Un prophète islamo-commercial âgé de 5 ans



Le Sénégal a connu l'effervescence des grands jours le 5 mai 1999, l'envoyé d'Allah sur Terre venait prêcher l'islam au stade de Dakar devant 12000 à 15000 personnes. Comme tel était du moins présenté un petit tanzanien de 5 ans par le fracas médiatique bien orchestré par son entourage.

Cheikh Sharifu passe pour un surdoué de l'islam avec un palmarès que ses protecteurs clament de nature divine: après avoir prononcé le nom de Dieu à sa naissance, il récite le Coran dès l'âge de 4 mois. D'où la tentation rémunératrice de lui faire parcourir l'Afrique pour éblouir le peuple musulman, plus par une réputation qui veut faire de lui le nouveau prophète que par des aptitudes dûment constatées. Ainsi, de sa pratique du français, les spectateurs n'ont eu droit qu'à un bref "Il faut dire comme ça". La fougue prédicatrice du bambin se résume quant à elle à la récitation par coeur de versets du Coran, une performance qui n'est pas le signe d'un esprit particulièrement surdoué, même pour un enfant de cinq ans. L'évènement était retransmis par la télévision nationale et plusieurs chaînes de radio.

Des voix se sont élevées contre ce qui n'est qu'un montage commercial mais aucune rencontre directe entre le pseudo-prodige et les journalistes n'a été possible, l'inaccessibilité reste le privilège des stars, ou de ceux qui aspire à cette notoriété éphémère. La Côte d'Ivoire avait montré la même frénésie en avril 1999 lors de la venue du petit bonhomme à Abidjan. Même spectacle, même accueil, la technique fait recette. Cheikh Sharifu passe ainsi, aux yeux de milliers de musulmans, comme le successeur de Mahomet, ce qui n'est pas rien... Néanmoins, une lecture attentive du Coran soumettrait l'entourage du gamin à quelques interrogations dérangeantes. En effet, nulle part n'est annoncée la venue d'un autre prophète après Mahomet et prétendre parler au nom de d'Allah relève du blasphème. On peut prédire un bel avenir à cette affaire islamo-commerciale qui n'innove pas vraiment puisque les bouddhistes, la concurrence, ont aussi un gamin mascotte comme guide spirituel.

Sources: Libération 21 mai 1999, Yahoo! Actualités 28 avril 1999, Star Media Noticias 21 mai 1999



22 juin 1999

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