Les fanatiques musulmans et le gouvernement algérien contre la liberté de la presse
Ali Dilem, 35 ans, est le caricaturiste emblématique de cette Algérie qui en a assez de l'armée et des islamistes. Chaque jour, dans le journal Liberté, il dénonce d'un coup de crayon affûté les errements de la société algérienne. Le président Bouteflika, marionnette des militaires, est ainsi fréquemment l'objet de son humour caustique. Les islamistes, dont le palmarès en Algérie se mesure par près de deux décennies de terreur et des dizaines de milliers de morts dans des massacres barbares qui défient l'entendement, sont eux aussi régulièrement attaqués par le courageux dessinateur.
Preuve que Dilem ne saurait être accusé de timidité dans ses caricatures, on peut, par exemple, le voir mettre en scène un islamiste qui s'adresse à sa victime en lui proposant : "Coran alternatif ou coran continu ?" Et cela se passe en Algérie ! Plus récemment, à l'issue du pèlerinage à La Mecque où 244 personnes sont mortes piétinées dans une bousculade, Dilem a traité sans ménagement ce drame du fanatisme dans l'édition de Liberté du 3 février 2004. Le pape y déclare que "cette année pour la chandeleur on a eu droit à des galettes de sarrasin" ! Il n'en fallait pas plus pour déclencher l'ire des islamistes.
Dessin de Dilem paru dans Liberté le 3 février 2004
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Le pouvoir algérien, excédé par les attaques de la presse contre son régime corrompu, est alors venu à la rescousse des barbus. Lors de la diffusion à la télévision du prêche du vendredi 20 février 2004, l'imam de service, payé par l'Etat, a proféré des menaces à l'encontre des journalistes en citant nommément Liberté. Les journalistes ont été qualifiés d'"apostats" et d'"ennemis de l'islam" (RSF, 23 février 2004). Les imams ont alors demandé que "le mal porté à la religion soit réparé". On imagine sans peine le genre de "réparation" requise... Ces appels à la haine et au boycott du journal ne sont pas sans rappeler les éructations des fascistes Ali Benhadj et Abassi Madani qui ont su générer le chaos qui a ensanglanté l'Algérie. L'Etat algérien s'abandonne donc à une alliance nauséabonde avec les islamistes pour intimider la presse face à la dénonciation de son incurie par des journaux comme Liberté et Le Matin. Les prêches de la haine entendus ce vendredi sont l'émanation directe du ministère des affaires religieuses comme la confirmé le ministre Bouabdallah Ghoulamallah qui, le lendemain, a assumé l'entière responsabilité des propos (Afrik.com, 23 février 2004). Le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni n'a pas manqué de témoigner d'une solidarité sans faille avec son collègue en justifiant les propos tenus : "Ces prêches ont répondu à une caricature excessive, insultante et qui porte atteinte à l’un des éléments fondamentaux de l’identité nationale. Qui porte atteinte à la Constitution elle-même" (El Watan, 25 février 2004). Quant à Ahmed Ouyahia, Chef du gouvernement, bien que se démarquant légèrement du zèle de Bouabdallah Ghoulamallah, il a néanmoins abondé dans le sens des islamistes en qualifiant la caricature de Dilem d'"agression contre la société et de comportement irresponsable" (Liberté, 28 février 2004).
Une campagne de protestation a immédiatement répondu à cette nouvelle tentative de museler la presse et Dilem, que rien n'effraie, a répondu à sa façon par un nouveau dessin le 21 février 2004. La parole est donnée à un imam qui justifie ses appels à la haine :
Dessin paru dans Liberté le 21 février 2004
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16 mars 2004
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