Une lettre de Younus Shaikh

Une lettre de Younus Shaikh





Extraits de la lettre adressée par Younus Shaikh à Babu Gogineni, directeur de l'Union Humaniste et Ethique Internationale. La lettre a été écrite en novembre 2001.



J'espère que cette lettre va vous trouver en bonne santé. Je vais bien et j'essaie de rester en forme. Evidemment, la tragédie du 11 septembre aux Etats Unis amena beaucoup de douleur pour la perte de vies américaines précieuses. En vérité, ce fut une grande perte pour l'humanité et la civilisation. La barbarie religieuse a frappé un grand coup et a réveillé le monde par les horreurs des croyances et pratiques religieuses dogmatiques; en même temps que fut rappelée la nécessité de l'humanisme, de la liberté et de la laïcité. J'ai écrit une lettre à l'ambassade des Etats Unis ici et envoyé un courrier au Prof. Paul Kurtz et à American Humanists.

Comme vous vous en souvenez probablement, mon article "Deeni Madrassa et l'arrivée des Taliban" présenté au Congrès de l'IHEU à Mumbai traitait de ce sujet. En vérité, la globalisation a exposé les sociétés les plus développées à la barbarie religieuse de sociétés plus arriérées. Et ici apparaît la question cruciale du soutien à accorder aux acteurs de la liberté dans le tiers monde, qu'il s'agisse de personnes, d'associations ou de gouvernements. De simples slogans démocratiques ne sont pas suffisants. La globalisation de l'Humanisme, de la Liberté et de la Laïcité est nécessaire non seulement pour le bien-être des pays du tiers monde mais aussi pour la défense "spirituelle" et physique du monde développé et civilisé.

Mon procès
Maintenant à propos de moi-même: le 18 août 2001 la peine de mort fut prononcée contre moi, bien que l'affaire ne le méritait pas.

1) Le 1er octobre 2000 j'ai participé à une réunion de l'Union d'Asie du Sud où s'est exprimé un militaire de l'ISI (Inter Services Intelligence) Brig. Shaukat Qadir qui s'occupe aussi d'une association politico religieuse du Jamait - I - Islami. J'ai posé quelques questions sur la paix en Asie du Sud et au Cachemire qui l'ont offensé et qui m'ont valu des menaces de sa part. Il y avait dans la salle des personnes du service des Affaires Etrangères et des journalistes.

2) En moins de 48 heures, un employé du service des Affaires Etrangères pakistanais, qui assistait aussi aux cours que je donne le matin à l'université de médecine, prépara une demande contre moi prétendant que des remarques blasphématrices avaient été prononcées en cours. Il la donna à un religieux qui, apportant des améliorations à la plainte, m'accusa au sujet de ce cours donné le 2 octobre 2000 à la classe d'étudiants masculins de 2ème année et la plainte fut enregistrée à la police.

- La Cour a écarté la plainte du religieux comme déposée par ouï-dire.

- Il s'avéra que l'étudiant qui avait écrit la demande était absent de l'université le jour de l'incident, sa preuve fut donc écartée.

- Deux autres étudiants témoignèrent qu'ils avaient entendu les remarques blasphématrices alléguées le 2 octobre 2000 à 12h15 dans un cours qui dura de 12h à 12h45.

- Dans ma déclaration, j'ai informé la Cour que le 2 octobre 2000 je n'ai pas donné de cours de 12h à 12h45 et qu'il n'y a donc pas eu d'incident causé par des remarques blasphématrices à 12h15. Pour le prouver j'ai présenté l'emploi du temps de l'université à la Cour, ce qui confirma que mes horaires ont été limités de 9h30 à 12h.

- En conséquence, l'incident n'a pas eu lieu et aucune preuve ne peut être donnée en faveur des phrases supposées être blasphématrices.

- Pendant le procès les étudiants du religieux ayant déposé la plainte Deeni Madrassa manifestèrent contre moi vêtus à la manière des Taliban. Mes avocats ont été menacés de telle sorte que la Cour dû être transférée à la prison centrale de Rawalpindi.

- La Cour m'a condamné à la peine capitale malgré des témoignages sans aucune solidité et incohérents contre moi, et malgré des preuves documentées en ma faveur, contre lesquels notre appel a été lancé.

- Les gens ont, ici, désigné ce recours à la loi 295/C contre le blasphème du code pénal pakistanais comme du terrorisme religieux avec l'assentiment de la loi.

Grâce à des amis comme vous je tiens bon et j'attends la décision consécutive à mon appel. Je suis aussi reconnaissant à l'IHEU, à Amnesty International et à d'autres particuliers ou associations pour leur soutien.

Comme l'indiquent les informations locales, les forces américaines et alliées ont délivré la majeure partie de l'Afghanistan des fers du terrorisme religieux des Taliban. Cela a eu une grande influence sur l'administration d'Islamabad, des espoirs apparaissent donc pour une libéralisation de la société.

Mes convictions humanistes sont inaltérables. Et je suis très reconnaissant envers la grande famille des humanistes du monde entier pour sa sympathie et son soutien.

Mes meilleurs sentiments à tous les humanistes, individuellement et collectivement.

Sincèrement vôtre pour l'humanisme.



Dr. M. Younas Shaikh

Cellule des condamnés à mort



21 février 2002


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