Un os divise catholiques et protestants en Finlande




Tels deux chiens hargneux se disputant un pauvre os desséché, les catholiques et les protestants finlandais se font les dents en réclamant la propriété d'un morceau d'os ayant, paraît-il, appartenu à saint Henry. Car saint Henry n'est pas n'importe qui : avant d'avoir été haché menu par un paysan finlandais, c'est d'Angleterre qu'il était venu pour évangéliser cette riante contrée qui sait si bien cultiver la mémoire de ses ancêtres spirituels. La suite est plus banale : canonisé en 1300, enterré dans une cathédrale, sa sépulture pillée et les restes disparus, envolés. Classique.

Mais l'histoire n'est pas avare de miracles pour réparer ce que le vent des conquêtes guerrières a dispersé : en 1924, un morceau d'os est retrouvé et le brave Henry en est d'office déclaré propriétaire. La modernité aidant, on juge plus sûr de le conserver désormais dans un musée d'où le petit morceau de carcasse ne sort que pour alimenter le fétichisme dont le catholicisme est si friand. Pourtant, les protestants goûtent peu ce prêt temporaire et, plus grave, régulier. Les reliques du saint national, ça ne se loue pas. Bien que cette infime portion de squelette ne soit d'aucune signification pour les protestants, ceux-ci lui manifestent néanmoins un attachement émouvant. Hélas, les mécréants sont partout y compris au sein de la Très Sainte Eglise Catholique et Apostolique Romaine et des langues acérées accusent les protestants gérant le musée de ne pas être insensible à son pouvoir rémunérateur : beaucoup de visiteurs viendraient au musée à la seule fin de contempler le morceau d'os.

La controverse renvoie aux brillantes dissensions théologiques qui, au 16ème siècle, ont ensanglanté l'Europe avec des guerres de religion dont les exploits ont convaincu le reste du monde de l'intérêt de se battre pour ses dieux ou, apothéose de l'exégèse, pour la même divinité. On guettera donc avec impatience le verdict qui sera rendu, en 2004, par le médiateur du Parlement finlandais, tel un chef de meute qui doit décider lequel de ses fauves aura droit à la pâtée.



Les reliques par Granville dans
Oeuvres complètes de Béranger



Source : AFP 18 novembre 2003


10 décembre 2003


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