Le mythe de mère Teresa

ou comment devenir une sainte de son vivant grâce à un excellent plan média

Christopher Hitchens

Editions Dagorno 1996




L'icône mère Teresa n'en est plus une : l'excellente enquête de Christopher Hitchens révèle les sombres dessous de cette arnaque mondiale qui a fait d'une religieuse albanaise la dame patronnesse des bonnes actions. Des bonnes actions qui ont surtout permis à nombre d'escrocs et de personnalités d'extrême droite de se refaire une vertu en abreuvant la religieuse menue d'une manne financière aux origines douteuses. Fausse modestie, hypocrisie, manipulation de l'opinion, invention d'un miracle, mère Teresa a eu recours à tous les stratagèmes pour asseoir sa popularité et propager sa théologie de l'asservissement, du sacrifice de l'individu, de l'exaltation de sa souffrance à la gloire d'un dieu imaginaire. Toujours soucieuse de s'afficher sur les lieux de souffrance, mère Teresa eut ces mots odieux après la catastrophe de Bhopal en Inde où l'explosion d'une usine de l'Union Carbide a fait 5000 morts en 1984 : "Pardonnez, pardonnez."

À son aise avec les plus grandes crapules de la planète, mère Teresa, Agnes Gonxha Bojaxhiu de son vrai nom, n'a jamais craint de s'afficher avec des "bienfaiteurs" tels que la sinistre famille Duvallier en Haïti, Enver Hoxha le dictateur albanais auquel elle a rendu hommage, Charles Keating, un escroc étatsunien. Ce dernier, chrétien intégriste, fut condamné à dix ans de prison sans que le soutien de mère Teresa soit altéré...

La célèbre maison des agonisants de Calcutta qui fit la réputation de la religieuse n'est en fait qu'un mouroir : si "dieu" souhaite la mort des pauvres et des malades, pourquoi contrarier sa volonté ? Une hygiène déplorable, des soins rares ou inexistants, des compétences médicales très insuffisantes, telles sont les caractéristiques de l'œuvre fondée par mère Teresa, les Missionnaires de la charité. Mais de cela les puissants n'ont cure et n'ont de cesse de la combler de leurs dons et de leurs honneurs, habile stratagème faisant partie de leur plan de communication. Peu importe que les malades meurent dans des hospices insupportables, la bonne action est plus lucrative quand elle est mise en scène devant les photographes et les télévisions.

Ronald Reagan, Margaret Thatcher, Elisabeth II, Hillary Clinton, la FAO, l'OMS, tous seront complaisamment bernés par la figure adroitement médiatisée de celle qui incarne le catholicisme le plus réactionnaire. Car les pauvres de Calcutta et d'ailleurs ne verront ni ne sentiront l'odeur des sommes colossales recueillies par mère Teresa. La tromperie atteint des sommets en 1979 lors de l'attribution du Prix nobel de la Paix (pour quel motif ?). Devant un parterre de sommités anesthésiées par le mythe vivant, la religieuse distille avec simplicité son opposition farouche à l'avortement : "Je pense qu'aujourd'hui la paix est également menacée par l'avortement qui est une vraie guerre [...] Aujourd'hui l'avortement est le mal suprême et le plus grand ennemi de la paix." Personne ne dit mot ! C'est avec le même aplomb glacial qu'elle a demandé aux bosniaques violées par les serbes de ne pas avorter. Et sa croisade anti-avortement s'est poursuivie inlassablement à Madrid, à Londres, etc. Assurément, mère Teresa mérite son titre de sainte qui la range dans la même catégorie que les plus grands noms du christianisme, héros de massacres d'infidèles, acteurs de conversions forcées ou auteurs d'illusions dénommées miracles.

Mère Teresa a été béatifiée le 19 octobre 2003 en présence du gouvernement français.

Mère Teresa, une sainteté médiatique, un article de Christopher Hitchens paru dans Le Monde Diplomatique en novembre 1996


24 avril 2004


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