Le pèlerinage à La Mecque
Chaque année l'anxiété qui précède l'organisation du pèlerinage à La Mecque tient autant dans les classiques difficultés inhérentes à une manifestation de masse que dans l'angoisse de la sinistre comptabilité des morts par accident. Le pèlerinage 2003 n'aura pas failli à la macabre habitude : 14 personnes sont décédées dans une bousculade et 82 autres sont disparues de mort "naturelle". Compte-t-on l'épuisement et la déshydratation parmi ces morts naturelles ? Allah n'est donc pas sorti grandi du pèlerinage 2003 quand on sait que la bousculade a eu lieu lors de la lapidation de Satan, opération consistant à jeter des cailloux contre un pilier, rien de plus. Dans le match Allah contre Satan, ce dernier l'aurait-il emporté par 14 à 0 ? Le bilan avait aussi été très lourd lors des années précédentes : 35 morts en 2001 dans une bousculade, 118 en 1998, 340 en 1997 dans un incendie, 270 en 1994, 1426 en 1990 par asphyxie dans un tunnel. Où est Allah ? Ces décès de bons croyants sont-ils la juste récompense d'une vie entière faite de soumission et d'obéissance aveugle ? Le problème de l'existence du Mal est à lui seul le meilleur argument démontrant la stupidité des religions.
Le Hadj, le grand pèlerinage, avait pourtant commencé sous les meilleurs auspices. On dénombrait pas moins de 2 millions de musulmans pour cette course d'obstacle qui allait les promener dans la région de La Mecque et Médine pendant quelques jours, du 9 au 13 février 2003, avec comme point fort le sacrifice du mouton de l'Aïd el kébir, un mois et dix jours après la fin du Ramadan.
Les croyants se rendent d'abord à Mina le premier jour puis au Mont Arafat, à 20 km de La Mecque, le lendemain. Ils y demeurent quelques heures, simulation confortable de l'attente du Jugement dernier, un jour que beaucoup attendront encore longtemps. Des symboles bien sûr. Mahomet y aurait aussi déblatéré son dernier sermon. Mais on dit tant de choses... Grisés d'avoir côtoyé leur destin assis sur la montagne, les pèlerins descendent du ciel et, n'ayant peur de rien, reviennent à Mina pour lapider Satan. Il y serait apparu à Abraham, à sa femme Agar et à leur fils Ismaël. Le diable n'étant que pure imagination, les vaillants Don Quichotte s'acharnent donc à jeter sept cailloux contre des piliers le symbolisant en criant qu'Allah est grand et en espérant être entendus. Les symboles, toujours les symboles. Quand les rites se ridiculisent par leur absurdité, le recours au symbolisme confère un substrat intellectuel à l'idiotie. Deux millions de soldats d'Allah contre trois pauvres piliers, le match est assurément inégal. Hélas, Satan a encore remporté la partie en 2003 puisque c'est précisément lors de la lapidation que sont morts les 14 pèlerins (8 hommes et 6 femmes) dans une bousculade. Le commandant des forces de sécurité à La Mecque, le général Saïd, confirme : "Ce qui s'est passé était un accident et non le résultat d'un dysfonctionnement des mesures de sécurité. C'est le résultat d'une foule nombreuse de pèlerins qui ne respectaient pas ces mesures." Conclusion: Dieu a puni les indisciplinés.
Ce même jour, mardi 11 février, a aussi été procédé au sacrifice des moutons. C'est l'Aïd el kebir, un souvenir ému de l'abrutissement d'Abraham prêt à tuer son fils conformément aux ordres divins. Et la lapidation se poursuit pendant trois jours, Satan est coriace. Mais Mina n'est pas le centre du monde et les pèlerins se pressent ensuite vers La Mecque pour aller tourner autour du sanctuaire de la Kaaba. Comme sept tours doivent être effectués autour de ce qui n'est qu'une météorite, les plus malins se placeront à la corde.
Dernier détail : l'accès au sanctuaire de La Mecque est interdit aux non musulmans. Non, non, ce n'est pas du racisme, juste l'expression de la beauté, de la grandeur et de la tolérance de l'islam. Pourtant, en 1979, des gendarmes français avaient été appelés en renfort par les autorités saoudiennes pour défaire une rébellion à l'intérieur du lieu "saint". Leur accès n'avait été possible qu'au prix d'une conversion rapide à l'islam...
21 février 2003
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