Que le pape porte seul sa croix ne saurait gêner quiconque. Par contre, il est inadmissible que Jacques Chirac soit à ses côtés pour le qualifier d'"homme de paix" (les bosniaques violées et interdites d'avortement et les victimes du génocide rwandais apprécieront) et estimer, dans une cécité pathologique, que le dernier dictateur d'Europe a pour idéal "une humanité unie autour des valeurs universelles". Le Vatican se moque des "valeurs universelles" sur lesquelles sont fondées la démocratie, la liberté d'expression, les droits humains et l'égalité entre hommes et femmes, pour leur préférer le dogmatisme mystique. Le président de la République aurait été bien inspiré de s'en souvenir au lieu d'imaginer dans le pape un artisan du respect de la diversité des cultures (le colonialisme chrétien a détruit d'innombrables cultures indigènes pour les soumettre à la croix). Après que Jacques Chirac se soit quelque peu égaré dans ses louanges, le pape n'a pas manqué de pratiquer une récupération adroite de la devise républicaine. C'est sans se mordre la langue qu'il a présenté l'Eglise catholique comme un facteur de liberté (la liberté imposée de croire en un seul dieu), d'égalité (même pour les femmes ?) et de fraternité (les croyants sont en fait tous relégués au rang de serviteurs pour œuvrer à la gloire de l'Eglise). Il est remarquable que c'est toujours avec un retard de plusieurs siècles que l'Eglise revendique la paternité des progrès de l'humanité acquis contre sa volonté... Mais le plus agressif des discours papaux a été prononcé lors de l'homélie du dimanche matin. Karol Wojtyla a souligné "la mission particulière qui revient à la femme, à notre époque tentée par le matérialisme et par la sécularisation" : la femme se voit donc confiée la charge de combattre le progrès. L'opposant fanatique à l'avortement et à l'euthanasie n'a pas manqué de ressasser son rejet catégorique de toute forme de contrôle des naissances par un appel afin "que la vie, toute vie, soit respectée depuis la conception jusqu'à son terme naturel". Le pape ne dévie pas d'un pouce de la ligne oppressive de la secte catholique. Culpabiliser les plaisirs et obliger à une procréation très chrétienne, tel est le leitmotiv d'une organisation qui soutient les commandos anti-avortement. Le voyage à Lourdes a été présenté comme un simple pèlerinage privé, comprendre une petit escapade modeste en Bigorre. La réalité est plus édifiante : une véritable bulle de 20 kilomètres a été constituée par l'armée française afin de prévenir toute intrusion dans l'espace aérien et des missiles crotales veillent au grain. Jean Paul II délaisse la protection divine, qui normalement devrait suffire, pour lui préférer un missile à nom de serpent... Y'aura-t-il aussi des pommes au menu ? De plus, 3200 gendarmes et policiers ont été mobilisés pour protéger ce monument lucratif de la crédulité humaine. Comme tout est bon pour combattre la laïcité, à la veille du pèlerinage, le cardinal Ratzinger, éminence grise du Vatican, n'a pas hésité à accuser le "laïcisme acharné" d'être responsable du fondamentalisme religieux (Le Figaro 13 août 2004) ! Il a ainsi presque excusé le fascisme musulman poseur de bombes qui ne serait qu'une réaction logique à ces laïques responsables de "la perte du sens du surnaturel". Ratzinger et Al Qaeda, même combat. Et Ratzinger, qui n'en est pas à une tromperie près, ose, comme de nombreux musulmans, en appeler à la raison pour le renouveau de la religion, sa religion naturellement. Le Vatican ne sait plus quelle insulte et quel retournement des valeurs inventer pour renflouer un bateau qui prend l'eau de toutes parts en Europe. La fermeture d'un monastère autrichien spécialisé dans la pédophilie est un exemple récent de la perversité d'une institution que son dieu a privé de miracle depuis des lustres. 16 août 2004 | ||||||||
|