Iran, sous le voile des apparences

Thierry Michel

Après l'excellent Mobutu, Roi du Zaïre, Thierry Michel signe un autre documentaire sur un pays lui aussi à la botte d'une caste qui a confisqué le pouvoir. Si le film sur Mobutu Sese Seko constituait un reportage historique très combatif, celui sur l'Iran se veut plutôt le regard serein d'un observateur sur l'Iran d'aujourd'hui, une société bipolaire écartelée entre des religieux fanatiques et une jeunesse qui n'aspire qu'à la liberté.

La jeunesse iranienne n'est pas révolutionnaire, ses souhaits sont simples : en finir avec la phobie de la mixité qui désagrège les cerveaux des fondamentalistes chiites, pouvoir parler entre garçons et filles sans craindre les réprimandes des bassiji, la milice du pouvoir, bénéficier de la liberté d'expression, faire du théâtre, etc. On assiste ainsi, autant étonné qu'admiratif, à ces jeunes, garçons comme filles, qui dénoncent ouvertement le pouvoir des religieux, n'hésitent pas à reprocher à leurs aînés l'islamisme à outrance de la Révolution de 1979, ne se cachent pas pour exprimer leur rejet des bassiji et de la police inquisitrice des descendants d'Ali. Avec, bien sûr, les étudiants comme fer de lance de la révolte.

À côté, c'est une société encore ancrée dans le passé, dans le culte des martyrs de la guerre contre l'Irak (2 millions de morts de 1980 à 1988 !). La vie des fous d'Allah n'est qu'une longue suite d'incantations, de prières, une soumission absolue au chiisme qui passe nécessairement par la vénération des saints de l'islam. Au nombre de ceux-ci, le martyr Hossein bénéficie d'une adoration sans égal : Thierry Michel réussit une scène hilarante où un prêche à la gloire de Hossein montre une assistance masculine en pleurs, effondrée, accablée par le récit maintes fois ressassé des hauts faits et du calvaire du martyr. Leurs effusions lacrymales en provoquent d'aussi difficiles à retenir chez le spectateur, de rire celles-là...

Un très bon et intelligent documentaire qui peint les soubresauts d'une société en mutation.