L'affaire Galilée



Galileo Galilei, né à Pise en 1564, fut toute sa vie un expérimentateur et un observateur de talent. Après s'être intéressé, entre autres choses, aux oscillations pendulaires et à la balance hydrostatique, il s'installe à Padoue où l'universitaire qu'il était pouvait jouir de la très grande liberté d'expression garantie par la république de Venise. Poursuivant ses recherches en mécanique, Galilée assure aussi des cours d'astronomie à l'université. L'enseignement traite alors uniquement du modèle géocentrique de Ptolémée bien que Galilée se présente, en privé, comme un partisan des idées coperniciennes plaçant le soleil au centre du système planétaire. Les convictions héliocentriques de Galilée à cette époque ne font aucun doute suite, en particulier, à une correspondance avec Kepler en 1597. Les foudres religieuses ne s'étaient pas encore abattues sur les (rares) continuateurs de Copernic dont l'ouvrage Des révolutions des orbes célestes était d'un abord assez difficile.
L'entrée de Galilée sur la scène astronomique eut véritablement lieu en 1609 lors de la présentation d'une lunette de sa fabrication. L'invention de cet instrument révolutionnaire ne lui incombe pas puisqu'il semble avoir été introduit par le biais d'échanges commerciaux avec des hollandais. Les observations du ciel nocturne réalisées ont bouleversé les connaissances (ou plus exactement les croyances) de l'époque. La lune ne se montrait pas comme une sphère à la perfection aristotélicienne mais parsemée de montagnes. La Voie Lactée révélait une quantité incommensurable d'étoiles en perdant son apparence nébuleuse. Jupiter, la plus grosse planète du système solaire, était accompagnée par quatre satellites, détruisant le rôle central de la Terre dans l'organisation des mouvements planétaires. Ces découvertes furent publiées en 1610 dans Le messager des étoiles (Sidereus Nuncius).

Dans les mois qui suivent Galilée observe les taches solaires, découvre l'environnement insolite de Saturne (l'identification de l'anneau en tant que tel ne sera faite qu'en 1658 par Huygens) et les phases de Vénus après son installation à Florence.
L'introduction de ces multiples "imperfections" dans le contexte philosophique de ce début du 16ème siècle conféra à leur découvreur une immense renommée. La description aristotélicienne du monde avait été reprise à son compte par la religion catholique pour laquelle les notions de géocentrisme et de perfection des corps situés au-delà de l'atmosphère terrestre servaient parfaitement le dogme chrétien. L'incident était inévitable. Afin de ne pas tomber dans un schéma trop réducteur, l'ardeur de Galilée mise dans la diffusion des idées coperniciennes ne doit pas être confondue avec un anticléricalisme dont le savant n'a jamais fait preuve, les relations de Galilée étaient nombreuses dans l'Eglise. L'adoption du système héliocentrique par l'Eglise catholique tant souhaité par Galilée n'eut cependant pas lieu.
En 1616 le Saint Office à Rome déclara que l'affirmation que le soleil est au centre du monde et qu'il n'est affecté d'aucun mouvement propre était hérétique. De même affirmer que la Terre n'est pas immobile mais tourne sur elle-même était contraire à la foi et méritait la censure. Les livres exposant la théorie copernicienne furent ainsi interdits. En février 1616, le cardinal Bellarmin, sur décision du pape Paul V, intima l'ordre à Galilée que cette doctrine ne pouvait ni être adoptée ni être défendue. Contraint au silence, Galilée va mûrir un projet ambitieux dans lequel il exposera une réfutation complète du système géocentrique.
Cet ouvrage est publié en 1632 sous le titre: Dialogue sur les deux grands systèmes. Il s'organise en quatre journées pendant lesquelles trois personnages discourent des cosmologies coperniciennes et aristotéliciennes. Le défenseur de Copernic prend les traits d'un esprit cultivé alors que le disciple d'Aristote (et représentant la voix du clergé) en est pauvrement doté. Les débats sont animés par un troisième participant dont la neutralité n'est qu'une façade destinée à servir les intérêts de l'auteur.

Les discussions tournent en ridicule les idées soutenues depuis des siècles par les continuateurs d'Aristote. Galilée s'attaque à la soumission aveugle au dogme dont certains points auraient aisément pu être détruits par la réalisation de quelques expériences de mécanique. Le ton général de l'ouvrage aussi bien que son contenu ont profondément irrité le pape Urbain VIII, un ancien ami de Galilée. La convocation à Rome du savant en 1633 fut le début d'un processus qui conduisit à son procès. Après plusieurs interrogatoires devant le Saint Office, Galilée fut dans l'obligation d'abjurer le 22 juin 1633 dans une déclaration humiliante lors de l'énoncé de la sentence. Le Dialogue sur les deux grands systèmes fut interdit et son auteur condamné à l'incarcération. Toutefois cette peine fut commuée en une assignation à résidence d'abord dans la ville de Sienne puis dans sa villa d'Arcetri, près de Florence où il termina ses jours, aveugle, en 1642.

Ce n'est qu'en 1822 que le Saint Office décide de ne plus interdire la diffusion de livres soutenant le système héliocentrique. Cela ne signifie pas que l'Eglise se soit rangée aux côtés de Copernic et Galilée, il faut attendre le 31 octobre 1992 pour que le pape Jean-Paul II reconnaisse les erreurs de l'Eglise catholique à l'encontre de Galilée mais l'amertume et les réticences subsistent. Le pape a ainsi expliqué, après un réexamen de l'affaire qui a duré douze ans, que "les problèmes sous-jacents à ce cas touchent à la nature de la science comme à celle de la foi. Il n'est donc pas à exclure que l'on se trouve un jour devant une situation analogue qui demandera aux uns et aux autres une conscience avertie du champ et des limites de ses propres compétences". Traduction: les scientifiques ne doivent pas outrepasser les limites de leurs investigations qui leur sont assignées par l'autorité vaticane. Galilée est qualifié de "physicien de génie" et de "croyant sincère", comprendre "pas d'opposition entre science et foi", la déclaration fut faite devant un parterre de scientifiques de l'Académie Pontificale des Sciences. Enfin, le Vatican n'hésite pas à parler d'"incompréhension réciproque" et veut faire croire à la "bonne foi" de tous les acteurs du procès "en l'absence de documents extraprocessuels contraires" alors que le dogmatisme religieux s'est affiché ici avec toute l'autorité qu'on lui connaît. C'est probablement cette même bonne foi qu'ont rencontré Michel Servet et Giordano Bruno au 16ème siècle.



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