La circulaire octroyant des jours de congés selon la confession : un favoritisme antilaïque




Une circulaire, renouvelée chaque année, précise les jours pour lesquels des congés peuvent être accordés aux croyants qui se réclament de l'option religieuse correspondante. Naturellement, rien n'est prévu pour les incroyants. Ces jours sont un privilège accordé en vertu de la religion et doivent être supprimés. Un cadre territorial travaillant dans un Conseil général propose une action originale pour contester ces mesures de favoritisme : demander l'octroi de tous les jours en se déclarant à la fois bouddhiste, musulman, juif, orthodoxe, arménien, etc. Un collectif s'est constitué et peut être contacté à le.doigt@laposte.net.

La circulaire en vigueur pour 2003.

Le témoignage et les actions prévues par ce collectif :

"Je suis cadre territorial auprès d'un conseil général. Je mène une action contre la manière dont est appliquée dans ma collectivité la circulaire relative aux autorisations d'absence pour fêtes religieuses, pratiques qui reviennent de fait à accorder des congès supplémentaires selon des critères d'appartenance religieuse.

Pour lever toute ambiguïté sur ma démarche :

1. Je considère que l'application de cette circulaire telle qu'elle est pratiquée dans les services départementaux du fait qu'elle accorde un avantage particulier sur la base de l'appartenance confessionnelle est une discrimination. A ce titre elle constitue une menace pour la cohésion sociale.
2. Autant, il est normal que les personnes puissent ne pas être empêcher de participer à des fêtes et des événements importants pour eux, et donc que le droit de poser un congès ces jours là leur soit garanti. J'y souscrits tout à fait. Autant, que cette reconnaissance prenne la forme d'un avantage dérogatoire au droit commun est inéquitable. On voudrait diviser, et donc opposer, les agents selon leur présumée appartenance confessionnelle que l'on ne s'y prendrait pas autrement.
3. La non discrimination est inscrite dans la loi et en premier lieu dans la constitution. Article 1 de la constitution de 1958 : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée

En tant que cadre, je n'ai pas à interroger les agents sur leur appartenance confessionnelle pour statuer sur le bien fondé et la légitimité de leur demande d'autorisation d'absence pour fêtes religieuses. Je l'accorde donc à qui le demande sans présumer de leur religion. Pour ma part, j'ai demandé à bénéficier de la fête de l'Aid, et je suis fermement décidé à interpeller les juridictions appropriées si cela m'était refusé pour un motif autre que de service. Dans tous les cas, il est hors de question que je réponde de mon appartenance confessionnelle et idéologique.

La circulaire FP/7n° 2015 du 1er octobre 2001 prévoit que des autorisations d'absence peuvent être accordées à l'occasion des principales fêtes religieuses de différentes confessions.

L'employeur (la puissance publique en l'occurence) a-t-il a connaître la confession d'une personne et de demander des justificatifs d'appartenance religieuse ? L'employeur a-t-il légitimité de dénier l'appartenance religieuse d'un salarié? Très concrètement, qu'est ce qui empêche un athée ou un catholique de demander une autorisation d'absence pour fêtes religieuses musulmanes, juives ou arméniennes? Et sur quels motifs, autres que d'intérêt de service, l'employeur peut-il refuser de l'accorder?

Je vous soumets cette question, car dans ma collectivité, un certain nombre de collègues sans confession particulière affichée ont décidé de demander des autorisations d'absence pour fêtes religieuses et de profiter de congès complémentaires ... comme leurs autres collègues juifs ou musulmans.

En cas de conflit avec l'employeur à ce sujet, les collègues ne peuvent-ils pas faire appel au nom du droit constitutionnel? et devant quelle juridiction?"



Le communiqué du Collectif d'Initiative Citoyenne : "Le doigt qui montre la Lune" :

"Projet d'initiative citoyenne contre la Discrimination religieuse dans la fonction publique !

Une dérive constitutionnement et socialement dangereuse.

A l'origine la circulaire FP/n° 901 du 23 septembre 1967 visait à garantir aux salariés de la fonction publique que leur employeur ne les empêche pas de participer à une fête religieuse. Etait accordé sur demande simple, une autorisation d'absence. L'autorisation d'absence pouvait être refusée pour motif de service. La circulaire ne précisait pas si cette autorisation d'absence était imputée sur les congès annuels.

Jusque là, rien à redire, on est dans le respect des convictions philosophiques des personnes dans le respect du droit et de l'équité entre les citoyens. Sauf que le caractère confessionnel de la mesure est indéniable puisque les jours concernés doivent correspondre à une liste réactualisée chaque année.

A noter que le fait de bénéficier de jours fériés correspondant à des fêtes religieuses catholiques ne constitue pas un préjudice (bénéficier d'un avantage non sollicité n'est préjudiciable) susceptible de nécessiter la mise en œuvre d'une compensation. Ou alors, les athées pourraient exiger qu'on leur accorde des compensations pour leur imposer "Noël, le Lundi de Pâques, l'Ascension; la Pentecôte, le jour de Marie et la Toussaint.

