Les religions contre les femmes : une statue au Louvre




Le Louvre a été édifié à l'emplacement d'un premier château datant de la fin du 12e siècle dont quelques restes apparaissent actuellement dans les niveaux inférieurs du musée. Son donjon constituait l'extrémité la plus à l'ouest de la muraille élevée sur les ordres de Philippe Auguste, de 1190 à 1210. Charles V prendra lui aussi le Louvre comme point de jonction avec la Seine pour le rempart qu'il fera construire au 14e siècle. Une portion du mur d'escarpe de ce dernier est encore visible au niveau de la galerie commerciale du Carrousel. Mais Paris s'étend et ces fortifications deviennent caduques. On les détruit ou on les utilise pour y adosser des habitations, et certains fossés deviennent des rues qui en conservent parfois le souvenir dans leur dénomination. On construit alors en dehors de l'enceinte.


La Religion, couverte d'un voile
La zone des Tuileries qui jouxte le Louvre a été dotée d'un château par une décision de Catherine de Medicis. Après son incendie pendant la Commune, l'édifice est finalement détruit en 1883 pour laisser la place au parc actuel, mais quelques statues (réalisées entre 1666 et 1668) sont exposées dans la partie non payante du musée, face à la muraille de Charles V. Adossées à un mur qui les sépare d'un parking souterrain dans un contraste imprévu (la pierre contre la carrosserie automobile, l'illumination douce qui caresse les murs hauts contre l'éclairage plat des parkings souterrains aux plafonds bas), six allégories féminines évoquent diverses vertus ou valeurs. La Prudence est assise, la Valeur est incarnée par Pallas, de la Justice n'est conservée que la tête, le Conseil est doté d'un livre, et la Sincérité est accompagnée d'un oiseau. La sixième, la Religion, présente une figure fidèle à celle délivrée par les doctrines monothéistes de soumission des femmes : alors que la Prudence, la Justice et la Sincérité sont tête nue et que la Valeur est couverte d'un casque protecteur, la Religion a la tête couverte d'un voile dissimulateur.

Choisie pour évoquer la religion, la femme pécheresse, la femme tentatrice, la femme à dissimuler, la femme à nier dans son identité propre, la femme pieuse et soumise, était donc exhibée au fronton de l'ancien château des Tuileries avec ce voile coercitif. Qu'il s'agisse des représentations féminines dans les églises catholiques ou de la littérature islamique dans laquelle le hidjab passe pour une marque de piété, la femme n'existe que par son acceptation de son propre effacement.


De gauche à droite : le Conseil (Thibault Poissant), la Valeur (Thibault Poissant), la Prudence (Thibault Poissant), la Religion (Philippe De Buyster), la Sincérité (attribuée à Louis Lerambert), la Justice (Michel De La Perdrix).



11 mars 2007


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