Jean-Paul II à Lourdes, un voyage privé dont il ne paiera rien





Charlie Hebdo 11 août 2004
La machine à canoniser débarque à Lourdes le 14 août. Le pape Jean-Paul II sera accueilli par Jacques Chirac lui-même à Tarbes et la République paraît-il laïque le gratifiera d'attentions bienveillantes. Tout d'abord, du fait des nombreux troubles à l'ordre public entraînés par la venue du dernier dictateur d'Europe, 2700 gendarmes et policiers seront présents sur les lieux. En matière de sécurité, le Vatican n'aide en rien à l'organisation : les rares gardes suisses n'assureront que la décoration. Le Vatican manifeste la même distance en ce qui concerne le coût de l'évènement (1 500 000 euros) puisque cela est entièrement à la charge aux organisateurs, la Conférence des Evêques de France. On attend avec impatience le bilan financier de l'opération afin de vérifier que pas une mairie, pas un conseil général ni régional, pas un ministère n'aura versé un centime pour éponger les dettes que ne manquera pas de connaître l'épiscopat... L'Eglise conseille un don de 10 euros (forme moderne des indulgences ?) à tous ceux qui se rendront sur place, c'est-à-dire qu'il incombera aux visiteurs de payer le déplacement du pape. La SNCF ne sera pas en reste puisqu'elle mettra en place des trains pour convoyer les fidèles de Pau et Tarbes à Lourdes. Enfin, France 2, chaîne de télévision publique qui propose des émissions religieuses chaque dimanche matin, assurera la retransmission mondiale des images. Inutile cependant de scruter les écrans de télévision en quête de l'apparition miraculeuse d'un des membres du panthéon chrétien devant la foule des croyants : ceux-ci ne se manifestent qu'à de rares élus, des très jeunes filles de préférence, issues de milieux peu instruits et rapidement éloignées des questions des sceptiques en étant enfermées dans des couvents (Bernadette Soubirous pour Lourdes, les enfants de Fatima au Portugal, Thérèse de Lisieux, Catherine Labouré pour la rue du Bac à Paris).

Les citoyens seront une fois de plus mis à contribution pour acquitter la dîme papale, de façon directe ou indirecte, mais ils pourront se consoler en voyant que l'argent de l'Etat n'est pas dépensé en vain : aux côtés de l'époux de la pieuse Bernadette, le ministre de l'Intérieur Dominique de Villepin et celui de la Santé, et ancien maire de Lourdes, Philippe Douste-Blazy, feront le déplacement en Bigorre. Le médecin Douste-Blazy a-t-il pensé à demander l'installation d'un brumisateur dans la papamobile et à proximité de la grotte ? Cette précaution pourrait éviter au pape d'avoir à prier pour la venue de la pluie comme il l'avait fait, sans succès, l'an dernier...

Bien que les guérisons incomprises et dénommées miraculeuses brillent surtout par leur rareté (66 en 146 ans alors que le nombre de visiteurs annuel est actuellement de 6 millions !), des non-catholiques se rendent quand même à Lourdes : des musulmans et des hindous assurent qu'ils en retirent des bienfaits. On imagine sans peine les douloureuses conséquences théologiques d'une foi qui n'exigerait plus qu'on la partage pour bénéficier de ses faveurs spéciales. Mais de cela il ne sera pas question entre JC et JP2, ni du récent document du Vatican sur la place des femmes dans la société. Il s'agit d'un pèlerinage privé et on n'y parlera pas des questions qui fâchent. L'ordre du jour se limitera au dogme ahurissant de l'Immaculée Conception, qui n'avait d'ailleurs pas été proclamé sans remous il y a 150 ans puisque trois ans après l'archevêque de Paris avait été assassiné par un prêtre qui lui était opposé. Et c'est l'année suivante, en 1858, que les hallucinations de Bernadette Soubirous ont vite fait oublier la querelle devant la manne annoncée de pèlerinages très rémunérateurs.


6 août 2004


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