Conférence de l'islamiste Hani Ramadan à Paris

"L'Occident et la Charia : pour un dialogue authentique"

Mosquée Addawa, 10 mai 2003




Espérant corriger les idées qualifiées par lui-même de réductrices au sujet de la charia, le recteur de la mosquée Addawa, Larbi Kechat, a invité l'islamiste Hani Ramadan à apporter sa contribution sur le thème de l'Occident et la charia le 10 mai 2003. Arguant que la charia ne se limite pas à un corpus juridique fait de lapidations et d'amputations de mains, cette après-midi de conférences souhaitait convaincre de la profondeur du message du Coran et de la Sunna et des règles de vie qui y sont prescrites. Il n'est pas sûr que l'objectif ait été atteint... Face à une telle tâche, l'aide d'autres intervenants n'était pas superflue et ont donc été invités à s'exprimer le Cheikh Mohamed Saïd Ramadan Al Bouti (professeur à la faculté de la charia, Université de Damas), Jean-Paul Charnay (président du Centre de philosophie de la stratégie) et Mahmoud Daffe (directeur de recherche au CNRS, Toulouse).

Une assistance très nombreuse, parmi laquelle beaucoup de barbus (300 personnes dont environ 20% de femmes, voilées pour la plupart), était venue boire les paroles de celui qui incarne l'islam le plus obscurantiste, l'intransigeance la plus froide et le dogmatisme le plus rigide. Hani Ramadan, de nationalité suisse, est directeur du Centre Islamique de Genève et connu pour ses opinions extrêmement strictes sur l'islam (photo). Ses injonctions sur l'obligation du port du voile ravissent les musulmans qui voient en lui un rempart indestructible contre la laïcité et les impies. Hani Ramadan appartient à une famille où l'islam absolu régit l'existence sans alternative ni partage. Frère de Tariq Ramadan, dont la propagande communautariste et les talents oratoires captivent les jeunes musulmans obsédés par le licite et l'illicite, il est aussi le petit-fils d'Hassan el Banna, le fondateur des Frères Musulmans, un mouvement né dans les années 1920 et qui a inspiré quantité d'organisations fondamentalistes dont la spiritualité se mesure à la puissance de leurs bombes. Le souvenir du grand-père est non seulement omniprésent dans la descendance mais aussi dans la filiation idéologique comme en a témoigné un lapsus ahurissant survenu lors de la conférence. Du fait de la présence d'un intervenant non francophone (le cheikh Al Bouti), une jeune femme, voilée, assurait la traduction de l'arabe au français et réciproquement. C'est dans son évocation de Hani Ramadan que la traductrice l'a nommé "Cheikh Hassan el Banna", assimilant le grand-père théoricien de l'islamisme et le petit-fils partisan acharné de l'interdiction de la pensée libre.

La conférence

Hani Ramadan, bien qu'arborant une barbe fournie, n'est pas de ces individus dont l'obscurantisme se lit sur le visage ou dans une pauvre élocution. Professeur de français, il s'exprime avec aisance, calme, laissant parfois paraître un léger sourire dont on ne pourrait soupçonner qu'il dissimule une pensée aussi sectaire que brutale. L'homme est donc instruit, du moins plus que son auditoire abreuvé à la mauvaise littérature des librairies islamiques parisiennes où il est moins aisé de trouver Averroes que les écrits d'obscurs gourous saoudiens. Le visage plutôt ouvert de Hani Ramadan est celui d'un habile manipulateur conscient que les propos les plus durs seront mieux acceptés s'ils sont prononcés sans colère.

Rompus aux techniques assurant une meilleure popularité à l'orateur, Hani Ramadan commence son exposé en louant la qualité des discussions précédentes. Larbi Kechat et Jean Paul Charnay sont donc élevés aux cieux pour leurs savantes opinions (le terme "savant" apparaît fréquemment dans les propos des musulmans : quand l'appareil critique, qui normalement doit valider les opinions, est absent, le principe d'autorité vient fort à propos pour assurer la gloire des uns et des autres). Ainsi, réduire la charia aux punitions corporelles serait une caricature. Pourtant, bien que Larbi Kechat ait traduit le mot charia par "la route qui conduit à la source" (du savoir, de la foi, etc.), les discussions s'intéresseront exclusivement aux aspects juridiques, contredisant avec éclat les mises en garde premières.

