lobotomisés par le néant culturel dans lequel ils se vautrent. Dans certains établissements de banlieue, une enseignante nord africaine peut, paradoxalement, être salie de l'accusation de racisme, astuce classique pour discréditer toute remontrance envers des maghrébins. Ainsi, une enseignante de français en collège, dont le patronyme ne laisse aucun doute sur ses racines au sud de la Méditerranée, s'est-elle vue traitée de raciste pour avoir réprimandé des jeunes maghrébins qui, dès le début de l'année, pourrissaient la vie de la classe. A cela s'ajoutent de couardes dénonciations de la part de certains autres ayant découvert que cette enseignante, athée, ne pratique pas le ramadan. L'islam est un englobant et nul n'a autorité pour s'en défaire.

Nul refuge n'existe donc et la famille est souvent la première génératrice d'une situation étouffante, qu'elle demeure au pays d'origine ou qu'elle réside en France. Les frères ou beau-frères seront prompts à rappeler à une femme seule l'indécence de sa situation et les pires calomnies ne seront pas de trop pour faire plier l'insoumise. Est interdit à la femme ce que l'homme peut pratiquer en toute impunité, voire avec la fierté du mâle conquérant. Hypocrisie et dictature des apparences. L'existence d'accords binationaux avec le Maroc et l'Algérie est, à ce propos, une dramatique régression pour les droits des femmes, régression qu'on ne saurait qualifier de positive. La femme n'existe que dans sa soumission à l'homme à qui son aspiration à la liberté est insupportable.

S'affranchir de la tutelle patriarcale, décider seule de sa vie, affirmer son autonomie financière, condition première de sa libération, autant de sacrilèges qui conduisent à l'accusation d'occidentalisation alors que les accusateurs accourent précisément en Europe de l'Ouest pour y trouver travail et meilleures conditions de vie, pressés par la situation économique de pays d'origine qui ne sont rien moins que des dictatures ou des théocraties. La lucidité, et le courage, imposent de voir que ce machisme n'est pas réduit à quelques individus mais imprègne et dicte l'immobilisme de sociétés figées au point que les femmes, endoctrinées ou épuisées par trop de résistance, n'ont d'autre choix que de se soumettre. Les drames vécus sont, ici, l'échec d'un système insuffisamment laïque qui pèche par trop de timidité à imposer la stricte égalité entre les hommes et les femmes.


20 juin 2006


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