En juillet 2003, l'arrêté "Chiche", tribunal administratif de Melun, n°012769 modifie la donne en reconnaissant un préjudice financier au salarié qui, suite à un refus d'autorisation d'absence de son chef de service, avait dû poser un congès imputable sur ces droits annuels pour assister à une fête religieuse. Cette jurisprudence entérine de facto que l'autorisation d'absence pour fête religieuse est un avantage matériel sur critère religieux.

Nous dénonçons la dérive introduite par cette jurisprudence dans l'application de cette circulaire comme instituant parmi les citoyens une discrimination par l'obtention d'un avantage matériel accordé pour un motif confessionnel, notion contraire :

  • A l'article 1 de la constitution française : "Art. 1. - La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances."

  • A l'article 1 de la convention n°111 de l'Organisation Internationale du Travail : "Article 1 - Aux fins de la présente convention, le terme « discrimination » comprend : a) toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession".

  • Article II-21:du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe: " Article II-21 - Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle".
Il est inadmissible qu'une telle entorse aux droits fondamentaux soit instituée par une circulaire ministérielle et par une juridiction administrative sans que les représentants du peuple souverain n'aient eu leur mot à dire et sans que le Conseil Constitutionnel ne soit saisi.

Dans le climat politique actuel d'exacerbation des confessionnalismes, cette mesure est socialement dangereuse. En accordant à certains des avantages hors du droit commun, la circulaire en l'état ne peut que susciter des rancœurs pouvant constituer le terreau de l'intolérance et de la perméabilité aux thèses de l'extrême droite. Nous avons d'autres ambitions pour la France que de devenir un Liban. On voudrait diviser, et donc opposer, les agents selon leur présumée appartenance confessionnelle que l'on ne s'y prendrait pas autrement.

Aussi, le collectif d'initiative citoyenne "Le doigt qui montre la lune" soumet-il pour discussion à l'ensemble des citoyens et en premier lieu aux personnes attachées à la défense des droits fondamentaux de la République, un projet d'initiative visant à subvertir une mesure inique en utilisant ses failles juridiques et aboutir à son abrogation, projet provisoirement dénommé "Nous sommes tous des judéo-islamo-orthodoxo-bouddhistes arméniens pratiquants".

"Nous sommes tous des judéo-islamo-orthodoxo-bouddhistes arméniens pratiquants".

Le projet consiste à appeler l'ensemble des salariés à s'octroyer trois jours de congès supplémentaires (si ce n'est déjà fait) au titre de fêtes religieuses. En effet, la Loi interdit à l'employeur d'avoir à connaître les choix philosophiques d'un salarié, ni de lui en demander la déclaration, ni de lui exiger la production de justificatifs d'appartenance confessionnelle.

Dans le cas d'espèce, une jurisprudence récente de mars 2001, arrêté "Crouzat", Cour Administrative d'Appel de Paris, 22 Mars 2001, n° 99PA02621 stipule que "L'appréciation d'un chef de service ne peut en aucun cas reposer sur la nature du culte concerné pour accorder à un fonctionnaire une autorisation d'absence lui permettant de participer à des manifestations religieuses. En l'absence de dispositions législatives et réglementaires en la matière, il appartient seulement au chef de service d'apprécier si une telle autorisation est ou non compatible avec les nécessités du fonctionnement normal du service."

Toutefois, il est déconseillé qu'un salarié pose des jours relatifs à des fêtes religieuses de cultes différents. En effet, dans la mesure où les demandes d'autorisation d'absence doivent s'effectuer par écrit, elles constituent juridiquement des faits dont l'employeur en cas de discordance pourrait se prévaloir pour débouter le salarié sur la base d'une suspicion légitime.

A l'heure où l'actuel gouvernement spolie d'un jour de congès les salariés, par cette action, ces derniers devraient regagner du temps libre tout en revendiquant leur attachement aux valeurs de la République.

Il est recommandé d'informer son syndicat préféré et les représentants du personnel dans l'entreprise afin de pouvoir le cas échéant bénéficier du soutien nécessaire. Autant, la plupart des syndicats ne sont pas prêts à promouvoir une initiative qui leur apparaîtrait remettre en cause un avantage acquis par une fraction des salariés, autant, sauf à manquer de valeurs citoyenne, ils ne peuvent qu'accompagner les salariés dans leurs relations avec l'employeur.

Qu'il soit clair que cette initiative, loin de viser les intérêts des citoyens de confession musulmane, juive, orthodoxe, bouddhiste et arménienne, veut réaffirmer le caractère laïque de la République, creuset d'une citoyenneté où tous peuvent librement penser et pratiquer les options philosophiques de leur choix.

Certains d'entre nous, athées, agnostiques ou chrétiens, ont déjà mis en œuvre ce plan de résistance citoyenne en demandant des jours pour fêtes religieuses. Et ils le revendiquent ! Nous sommes le doigt qui montre la lune et non l'étincelle qui met le feu aux poudres.

Bien entendu, avant de généraliser cet appel, il nous apparaît nécessaire qu'un débat ait lieu. Le contact le.doigt@laposte.net et tous les lieux de discussion disponibles doivent le permettre. Entière liberté est donnée, tant aux organisations de masse qu'aux groupuscules confidentiels (à l'exception des mouvements racistes, xénophobes et sectaires) de s'associer à cette initiative et de la reprendre à leur compte. L'important, c'est la lune (finale?)"



24 décembre 2003

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