Manifestation contre la place Jean Paul II :
Delanoë et la police interdisent la contestation




"Delanoë honore un assassin." Trois heures avant l'inauguration de la place Jean Paul II à Paris, Bertrand Delanoë a été conspué par des manifestants venus s'opposer à cette tragique rebaptisation d'un lieu public, au centre exact de la capitale. Le maire de Paris a choisi son camp ce 3 septembre : en plus d'insulter la mémoire des victimes du SIDA, il s'affirme aussi comme un ennemi de la laïcité et fait honte au combat antifasciste (les amitiés de Jean Paul II et de quelques fascistes sont connues). A l'appel des Verts, dont les élus ont affiché une présence remarquée (Sylvain Garel, Yves Contassot, Denis Baupin), et d'Act Up, un rassemblement a été organisé à l'angle nord ouest de la place rebaptisée "place des morts du SIDA". Mais les antipapistes n'étaient pas seuls : alors qu'ils étaient encerclés par la police, quelques militants d'extrême droite les narguaient, libres de leurs mouvements et reconnaissables au petit écusson catholique au cœur sur fond de drapeau tricolore.

Si la Brigade activiste des clowns (BAC) a amusé les passants comme les manifestants par la dénonciation des déclarations criminelles de Jean Paul II, les militant(e)s d'Act Up affichaient une détermination grave et sombre : "Delanoë a oublié; SIDA : 25 millions de morts." A la mémoire des camarades qui ne sont plus et de tous ceux qui, dans les pays pauvres, continuent de mourir à cause de l'intransigeance ignoble du Vatican, les manifestants se sont allongés sur le bitume, quai du Marché neuf, devant la préfecture de Police. La place Jean Paul II sera surtout la "place des mortes du SIDA". Contre cela et pour tous ceux "qui aiment l'amour", des préservatifs étaient distribués gratuitement. Le trajet du défilé avait conduit les 150 manifestants à faire le tour de la Préfecture, et les a finalement dirigés vers la place du Châtelet au son de "Ni dieu, ni maître, ni ordre moral", résonnant entre le Palais de Justice et la Préfecture, ou encore de "Troupes du Vatican, hors de la cité". Quant à la composante laïque de la manifestation, elle a été assurée par les militantes de l'Union des Familles Laïques. Constamment encerclé par la police, le cortège a évidemment été filmé, un policier en civil utilisait son caméscope avec le plus grand naturel.

Mais tous les slogans n'ont pas pu être exprimés; Jean Paul II est un saint avant l'heure et le servile Delanoë comme l'agressif Sarkozy en sont le valet et l'escorte dévoués. Ainsi, avant le début de la manifestation, alors que je déambulais quai de Montebello, un policier en civil remarque la tige de ma pancarte, elle-même masquée par une grande poche. L'homme, habituellement toujours présent en tête des manifestations parisiennes, m'arrête, prend la pancarte et, accompagné de deux collègues en civil eux aussi, m'emmène. Après quelques tergiversations, il est finalement décidé de me parquer avec les Verts qui étaient encerclés par la police. Si, finalement, ni mon identité ni mon sac n'ont été contrôlés, la fébrilité de certains policiers demeurait néanmoins très inquiétante et trahissait la volonté des autorités de réprimer tout mouvement de contestation du pape, de l'Eglise catholique et des religions en général. Alors que j'étais seul et n'affichais aucun comportement agressif, un des policiers, qui semblait être un chef, montrait une nervosité disproportionnée. L'homme m'affubla d'un pluriel ahurissant : "Ils ont des pancartes, ils les cachent dans des poches !", panique délirante face au moindre écart à la norme et à un danger fantasmé.

Cet incident était en fait annonciateur de la répression qui devait sévir dans l'après-midi : une cinquantaine de personnes, dont des membres de l'UFAL (communiqué de l'UFAL), ont été interpellées par la police ! Quiconque ose s'opposer à la papolâtrie, tant du Parti Socialiste que de l'UMP, devient un hérétique à éloigner et enfermer. Ne surtout pas gêner le pouvoir municipal dans l'exhibition de l'éternelle alliance du sabre, du sceptre et du goupillon. Voilà où en est la laïcité française : après les multiples projets de loi pour la réinstauration du délit de blasphème déposés par des élus UMP, avec les menaces de révision de la loi de 1905 par Sarkozy, après la complaisance de nombreux politiciens dans l'affaire des caricatures de Mahomet, la moindre opposition au pouvoir et à l'impunité des religieux est réprimée par la seule méthode qui assure, depuis toujours, la pérennité des religions. La force brute, l'interdiction de parole, l'acoquinement des puissants avec la cléricanaille, voilà la réalité du message délivré par Saint Bertrand Delanoë ce dimanche à Paris.


Police partout, ...
 
Un policier en civil filme les manifestants.
 
Jean Paul II, ce qu'il a vraiment dit (12 novembre 1988).
 
La place Jean Paul II rebaptisée Parvis des morts du SIDA avant l'inauguration officielle.
 
"Place des mortes du SIDA."
 
Jean Paul II, ce qu'il a vraiment dit (février 1993).
 
Corps allongés sur le sol et recueillement à la mémoire des victimes du SIDA devant la Préfecture de Police.
 
"Le Vatican est contre la vie, contre mon mode de vie".
 
Une croix fabriquée avec des préservatifs.
 



Des photos des arrestations par les policiers en civil sur vigilance-laique.over-blog.com.


4 septembre 2006


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