La thèse que l'islamiste suisse était venu défendre sera martelée sans cesse, mais toujours avec un grand calme : la charia étant la loi islamique contenue dans le Coran et la Sunna, le fidèle doit automatiquement s'y reporter quand les solutions à ses problèmes y figurent. Interdiction formelle lui est faite de tenter de réfléchir par lui-même quand les textes répondent aux questions posées. Hani Ramadan répètera maintes fois, et avec application, cette interdiction faite au croyant de penser par lui-même quand le Coran et la Sunna suffisent. Et de citer les textes, autant pour donner du crédit à son propos que pour impressionner un auditoire avide de paroles divines qui ne souffrent aucune contestation : "Il n'appartient pas à un croyant ou une croyante de suivre son propre choix quand Dieu en a décidé autrement." C'est uniquement quand les textes ne suffisent pas clarifier une situation que le musulman est autorisé à remuer ses neurones. Toutefois, Hani Ramadan, prudent, précisera que si les vérités de la foi sont vraies pour l'éternité, la loi, qui pourtant en découle, peut par contre évoluer...

Mais citer le Coran ne saurait suffire à faire de soi un croyant soumis modèle, la juxtaposition systématique d'une formule rituelle après l'évocation du Prophète signe le vrai croyant, celui qui craint son Dieu. C'est donc avec une régularité étonnante que Hani Ramadan veille à souhaiter en arabe "Que la paix soit sur lui" à chacune de ses mentions du prophète pédophile. Allah est satisfait de son œuvre et de ses créatures.

Mais la soumission à son Dieu ne serait pas parfaite si elle ne s'accompagnait pas d'une entière cécité sur la confection du Coran. Alors que plus personne, dans le monde chrétien, n'ose soutenir la perfection de la parole divine présentée dans la Bible, les multiples évangiles astucieusement déclarées apocryphes sont là pour en attester, le monde musulman persiste à verser dans l'illusion de la perfection et de l'incorruptibilité de son texte fondateur. Le Coran, selon la légende musulmane, serait la transcription exacte, au mot près, de la parole adressée par Allah à Mahomet. On ne peut qu'être confondu par tant d'obscurantisme, d'autant plus que des philologues européens mènent des travaux passionnants sur les premières versions du Coran. Mais l'islam n'ayant pas encore connu sa réforme ou son siècle des lumières, la lecture critique du livre dit "saint" continuera à n'avoir pour seule issue que la condamnation à mort. Hani Ramadan ne fait ainsi preuve d'aucune distance par rapport au Coran et a asséné avec répétition qu'il est la seule parole de Dieu restée authentique, les autres (la Bible) ayant été déformées : "Le Coran contient une parole conservée intégralement du début à la fin". L'affirmation autoritaire de vérités simplistes évite au disciple le douloureux effort de penser, de questionner les sources ou d'examiner les analyses qui lui sont présentées. De plus, avec beaucoup d'habileté, l'orateur emploi le conditionnel quand il évoque les faits contés par le Nouveau Testament.

Les sommets de la spiritualité sont atteints quand le conférencier se réfère à la Sunna pour rappeler certains interdits alimentaires qui ne figurent pas dans le Coran mais n'en sont pas moins à respecter (les animaux ayant des canines comme les fauves et les oiseaux qui portent des serres comme les rapaces sont à rejeter). Le propos de Hani Ramadan est d'un dirigisme extrême qui fait du croyant une machine à obéir, un individu sommé de s'abstenir de penser par lui-même et contraint à la soumission perpétuelle à des injonctions de piètre littérature écrites il y a un peu moins de 1400 ans.

Sur la question de la démocratie, le directeur du Centre Islamique de Genève rassure son auditoire en affublant le Coran de vertus qui lui sont étrangères : les principes démocratiques seraient contenus dans le Coran ! Pour corriger immédiatement après en indiquant que le Coran ne saurait se réduire à la démocratie ; la loi divine est souveraine et elle comble à sa guise l'espace restant... Si l'islam n'est donc pas véritablement la démocratie, ne serait-il donc alors qu'une théocratie ? Là encore, Hani Ramadan mettra son public d'admirateurs en garde contre les concepts réducteurs de l'occident en le niant. Enfin, comme le mot ne pouvait ne pas être prononcé en ces temps agités, Hani Ramadan dénoncera le dogmatisme consistant à imposer la laïcité. Accuser les autres de ses propres maux a toujours constitué une diversion efficace auprès d'une foule inculte.

Afin de parfaire sa réputation de "savant de l'islam", le professeur de français n'a pas manqué de mentionner ses maîtres à (ne pas) penser : Hassan el Banna (son grand-père), Ibn Taïmiyya (une référence venue des tréfonds du 13ème siècle pour les fanatiques) et Muhammad Ibn Abd al Wahhab (un puritain du 18ème siècle dont est issu le wahhabisme saoudien qui a inspiré moult organisations terroristes), tous très attachés à la lettre du Coran.

