Chirac et le pape à Lourdes : deux hommes faits pour s'entendre




Jacques et Karol sont décidément faits pour s'entendre. Le premier à rendu visite au second en 1996 qui lui a rendu la politesse la même année en usant de l'anniversaire approximatif du baptême du barbare Clovis. Cette fois, ils se rencontreront les 14 et 15 août 2004 à Lourdes grâce à un autre stratagème inventé par la clique au pouvoir tant au Vatican qu'à la Conférence des Evêques de France : le 150e anniversaire de la promulgation par Pie IX du dogme de l'Immaculée Conception. Croyance idiote venue des profondeurs de l'obscurantisme catholique, l'Immaculée Conception de la Vierge Marie affirme que celle-ci est née exempte de toute souillure originelle. C'est heureux car, sinon, comment le fondateur mythique du christianisme aurait-il pu être engendré par un être sali par la légende biblique de la pomme ?

150 ans après que Pie IX ait mis le monde chrétien, ou plus exactement catholique, d'accord sur cette question vitale, le président d'une République qui se dit laïque et le chef autoritaire d'un ordre religieux dont l'histoire s'écrit en lettres de sang vont s'entretenir sur la naissance de la Vierge Marie dans la pieuse ville de Lourdes. JP2 connaît bien le chemin : il y est déjà venu en 1983 et avait été accueilli à Pau par François Mitterand. Gageons que le chanoine intronisé en la basilique Saint Jean de Latran n'ennuiera pas son hôte avec son discours du 17 décembre 2003 où il crût bon d'invoquer la laïcité au sujet de l'interdiction des signes religieux à l'école. Chirac est attaché à la laïcité comme l'Eglise à la démocratie : on la réquisitionne quand elle sert ses intérêts personnels mais on l'oublie adroitement quand elle pourrait gêner sa propre avidité de pouvoir.


Charlie Hebdo 11 août 2004
Mais la rencontre entre l'époux de la dévote Bernadette et le gourou de Rome sera aussi l'occasion implicite de rappeler que la béatification de Pie IX, en septembre 2000, ne fut pas un accident de parcours mais bien l'essence du pontificat de Jean Paul II. Pie IX, antisémite et antimoderniste notoire, est l'inventeur rusé de l'infaillibilité pontificale, un piédestal sur lequel le Président de la République aimerait tant se réfugier, loin des regards des juges qui n'attendent que la chute de la statue du commandeur pour lui demander des comptes. Pie IX, c'est aussi la même passion pour le social que Jean-Pierre Raffarin, le même abus de pouvoir pour, en toute impunité, pratiquer le rapt comme politique sociale (faire le bien des gens contre leur gré, mansuétude typique du paternalisme chrétien) : rapt d'un enfant juif en 1858 dans le premier cas et rapt des votes de l'électorat de gauche le 21 avril 2002 dans le second. De plus, nul doute qu'à l'UMP l'idée que, par son immaculée conception, la Vierge Marie fut lavée des erreurs passées, fait rêver tous ceux qui furent éclaboussés de près, de très près, voire complètement submergés par la condamnation d'Alain Juppé. L'immaculée conception n'est que la forme ésotérique de l'amnistie parlementaire des péchés antérieurs.

Au-delà des convergences entre l'ami Karol et son lointain prédécesseur Pie IX, les messes basses entre l'opportuniste Chirac et son compère polonais seront la quête, plus intéressée que spirituelle, d'une assistance en ce bas monde contre les rigueurs de la justice humaine. Comme l'au-delà est moins que sûr, mieux vaut s'assurer de soutiens ici-bas. Et, parmi les pieux amis de Chirac, Charles Pasqua n'est pas le dernier pour qui une intervention divine viendrait fort à propos pour le préserver de la curiosité des tribunaux... Avec sa défaite aux élections européennes, Pasqua a désormais définitivement perdu toutes ses défenses immunitaires. A n'en pas douter, "dieu" sera fort sollicité par la cohorte gouvernementale qui défilera devant la grotte de Massabielle à Lourdes.

Quant à Bernadette Chirac, c'est avec une émotion non feinte, teintée d'une pieuse mortification, qu'elle veillera à recouvrir sa tête de cette ravissante mantille qu'elle arborait au Vatican pour la béatification de mère Teresa en octobre 2003, en compagnie de son porte cierge Jean-Pierre Raffarin. La première dame de France a aussi la délicatesse de partager le même prénom que la jeune démente, âgée de 14 ans, dont les hallucinations avaient provoqué l'arnaque lourdaise en 1858, une tromperie fort rémunératrice. Bernadette Soubirous est naturellement devenue une sainte femme après sa crise superstitieuse et elle finira dans un couvent de Nevers, sagement mise à l'écart. Il est d'ailleurs inutile de compter sur le médecin Douste-Blazy, ministre de la Santé, pour rappeler que les miracles se font de plus en plus rares à Lourdes et que la foi délirante de certains malades, teintée souvent de masochisme, relève principalement de la psychiatrie. Et pour cause : Philippe Douste-Blazy a été maire de Lourdes.


6 août 2004


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