Pie IX et l'enfant juif
David Kertzer
Perrin 2001
L'antisémitisme chrétien n'est pas un mythe et il ne s'est pas limité à des jugements dépréciatifs sur les juifs ou la jouissance de droits inférieurs, la discrimination au logement, à l'emploi. Le Vatican n'a pas hésité à agir à leur égard comme la secte qu'il a toujours été en pratiquant le rapt d'enfant : au prétexte qu'un enfant juif a été, à son insu et à l'insu de sa famille, baptisé par un catholique, la peste vaticane a plusieurs fois procédé à l'enlèvement d'enfants juifs par la police.
Le rapt du petit Edgardo Mortara à Bologne en 1858 ne fut ni le premier, ni le dernier. Âgé d'environ un an, l'enfant avait été baptisé par une domestique catholique de la famille au motif de le guérir d'une maladie. Cinq années plus tard, apprenant cela, l'Inquisition ordonne son enlèvement et le cloître dans la Maison des Catéchumènes de Rome, machine à convertir de force. Car, en effet, l'Inquisition existait toujours en plein 19e siècle en Italie... Ignoble déchirement familial, cet évènement va mobiliser l'Europe entière, en opposant les juifs et les défenseurs des idées modernes à la pieuvre catholique, toujours prête à détruire les liens parentaux pour son propre bénéfice. Malgré leurs innombrables demandes et déplacements auprès des autorités tant religieuses que civiles, les parents d'Edgardo ne pourront jamais récupérer leur fils. Pire, Edgardo, placé sous la protection directe de Pie IX, devient prêtre, renie entièrement le judaïsme et se répand en louanges sur le pape pour l'avoir "sauvé". Il ira même jusqu'à tenter de convertir sa mère. La manipulation mentale de l'enfant a fonctionné parfaitement, l'Eglise étant experte en ce domaine infâme. Edgardo finit sa vie dans un couvent belge en 1940.
L'ouvrage très documenté de David Kertzer dresse avec minutie le déroulement des faits, décrit la douleur de la famille en même tant que la terrible impassibilité du pape et de sa clique de cardinaux, d'archevêques et de prêtres antisémites. L'auteur sait, en outre, expliquer le déroulement de l'affaire Mortara à la lueur de l'évolution politique agitée que connaissait l'Italie sur fond d'unification du pays et de perte des Etats pontificaux.
21 juillet 2004
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