Enfin, la séance de questions avec le public permettra au prédicateur suisse de propager la bonne parole sur deux points : l'obligation stricte du port du voile pour les "sœurs" et la lapidation des adultères. Dans la continuité de ses commandements précédents, Hani Ramadan ordonne aux musulmanes le port du voile en toute circonstance et les exhorte à la résistance, il en va de l'obéissance au Coran et à la Sunna. Demander à une femme d'ôter son voile est comme lui imposer de boire du vin. Et Ramadan va encore plus loin dans le chantage : imposer le retrait du voile est une immixtion inadmissible dans la conscience des femmes. L'assistance est satisfaite de son héros, il résiste comme un roc aux attaques des impies. Les femmes présentes ne disent rien mais elles sont d'accord, c'est certain ; leur avis importe peu puisqu'il est nécessairement conforme à ce qui leur a été dicté. La liberté dont jouissent en effet probablement beaucoup de femmes dans leur décision de porter le foulard islamique n'est qu'une résurgence moderne de l'éternel paradoxe de la servitude volontaire.

Reste alors LA question qui hante quiconque entend ses oreilles agressées par le mot charia : la lapidation des adultères (hommes comme femmes). Calme et détendu, le docte Hani Ramadan évoque la vie de Mahomet, preuve que toutes les réponses à toutes les questions figurent dans l'existence et les enseignements du gourou illettré. Un homme nommé Mâiz s'était rendu auprès de lui pour avouer sa faute adultérine (un péché dans le vocabulaire religieux). Par trois fois l'homme avoua sa faute et par trois fois Mahomet se mura dans un silence étonnamment interprété par Ramadan comme le signe d'une extraordinaire compréhension. Mais au quatrième aveu la patience du "Prophète" était saturée ; la sanction de mort ne pouvait qu'être appliquée et une averse de pierres mit fin à cette belle histoire, gage évident de la supériorité de la spiritualité musulmane. Il ressort de cela que l'application de la lapidation n'a été faite qu'en dernier recours et que le pardon était toujours possible avant le quatrième aveu. L'immense tolérance de l'islam réside donc non pas dans le fait de ne pas punir de mort la faute d'adultère comme le croient naïvement les occidentaux pervers et infidèles, mais dans l'attente du quatrième aveu pour appliquer la sentence. L'illusionniste Ramadan, l'"ami" de Larbi Kechat, a réussi son tour de magie cynique et barbare.

L'article ignoble paru dans Le Monde

Sans surprise, les propos tenus sur la lapidation ont apporté la confirmation attendue de ceux publiés dans le quotidien Le Monde le 10 septembre 2002. S'il est une accusation qu'il n'est pas fondé de porter envers les islamistes, c'est celle de l'entrisme secret qui les forcerait à dissimuler leur stratégie pour mieux parvenir à l'imposition de leur religion stupide et barbare. C'est donc avec la plus grande sincérité qu'Hani Ramadan justifiait, dans cet article, la lapidation des femmes adultères, révélant ainsi sans honte le fond de ce qui lui tient lieu de "pensée". La honte est, comme le doute, inconnue aux dogmatiques. L'article du barbare Ramadan avait reçu une réponse cinglante immédiate dans le même quotidien sous la plume d'Albert Levy.

Secoué par le scandale qui en est résulté en Suisse, et sachant qu'Hani Ramadan est professeur de français, donc fonctionnaire avec les obligations correspondantes, le Conseil d'Etat du canton de Genève a ordonné en octobre 2002 une enquête assortie d'une mesure d'éloignement de son lieu de travail. Hani Ramadan avait, en outre, déjà reçu des avertissements quant à ses activités incompatibles avec sa charge. Le 18 décembre 2002, le Conseil d'Etat informe le raciste Ramadan qu'il envisage de procéder à son licenciement (lire un extrait du point de presse du 18 décembre 2002 sur le site de l'Etat de Genève). La décision du licenciement est notifiée en février 2003 au double motif d'avoir dissimulé ses activités d'ecclésiastique aux autorités et de l'incompatibilité de celles-ci avec le principe de laïcité. Il faut féliciter le Conseil d'Etat du canton de Genève pour cette décision juste. Son homologue français ne peut se vanter d'une telle fidélité aux principes laïques.


Voir la vidéo réalisée par Digipresse lors de la conférence.


13 mai 2003


    Contact