Plusieurs centaines de fascistes défilent à Paris






Les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires

Il a plusieurs fois été question du GUD (Groupe Union Défense) sur atheisme.org. Le groupuscule avait agrémenté de sa présence les manifestations parisiennes de l'extrême droite catholique contre la christianophobie et le blasphème (29 octobre et 11 décembre 2011), et contre l'avortement (22 janvier 2012). Le 13 mai 2012, le GUD a, de nouveau, été de sortie, avec ses grands frères cette fois : la petite famille du fascisme français a défilé de la place de la Madeleine à la rue de Rivoli. Il s'agissait de protester contre le "mondialisme", de raviver le souvenir de Sébastien Deyzieu (un jeune facho mort en 1994), sans oublier Jeanne d'Arc (tout est bon pour inventer une France mythique). Bref, la France n'est plus la France, tout se perd, et un bon coup de volant à droite de la droite de la droite s'imposerait. Pour cela, quelques centaines de types (et quelques filles) à l'allure patibulaire ont eu leur petit moment de célébrité virile, bien décidés à faire table rase de tout ce qui n'est pas franchement blanc et tricolore. Si cette affluence apparaît quand même assez faible numériquement, le sujet demeure néanmoins alarmant car c'est dans ce vivier de brutes que puise le Front National. Qu'il soit celui du père ou de la fille, le FN conserve les mêmes fondamentaux, les mêmes racines historiques. La tentative de replâtrage du parti par la fille n'occultera jamais que nombreux sont ceux présents ce dimanche qui sont aussi, ou ont été, au Front National. Ces groupuscules obscurs ne comportent que quelques dizaines de membres chacun mais, ayant conscience de cela, ils ne dédaignent pas de se raccrocher au FN et au prestige du père, le temps d'une élection ou d'une manifestation, seul recours pour tenter d'exister. D'où la nécessité renouvelée de jeter sur eux une lumière crue.

Les organisations

Le folklore vestimentaire et macho des nationalistes (crâne rasé, blouson noir, tee-shirt Lonsdale, mine renfrognée, lunettes de soleil, agressivité permanente) a trouvé sur le pavé parisien son habituel parcours de défilé de mode. Majoritairement très jeunes, les fachos comptaient aussi quelques rares anciens, vestiges aigris d'une France qui n'a jamais été celle fantasmée. "Bleu, blanc, rouge, la France aux Français" et "Jeunesse, Nation, Révolution" ont été aboyés avec force et ont dû faire forte impression sur les touristes présents sur la place de la Concorde.

Parmi les organisations venues beugler en rang serré, la première place a été occupée par le Renouveau Français. Dans la marée de drapeaux bigarrés qui suivait, on trouvait le "Cœur sacré de Jésus", beaucoup de drapeaux tricolores, et sept croix celtiques noires portées à bout de bras par autant de types particulièrement joviaux. Pour ceux qui préfèrent les banderoles, c'était "la libération nationale" contre le mondialisme et la Nouvelle droite populaire, puis Terre et Peuple.




L'Œuvre Française

Auparavant, à 9h30, L'Œuvre Française avait avancé ses chemises bleues pour sa petite cérémonie personnelle au pied de la statue de Jeanne d'Arc avec le dépôt d'une gerbe. Pendant l'allocution du nouveau chef Yvan Benedetti, les aspirants miliciens maintenaient un garde-à-vous millésimé 1940, avec chemise bleue, pantalon noir et bérêt noir. Sa petite gloire passée, L'Œuvre Française a rejoint la place de la Madeleine pour se ranger avec le reste du troupeau nationaliste, après Terre et Peuple. Elle était précédée par sa branche jeunesse, les Jeunesses Nationalistes, essentiellement constituée en région lyonnaise. Les Jeunesses Nationalistes sont dirigées par Alexandre Gabriac, élu au Conseil Régional de Rhône-Alpes sous l'étiquette FN et viré depuis pour cause de salut nazi et franquiste (ici, et ).

Idéologiquement, L'Œuvre Française ne cache pas ses références pétainistes : "L'homme ne prend sa signification qu'au sein d'un ensemble de communautés naturelles : la Famille qui l'élève, le Travail qui le nourrit, la Patrie qui le protège." C'est donc fort logiquement que, fin avril 2012, des membres de L'Œuvre Française ont rendu visite à leurs petits camarades italiens "afin de participer aux différentes commémorations organisées cette année en l’honneur de Benito Mussolini". Ils y ont aussi rencontré les copains espagnols de la Phalange ; tous ont bien mangé, bien bu et bien chanté (Cara al sol, Maréchal nous voilà), sans rater la messe et la procession catholique.

L'Œuvre Française et les Jeunesses Nationalistes


Le GUD

En quête d'existence et de reconnaissance, les étudiants (ou pas) du GUD ont rassemblé une quarantaine de militant(e)s pour faire peur comme les grands, et placé quelques filles en première ligne. Avec, toujours, les lunettes de soleil pour frimer, on y reconnaissait les tronches déjà vues lors des jérémiades des catholiques contre le blasphème et l'avortement cet hiver. Le tout sous une nuée de croix celtiques.


Le GUD

Politiquement, mais aussi discrètement, les vantards du GUD recommandent eux-mêmes de "mettre le coté gentleman fasciste en avant" (cf. un document interne du GUD Lyon). De façon plus ouverte, un militant et une militante du GUD ont assisté à une messe à Saint-Nicolas-du-Chardonnet en hommage à Franco et Primo de Rivera (probablement le 19 novembre 2010), avec les symboles franquistes (joug et faisceau de cinq flèches) qui trônaient derrière l'autel (vu dans Nos fiançailles, un reportage de Chloé Mahieu et Lila Pinell diffusé sur Arte en février 2012) ; idem pour le petit chef du GUD Edouard Klein le 19 novembre 2010. Les deux premiers figuraient d'ailleurs en première ligne ce dimanche et ils s'affichent aussi sur Facebook (voir note).

