Il n'a pas fallu attendre D'Holbach, Voltaire ou L'Assiette au Beurre pour se gausser de la crédulité des chrétiens. Dès le deuxième siècle, des auteurs ont observé leur propension à gober n'importe quoi pourvu que l'orateur fut habile et, donc, leur aptitude à se faire manipuler.
Pour C, dont son texte Contre les chrétiens (ou Discours Véritable, probablement écrit entre 160 et 180) est connu par la réfutation qu'en fit Origène, " il [Jésus] a rassemblé autour de lui, sans choix, un ramas de gens simples, perdus de mœurs et grossiers, qui constituent la clientèle ordinaire des charlatans et des imposteurs. "
Un constat identique est dressé par Lucien de Samosate (125 - 192). Les chrétiens ne sont que des enfants; aisément impressionnables, ils sont prompts à reconnaître quiconque particulièrement habile comme un prophète, un guide; ils se mettent à son service sans discernement, dépensent sans compter, et un imposteur adroit peut, sans peine, s'enrichir à leurs dépens. Ce texte peu connu est disponible sur Gallica, le site de la BNF : Lucien de Samosate, Œuvres complètes, Sur la mort de Pérégrinus (Tome II, LXVIII, 11-13, pages 384 à 397), traduction d'Eugène Talbot, Paris, 1912. Les propos les plus vifs sur les chrétiens apparaissent à la page 387 (Protée est un autre nom de Pérégrinus) :
11. « Ce fut vers cette époque qu'il se fit instruire dans l'admirable religion des Chrétiens, en s'affiliant en Palestine avec
quelques-uns de leurs prêtres et de leurs scribes. Que vous
dirai-je ? Cet homme leur fit bientôt voir qu'ils n'étaient que des
enfants; tour à tour prophète, thiasarque(*), chef d'assemblée, il
fut tout à lui seul, interprétant leurs livres, les expliquant, en
composant de son propre fonds. Aussi nombre de gens le regardèrent-
ils comme un dieu, un législateur, un pontife, égal à celui
qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir
introduit ce nouveau culte parmi les hommes.
12. « Protée ayant donc été arrêté par ce motif, fut jeté en
prison. Mais cette persécution lui procura pour le reste de sa vie
une grande autorité, et lui valut le bruit d'opérer des miracles
et d'aimer la gloire, opinion qui flattait sa vanité. Du moment
qu'il fut dans les fers, les Chrétiens, se regardant comme frappés
en lui, mirent tout en œuvre pour l'enlever; mais ne pouvant y
parvenir, ils lui rendirent au moins toutes sortes d'offices avec
un zèle et un empressement infatigables. Dès le matin, on voyait
rangés autour de la prison une foule de vieilles femmes, de
veuves et d'orphelins. Les principaux chefs de la secte passaient
la nuit auprès de lui, après avoir corrompu les geôliers ils se
faisaient apporter toutes sortes de mets, lisaient leurs livres
saints et le vertueux Pérégrinus, il se nommait encore ainsi,
était appelé par eux le nouveau Socrate.
13. «Ce n'est pas tout; plusieurs villes d'Asie lui envoyèrent
des députés au nom des Chrétiens, pour lui servir d'appuis,
d'avocats et de consolateurs. On ne saurait croire leur empressement
en de pareilles occurrences pour tout dire, en un mot,
rien ne leur coûte. Aussi Pérégrinus, sous le prétexte de sa
prison, vit-il arriver de bonnes sommes d'argent et se fit-il un
gros revenu. Ces malheureux se figurent qu'ils sont immortels
et qu'ils vivront éternellement. En conséquence, ils méprisent
les supplices et se livrent volontairement à la mort. Leur premier
législateur leur a encore persuadé qu'ils sont tous frères.
Dès qu'ils ont une fois changé de culte, ils renoncent aux dieux
des Grecs, et adorent le sophiste crucifié dont ils suivent les lois.
Ils méprisent également tous les biens et les mettent en commun,
sur la foi complète qu'ils ont en ses paroles. En sorte que
s'il vient à se présenter parmi eux un imposteur, un fourbe
adroit, il n'a pas de peine à s'enrichir fort vite, en riant sous
cape de leur simplicité.
(*) : commandant de confrérie
31 mars 2010
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