Monseigneur Christodoulos, le très nationaliste chef de
l'Eglise orthodoxe grecque
Ce n'est qu'au début du 19ème siècle que
la Grèce s'est libérée de l'envahisseur turc
présent dans les Balkans depuis quatre siècles.
La proximité de l'ex-envahisseur, ses prétentions territoriales
toujours actuelles (invasion de Chypre en 1974) et le septennat des
militaires grecs (1967 - 1974) ne sont pas les conditions idéales
pour faire disparaître un nationalisme grec attisé sans cesse par
le récent chef de l'Eglise orthodoxe grecque, Monseigneur Christodoulos.
Arrivé au poste suprême en mai 1998, le métropolite
s'est vite illustré par des déclarations toutes plus
réactionnaires et discriminatrices les unes que les autres, allant
de l'opposition à la séparation de l'Eglise et de l'Etat aux
déclarations viscéralement anti-turques.
Dès son entrée en fonction, Mgr Christodoulos a eut
à faire face à une fronde de soixante intellectuels
réclamant la séparation de l'Eglise et de l'Etat en mai 1998.
La religion orthodoxe est en effet religion d'état.
Parmi les atteintes à la liberté de pensée,
on compte l'obligation d'indiquer la religion sur les cartes d'identité
(supprimée en mai 2000),
l'impossibilité d'avoir un enterrement civil, l'obligation
pour les ministres, députés, juges et professeurs de
prêter serment au nom de la Sainte Trinité.
Ces pratiques d'un autre âge, dans un pays où 97% de la
population adhère à la secte, entraînent naturellement le
soutien de Mgr Christodoulos qui y voit le ciment de la cohésion
nationale. Les intellectuels avaient été
précédés deux jours plus tôt le 2 mai 1998, par
un groupe de 53 députés demandant la suppression du serment
au nom de la Sainte Trinité. Ces appels sont restés lettre
morte puisque le gouvernement grec a renoncé à ses projets de
laïcisation de l'état.
Mais le cléricalisme ne se limite pas à cela:
clergé rémunéré par l'Etat, étudiants
en théologie dispensés de service militaire, deux heures de
catéchisme obligatoire dans les écoles publiques,
discrimination envers les enseignants non orthodoxes.
Mgr Christodoulos appelle aussi les jeunes à porter la croix et
s'oppose à la modernisation de la tenue vestimentaire des popes,
bien que ceux-ci la considèrent comme un obstacle à la
prêtrise. La crémation des morts est interdite, mettant
en cause la résurrection des corps. On croit rêver! Ces
superstitions sont très vivaces en Grèce.
Une évolution positive de la Grèce est peu
probable dans la mesure où le nationaliste et antilaïque
monseigneur bénéficie d'une très forte
popularité, 73% d'opinions favorables en 1998. Peu avare de mises en
garde contre "la dérive européenne et laïque du
pays", le prêtre ne manque jamais de donner son avis plus
qu'à son tour sur n'importe quelle question, profitant de son
rôle de chef de la religion d'état. Mais les frictions avec
le gouvernement, qui y voit là une ingérence dans ses propres
affaires, sont nombreuses.
La croisade antimusulmane trouve en Mgr Christodoulos un apôtre
infatigable. La nostalgie d'une grande Grèce telle qu'elle
l'était il y a deux millénaires et la désignation
de "l'ennemi du pays venant de l'Orient" s'inscrivent dans le
schéma classique des fanatiques qui visent à restaurer une
suprématie antique par la discrimination et la haine. Même
raisonnement chez les hindous en Inde par exemple.
Mgr Christodoulos nie que l'Eglise orthodoxe cherche à
empêcher le développement d'autres mythes en se retranchant
derrière la sécurité de l'Etat et la tradition
historique. Le pape JPII ne trouve pas non plus grâce à
ses yeux pour cause de "prosélytisme agressif", accusation
elle aussi porté par les hindous. La lutte contre l'ennemi turc
lui a aussi fait suggérer un encouragement à une politique
nataliste pour les familles grecques de la Thrace (une politique digne
du Front National), dans le nord-est du pays, près de la Turquie.
L'ambition est d'accroître le poids numérique des grecs par
rapport aux familles nombreuses musulmanes de la région qui
comprennent 120000 personnes. Le conflit du Kosovo avec l'intervention de
l'OTAN en 1999 a permis à Mgr Christodoulos de rappeler ses
affinités avec les nationalistes serbes ("la crucifixion du
peuple chrétien serbe") en qui il voit des croisés
prenant "la revanche sur les Turcs".
Si la propagande anti-européenne et anti-turque fait recette,
Mgr Christodoulos s'attarde peu sur l'empire financier de la secte et
certaines irrégularités ainsi que sur les problèmes
apparus dans la gestion de l'Eglise orthodoxe grecque. La justice avait
conduit en mars 1998 à l'ouverture de poursuites judiciaires pour
escroquerie et détournements de fonds. Profil bas du coté
des autorités religieuses. Les liens avec l'extrême droite,
via le journal Sothos, sont eux aussi passés sous silence dans
ses allocutions enflammées.
Le chemin qui conduira la Grèce à une société
égalitaire où la laïcité remplacera les haines
inter religieuses est encore long. Le soutien d'un peuple de grenouilles
de bénitier à un personnage aussi conservateur que Mgr
Christodoulos en est le principal obstacle.
Sources: Service Orthodoxe de
Presse, Libération,
Le Nouvel Observateur,
AFP,
Les Dernières Nouvelles d'Alsace.
23 novembre 1999
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