Après le GUD, c’était le tour de la petite troupe du Front Comtois dont la présence avait déjà été remarquée le 22 janvier 2012 lors de la manifestation catholique contre l’avortement. Parmi les nationalistes autonomes qui suivaient, pour bien rappeler qu'on n'était pas à une kermesse de quartier, quatre ou cinq bestiaux tendaient haut leur poing ganté de noir (voir photo ci-contre). Les collègues ultramontains de Autonomi Nazionalisti (Autonomes Nationalistes) leur emboitaient le pas. Orné d'un glaive et d'un marteau, la facture archaïque du drapeau a rappelé que, ce matin, l'horloge s'était, pour tous, arrêtée dans les années 30.

En fustigeant le mondialisme, la manifestation ne se contentait pas d'un patriotisme furieux mais osait aussi des prétentions sociales. Plutôt que proposer de réelles solutions à l'élaboration d'une société plus solidaire envers tous, la récupération du vocabulaire en usage dans les organisations progressistes de gauche est une stratégie bien plus aisée et reposante. C'est ainsi que s’est présenté le Front Populaire Solidariste dont le nom pourrait faire se méprendre sur son réel contenu idéologique. Rien à voir bien sûr avec le Front Populaire de 1936. Ses drapeaux "Liberté, patrie, 3ème voie" sont de même facture que ceux des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires qui apparaîtront un peu plus tard dans le cortège. Le FPS n'est qu'une déclinaison supplémentaire de Troisième Voie, l'organisation de Serge Ayoub, un personnage venu du milieu des skinheads. C'est donc sans surprise que, à quelques mètres, un ramassis désordonné de hooligans se massaient derrière la banderole de Peuple et Patrie. L'un d'eux arborait d'ailleurs son beau sweat-shirt des supporters du PSG du KOP de Boulogne, un bouledogue sur fond de drapeau tricolore. Bref, les intellectuels de la matinée.


Le Front populaire solidariste et les drapeaux de Troisième Voie

Mais protester contre le mondialisme ne devait pas faire oublier qu'on était aussi là pour honorer la mémoire de Sébastien Deyzieu, poursuivi par des policiers et tombé d'un immeuble le 9 mai 1994 lors d'une manifestation nationaliste. On a le martyr qu'on peut, maigre gloire sur laquelle construire un héroïsme qui fait défaut dans les rangs nationalistes. Il fallait bien deux banderoles pour cultiver le héros involontaire. Curieusement, aucun drapeau C9M (Comité du 9 mai) n'est venu flotter derrière la banderole "Sébastien présent".


Sébastien Dezieu, héros involontaire d'une cause en manque de martyr

Les nationalistes autonomes italiens n'ont pas été les seuls étrangers invités à goûter le pavé parisien : les belges de Nation sont eux aussi venus réclamer, qui sait ?, la France aux Français ? la Belgique aux Belges ? Un peu plus bas en latitude, quelques nordistes de Picard Crew sont venus donner de la voix, autant que le permettaient leurs rangs clairsemés. Pourtant, "crew" ne semble pas franchement appartenir au vocabulaire francophone ("équipe" ou "bande" en anglais).

JNR

Enfin, le meilleur du spectacle était pour la fin. Le cortège était clos par les JNR (Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires) et son allure de milice paramilitaire aurait fait passer son hilarité à n'importe quel mort de rire. Dix-neuf fachos marchaient au pas cadencé (voir photo ci-dessous, aucune fille pour la décoration), tous revêtus d'une tenue strictement identique : blouson noir, jean noir, chaussures noires, sans lunettes de soleil (voir la première photo en haut de cette page). Le nationaliste a la passion de l'uniforme. Les JNR sont en quelque sorte les combattants de Troisième Voie dont le symbole du trident était très présent dans le cortège. Les références fascistes des JNR sont évidentes : sur les drapeaux de tête, la devise "croire, combattre, obéir" est une reprise de celle adoptée par Mussolini ("croire, obéir, combattre"), et les symboles dont ils sont décorés (faisceau, hache, aigle) sont directement copiés de ceux de l'État fasciste de Mussolini. Comme la fine équipe est attentive aux détails, "croire, combattre, obéir" orne aussi le poignet droit de chaque blouson et, perfectionnisme du raffinement, certains types rivalisent de tatouages intrépides : le cou, le crâne, le visage, les mains, tout y passe. Quant à la masse de muscles exhibée, on ne cherchera pas à savoir si les stéroïdes ont apporté leur participation au renouveau national du tour de biceps.


La marche au pas cadencé des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires



15 mai 2012


Note du 15 juin 2012 : cette page n'étant plus accessible sans connexion à Facebook, on se reportera à sa copie d'écran.


Nouvelle Droite Populaire


Terre et Peuple


L'Œuvre Française au pied de la statue de Jeanne d'Arc, avec uniformes de miliciens et croix celtiques tricolores


L'Œuvre Française et les Jeunesses Nationalistes


Le Front Comtois


Nationalistes Autonomes, français à droite et italiens à gauche.


Nationalistes Autonomes, bras et poing tendu.


Hooligans


Hooligan du KOP de Boulogne


Peuple et Patrie, et ses hooligans


Front des Patriotes


Les Belges de Nation


Boucle de ceinture en coup-de-poing-américain


Picard crew


Le drapeau des JNR et leurs symboles inspirés du fascisme (faisceau, hache et aigle)

    Contact