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A Saint Nicolas du Chardonnet, une messe pour l'OAS et les nostalgiques de l'Algérie française
Notre Dame d'Afrique
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Le 26 mars 1962, une manifestation organisée à Alger par l'Organisation armée secrète (OAS) se termine par un massacre dans la rue d'Isly avec quarante six morts. Chaque année, l'extrême droite catholique célèbre l'évènement par une messe de requiem en l'église Saint Nicolas du Chardonnet à Paris, temple de la superstition et du fanatisme qui donne asile à la haine du progrès, des Lumières, de l'avortement, de l'indépendance des anciennes colonies, de la laïcité, etc. Ici point de prêtre âgé ou souffreteux comme dans l'immense majorité des paroisses; les curés sont jeunes, cheveux très courts et déterminés à ramener les brebis égarés dans le droit chemin d'un christianisme viril... La cérémonie du 24 mars 2006 a été suivie par une assistance nombreuse et a débuté par le placement d'une douzaine de drapeaux français sur l'autel, portés par des anciens combattants, dont deux femmes, arborant médailles, calots et bérets. Un livret édité par l'Association des Familles des Victimes du 26 mars 1962 et de leurs alliés indiquait la liste des victimes de la rue d'Isly et le déroulement exact de la messe avec les soporifiques prières chantées en latin (Kyrie eleison, Dies irae, etc.). En outre, la statue de Notre Dame d'Afrique trônait sur l'autel, une vierge noire symbole des ardeurs évangélisatrices qui ont acculturé l'Afrique depuis que les Pères blancs y ont répandu leurs vices.
La messe à Saint Nicolas du Chardonnet n'étant pas dite selon les procédures mises en place par Vatican II, l'essentiel est en latin et le curé est de dos à l'assistance. Mais le prêche politique donné en français sur le thème du jour est prononcé depuis une chaire latérale, signe de l'importance de la déclamation. Les nostalgiques de la colonisation ont été comblés. Mais avant le souvenir du temps où la métropole régnait de l'autre côté de la Méditerranée, le curé a précisé, avec fermeté, les conditions d'admission à la communion. L'hostie doit être reçue à genoux et sur la langue, et pas donnée dans la main à une personne debout comme pratiqué habituellement ailleurs, à la condition 1) d'être baptisé dans la religion catholique, 2) d'être en état de grâce (ne pas avoir de péché grave sur la conscience), 3) d'être à jeun depuis au moins une heure (exit les affamés qui aurait croqué une friandise avant le saint moment), 4) d'être catholique pratiquant et 5) d'être en règle avec l'Eglise sur le mariage (divorcés et célibataires non vierges iront gober l'hostie ailleurs).
La mise au point faite, l'ensoutané s'engage alors dans le souvenir larmoyant de l'Algérie française : "La France est morte en Algérie un 19 mars 1962". Il salue les députés qui avaient défendu, en 2005, la loi décrétant le "rôle positif" de la colonisation française, cite aussi bien les généraux Salan et Jouhaux (les dirigeants de l'OAS) que le chevalier Bayard, exalte l'action des religieuses catholiques, des "frères enseignants" comme "des pères blancs dans leur mission d'éducation et d'évangélisation" et rappelle l'essence de la colonisation ("œuvre des militaires, œuvre des religieux, œuvre des bâtisseurs"). Et naturellement aucun mot sur les algériens eux-mêmes, seuls comptent les français et les harkis.
Mais le plus symptomatique a été la conclusion du sermon : alors que le christianisme ne peut, actuellement, que constater sa débâcle et que l'islam montre une violence conquérante renouvelée, l'heure serait à la conversion des musulmans ! Interdit de rire : il faut, aujourd'hui, "prier et agir pour la conversion des musulmans, ce sera notre meilleure manière de réparer tout ce mal et tout ce sang versé." Et de se référer à de glorieux prédécesseurs : Mgr Lefebvre (qui déplorait la liberté religieuse et avait déclaré, le 7 juillet 1965, que "les musulmans sont eux aussi appelés à participer au corps et au sang de Notre Seigneur") et le cardinal Tisserand ("Il faut convertir les harkis au catholicisme et avec eux tous les musulmans", 12 juillet 1965). Colonisation, évangélisation et soumission à la croix chrétienne, exploitation des terres comme des populations conquises, l'extrême droite catholique continue à prospérer sur le terreau de ses vieux réflexes militaires.
26 mars 2006
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